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Tunisie : Pourquoi Chahed les tient dans sa main, malgré le pied de nez

Le nouveau chef du gouvernement, Youssef Chahed, se prépare à se livrer à un exercice de haute voltige, risqué : Un vote de confiance, dans un Parlement bondé et chauffé à bloc, à n’en pas douter. Ce passage obligé dans les démocraties qui se respectent, ce à quoi aspire la Tunisie, en dépit des ratés que l’on sait, est toujours périlleux. En effet quelles que soient les assurances que peut obtenir à priori le chef du gouvernement, il ne peut avoir de certitude sur la densité de l’appui qui lui sera accordé, à moins de considérer que les députés sont des godillots qui se conforment parfaitement aux consignes des états-majors de leurs partis. Et en parlant de ces derniers, Chahed ne s’est pas mis dans la meilleure des postures en ne tenant pas compte de leurs réserves et propositions in extremis, malgré ses engagements, et en lançant son fameux « rendez-vous vendredi à l’ARP !», en guise de réponse à leurs cris. Un peu maigre pour calmer la colère des partis politiques. Il y en a qui ont rué dans les brancards, renâclé, tempêté après Chahed, et certains élus doivent être en ce moment même en train de fourbir leurs armes pour faire passer un mauvais quart d’heure à Chahed. Le feu roulant des questions et interventions demain vendredi 29 août s’annonce mouvementé. Toutefois malgré la tempête qu’il pourrait essuyer, le chef du gouvernement aura in fine sa majorité pour gouverner. Elle pourrait même être assez confortable, et il y a des raisons objectives à cela.

La première tient à des raisons purement politiques. Ou politiciennes, c’est selon. Quand on dit que le gouvernement Chahed est la dernière cartouche du président de la République, et même de la Tunisie, ce n’est pas une vue de l’esprit, c’est une réalité. Les Tunisiens en ont soupé des agitations incessantes de la scène politique, et aspirent à un peu de calme, à défaut d’avoir des dirigeants éclairés. Au moins ça. C’est ce qui explique que même la destitution de Habib Essid, dans des conditions très troubles que personne n’est en mesure d’expliquer rationnellement, quoiqu’on en dise, n’a pas fait broncher des citoyens désabusés, mises à part quelques déclarations enflammées dans les salons ou les cafés. Les partis politiques, notamment ceux de la coalition à la tête du pays, n’ont plus les moyens de se payer une crise politique en rejetant le gouvernement Chahed, ou même en le fragilisant avec un Oui pas assez massif. Ils feraient exploser le peu de crédit qui leur reste. Ils sont en quelque sorte pieds et poings liés devant les rebuffades de Chahed. Et ça ce dernier, qui est relativement un bleu dans la marre de requins qu’on appelle la scène politique, l’a parfaitement compris et a superbement joué là-dessus avec ce pied de nez dans la dernière ligne droite !

L’autre raison est économique et sociale. Là aussi le pays n’a plus les moyens de prolonger l’instabilité politique, avec 6 gouvernements qui ont défilé en à peine 5 ans, sans que cela n’améliore en rien les indicateurs du pays, au contraire. Difficile d’avoir un cap économique quand on a ce rythme infernal de changements à la tête du pays. C’est une Tunisie presque à genoux financièrement dont Chahed va prendre les rennes demain. D’ailleurs il va à coup sûr exploiter à fond ce filon dans son discours devant les parlementaires pour tenter de ramener à la raison ceux qui ont des envies de pugilat. Les bailleurs de fonds de la Tunisie (FMI, Banque mondiale, Union européenne…), qui portent le pays à bout de bras depuis la Révolution et qui le voient se débattre dans ses affres économiques, ne comprendraient pas que les élus de la nation fassent des croche-pattes au patron de l’exécutif.

Le troisième motif, qui n’est pas le moindre, est d’ordre sécuritaire. Au moment où le péril terroriste guette dans la région, et ailleurs dans le monde, comment expliquer aux amis de la Tunisie que le Parlement sème des obstacles sur le chemin du chef du gouvernement ? Difficilement concevable quand l’urgence est à un retour rapide à la stabilité politique pour bâtir des institutions solides capables de préparer le pays au pire, qui peut toujours arriver.

Chahed a un coup d’avance, mais…

Force est quand même de constater que le timing de Chahed pour signifier une fin de non recevoir aux partis venus faire part de leurs récriminations suite à l’annonce de la composition du gouvernement est parfait. Il a attendu le dernier moment pour fermer la porte aux négociations. Jusqu’à hier mercredi, il a fait croire à ses interlocuteurs qu’il retoucherait son équipe pour tenir compte de leurs désidératas. Et puis patatras, rien. Pas le moindre changement. Ce qui, à quelques jours du vote décisif à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), ne laisse pas le temps aux partis politiques pour se retourner. Un vrai coup de maitre. Pour un novice en politique, il apprend vite le Chahed !

Mais cette aventure est risquée. Si Chahed enregistre des succès dans sa mission, ce qui n’est pas complètement absurde comme hypothèse après tout, ses soutiens ne se gêneront pas pour revendiquer une part des lauriers, en dépit des cris d’orfraie qu’ils ont poussés à l’annonce de la composition de son équipe. Par contre s’il échoue, ce sera le désert autour de lui. Il sera le seul à porter le chapeau, exactement comme ce fut le cas pour Habib Essid. Et là les soutiens d’hier remettraient sur la table leurs réserves, leurs critiques, en les saupoudrant de déclarations du genre « on lui avait bien dit qu’il allait droit vers le mur avec une telle équipe ».

Conclusion de toute cette affaire : Chahed a sacrément intérêt à réussir pour ne pas terminer prématurément sa course au cimetière des politiques remplis de gens qui à un certain moment ont aussi été indispensables, pour paraphraser la célèbre phrase du non moins célèbre homme d’Etat français Georges Clemenceau.

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