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Tunisie : L’endettement, l’alpha et l’oméga de tous les gouvernements depuis 2011

Rien n’a changé sous le soleil tunisien. Le pays continue de s’endetter plus que de raison, et de la mauvaise dette en plus qui ne sert qu’à faire fonctionner la lourde machine publique, au lieu de faire tourner la machine productrice de richesses – l’entrepreneuriat privé – et d’emplois, au mépris de tous les principes de base d’une économie saine. La chose a été dite, redite jusqu’à l’usure par toute la palette d’experts avisés que compte ce pays, sans que ça ne trouble le moins du monde la quiétude des gouvernants. Ce gouvernement, comme toux ceux qui l’ont précédé depuis la révolution (de ce point de vue au moins l’actuel chef du gouvernement, Habib Essid, n’est pas une rareté, contrairement à ce que veulent nous faire gober ses ennemis d’aujourd’hui, qui étaient ses amis hier), se contente d’une gestion économique à minima en ouvrant les vannes de l’endettement. Point barre. Hier jeudi 14 juillet, il a reçu l’aval de la Banque africaine de développement (BAD) pour un prêt de 268 millions d’euros, dédié à la modernisation du secteur financier, nous dit-on. Par ailleurs le gouvernement s’apprête à tenter l’aventure des marchés financiers internationaux pour un emprunt obligataire de 500 millions de dollars (environ 450 millions d’euros) garanti par les USA. C’est la grande forme sur le front de l’endettement !

Le ministre des Finances, Slim Chaker, avait déclaré fin juin que ce montant sera affecté au financement du budget de l’État et au soutien à la relance de l’économie, mais ça c’est l’affichage. Quand on sait que près de 40% du budget est avalé par les dépenses de fonctionnement et les salaires de la fonction publique, il ne faut pas être un expert pour deviner le sort qui sera réservé à ce pactole. Le budget de l’État a littéralement explosé en cinq ans, passant de 18 à 29 milliards de dinars, dont 13 milliards sont absorbés par la masse salariale de la fonction publique contre 6,5 milliards en 2010.

La ligne rouge allègrement franchie

La dette publique tunisienne on n’en parlait pas beaucoup avant la révolution, ou très peu. Mais les choses ont bien changé depuis, on a franchi allègrement la cote d’alerte. Elle affiche maintenant le chiffre effarant de 50 milliards de dinars (environ 20 milliards d’euros), un comble pour une économie dont quasiment tous les moteurs sont en panne et un Etat qui a le plus grand mal à engranger des recettes lesquelles, de l’aveu même de Slim Chaker devant la représentation nationale, ont fortement baissé. Et que dire des 6 milliards de dinars que le trésor public doit décaisser cette année au titre du service de cette dette, et 7 milliards en 2017. Comment tenir le coup face à des dépenses sociales qui s’envolent alors que les recettes fiscales fondent comme neige au soleil, avec un tourisme en berne et une industrie du phosphate qui n’est plus que l’ombre d’elle-même ?

Pourtant il y a des économistes qui rament à contrecourant et affirment que le problème est ailleurs. C’est le cas de Hakim Ben Hammouda, ancien ministre des Finances et initiateur du think tank Ifriqiya pour le dialogue économique (IDE). D’après lui le danger ne vient pas du «taux de la dette [estimé à 52,7 % du PIB en 2015 par la BAD] mais » de « sa nature. Il ajoute que jusqu’en 2010, la Tunisie fonctionnait sur le modèle de financement d’une nation émergente, avec une dette composée à 60% par l’emprunt local et 30% par les prêts étrangers, ventilés entre marché international, liens bilatéraux et institutions multilatérales. Mais ce schéma s’est brisé et la tendance est maintenant à 50% de crédits contractés auprès de ces institutions, notamment le FMI, ce qui change complètement la donne car ces prêts sont remboursés en devises, une catastrophe quand on voit la plongée du dinar.

Des réformes douloureuses sans cesse repoussées

« Certes, ce sont là les conséquences de décisions prises il y a cinq ans. Mais, aujourd’hui, on a le choix entre subir ou discuter avec les partenaires sociaux pour mettre le holà aux surenchères et aborder des questions taboues comme les privatisations. Le tout est une question de volonté politique », a déclaré Fadhel Abdelkefi, directeur général de Tunisie Valeurs, à Jeune Afrique.

Pour Mehdi Sethom, cofondateur de la société de conseil Mediterranean Corporate Finance, la solution est sous nos yeux : Il faut que l’économie sorte du joug de l’État et qu’on lui injecte du tonus à coup de capital-investissement. Pour lui il faut mobiliser l’épargne en faisant sauter les verrous pour les organismes de microcrédit et leur permettre de la collecter. Encore faut-il que cette épargne soit conséquente quand on sait que beaucoup de salariés (des études disent même 1/3), pris dans le cercle infernal de la consommation, sont à découvert à la banque presque en permanence.

Pour les chefs d’entreprise et les experts économistes la messe est dite : l’État doit se séparer de ses actifs, une opération qui ouvre sur une garantie de 1 milliard de dinars sur la dette des entreprises publiques. Ils illustrent leur propos par la privatisation de Tunisie Télécom, en 2010, qui avait permis de rogner la dette publique, qui était alors montée à 65% du PIB. D’après les chantres de la privatisation, l’Etat n’a pas d’autre choix que de céder des bijoux de famille, des décisions sans doute douloureuses, impopulaires mais salutaires pour la guérison du malade qu’est la Tunisie, selon eux.

Et pourtant les entrepreneurs y croient encore!

Les entrepreneurs sont fertiles en idées. Certains verraient d’un bon oeil la mise en place d’une agence de gestion de la dette et un virage volontaire des autorités, notamment dans l’adoption des lois. Ils se rappellent au bon souvenir du gouvernement et du Parlement en disant que la loi partenariat public-privé (PPP) n’a toujours pas de décret d’application et que le code des investissements traine toujours.

La corruption et l’économie parallèle sont également pointées du doigt, elles pèseraient plus de 50% du PIB. «Arrêter des barons de l’informel mettrait un frein à ces pratiques», lancent des chefs d’entreprise déboussolés et dépités.

Bref, la tâche est colossale, et il faut du courage et un sens aigu du sacrifice pour l’attaquer frontalement. La Tunisie cherche toujours ce spécimen très rare – un vrai chef de gouvernement – pour amorcer le tournant de la réforme… et de la rigueur, que personne ne veut nommer.

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