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Sénégal : La révision de la Constitution suffira-t-elle à corriger l’image brouillée de Macky Sall ?

Que diable se passe-t-il au Sénégal ? C’est la question que peuvent se poser les amoureux du Sénégal, s’inquiétant de ce que certains n’hésitent pas à qualifier de dérive autocratique du président Macky Sall et qui aurait pris la forme d’une inclination de la justice à emprisonner trop facilement certaines grandes figures de l’opposition pour des motifs divers. Pour rappel, Karim Wade, le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, à qui on prédisait un destin de challenger numéro 1 de Macky Sall, est derrière les barreaux pour un bon bout de temps – 6 ans – après avoir été condamné par la CREI pour enrichissement illicite. En on ne parle pas de deniers publics insignifiants ! Ses partisans se sont empressés de dire que le dossier à charge est vide, monté de toutes pièces et que l’actuel président a tramé un complot pour barrer la route de la prochaine présidentielle à Karim, s’assurant ainsi une réélection confortable. Alors qu’en face les supporters du président de la République clament un retour à l’ordre normal, la fin de l’impunité et le sacre de la bonne gouvernance.

Oumar Sarr, le numéro 2 du PDS (Parti démocratique sénégalais, la formation des Wade père et fils) et élu à l’Assemblée nationale, est également tombé pour « faux, usage de faux et diffusion de fausse nouvelle ». Sarr a repris textuellement un article du journal Le Monde lequel, sur la base du PV de l’audition par la justice française de l’ancien président de l’IAAF, Lamine Diack, affirmait que les sommes reçues frauduleusement par Diack de la part des Russes ont été injectées dans la campagne électorale de Macky Sall. Le problème pour le secrétaire général adjoint du PDS c’est que l’ex-président de l’IAAF a nié formellement avoir cité nommément le président Sall ; et même le journal Le Monde s’est confondu en excuses et est revenu sur ses déclarations…

Alors quand Macky Sall a rendu public très récemment son projet de révision de la Constitution, il avait sans doute à cœur de rétablir son image de démocrate, qui s’est considérablement brouillée aux yeux d’une frange de la population, et de réaffirmer son statut de président de tous les Sénégalais, sans exclusive. Nous verrons prochainement s’il a atteint son objectif, en attendant il y a des dispositions qui ont retenu notre attention, et sans doute celle de tous les Sénégalais, dans le texte présenté par le président Sall.

Un projet très séduisant sur le papier

« 1. la modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique ;

  1. la participation des candidats indépendants à tous les types d’élection ;
  2. la promotion de la gouvernance locale et du développement territorial par la création du Haut Conseil des collectivités territoriales ;
  3. la reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens : droits à un environnement sain, sur leur patrimoine foncier et sur leurs ressources naturelles ;
  4. le renforcement de la citoyenneté par la consécration de devoirs du citoyen ;
  5. la restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel ;
  6. le renforcement des droits de l’opposition et de son Chef ;
  7. la représentation des Sénégalais de l’Extérieur par des députés à eux dédiés ;
  8. l’élargissement des pouvoirs de l’Assemblée nationale en matière de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques ;
  9. la soumission au Conseil constitutionnel des lois organiques pour contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation ;
  10. l’augmentation du nombre des membres du Conseil constitutionnel de 5 à 7 ;
  11. la désignation par le Président de l’Assemblée nationale de 2 des 7 membres du Conseil constitutionnel ;
  12. l’élargissement des compétences du Conseil constitutionnel pour donner des avis et connaître des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’appel ;
  13. la constitutionnalisation des principes de la décentralisation et de la déconcentration ;
  14. l’intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, à la laïcité, au caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l’Etat, au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du Président de la République ».

Mais là où le président était le plus attendu, c’est sans doute sur cette affaire de rétablissement du quinquennat et de limitation des mandats. Ses partisans crient sur tous les toits que ces dispositions ne s’appliquent pas au mandat actuel, alors que ses adversaires politiques le somment de se conformer immédiatement à sa promesse électorale. Le texte présenté hier semble clore définitivement le débat :

« L’article 27 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

Article 27. – La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans.

Cette disposition s’applique au mandat en cours.

Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.

Cet article ne peut faire l’objet de révision ».

Reste maintenant à savoir par quel moyen le président va donner corps à cette disposition qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Ses partisans ont  abondamment avancé l’idée que Sall allait requérir l’avis du Conseil constitutionnel pour savoir s’il pouvait faire valoir la rétroactivité et rétablir tout de suite le quinquennat. Ils ajoutaient que cet avis lierait le président de la République, ce qui sous-entend qu’en cas de Non – que les adversaires de Sall soupçonnent d’avoir soufflé en douce aux membres du Conseil constitutionnel -, le président irait au bout du septennat. L’opposition accuse le président de fomenter un gros coup et répètent à l’envi, en s’appuyant sur les propos de spécialistes du droit, que le Conseil constitutionnel n’a qu’un rôle consultatif. Nous verrons bien ce qu’il en sera…

Mais ce n’est pas le seul nuage sur le ciel du président. En effet le numéro 2 du PDS envisage de déposer une plainte à la CPI contre Macky Sall pour détention arbitraire. D’après le député, « La Constitution vient encore d’être piétinée par le pouvoir de Macky Sall au détriment de l’opposition » dans la mesure où « aucun membre du Parlement ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté, en matière criminelle ou correctionnelle, qu’avec l’autorisation de l’assemblée dont il fait partie ». Là aussi ‘’wait and see’’…

Un héritage très lourd à porter

Le président Sall a un legs historique très encombrant, pour lui je veux dire. Il n’est pas aisé de s’asseoir sur le fauteuil de Léopold Sédar Senghor, homme de lettres éclairé de dimension internationale et un des artisans de l’indépendance du Sénégal ; d’Abdou Diouf dont le départ sur la pointe des pieds après sa défaite en 2000 a été salué par les démocraties du monde ; d’Abdoulaye Wade qui malgré ses errements à la fin de son deuxième mandat (tripatouillage de la Constitution pour s’offrir un troisième mandat, manœuvres grossières pour installer son fils au pouvoir et autres dérives monarchiques) restera comme le promoteur des infrastructures dont le pays avait tant besoin. Pas facile pour Macky Sall de se faire une place au soleil, à côté de ces noms qui reviennent souvent dans la bouche des Sénégalais. Certes l’actuel président a mis en branle le PSE (Plan Sénégal Emergent), un vaste et ambitieux programme pour sortir enfin le pays des affres du sous-développement, mais la machine est lourde et mettra beaucoup de temps à donner des résultats. En face les citoyens s’impatientent, doutent, éructent, accusent. Sall devra se débrouiller avec tout ça pour mener sa barque, après avoir grillé depuis belle lurette sa période de grâce, si tant est que cette dernière ait jamais existé…

S.L.

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