AccueilInterview«Des lobbies puissants derrière la détérioration du secteur agricole», affirme Koraich Belghith

«Des lobbies puissants derrière la détérioration du secteur agricole», affirme Koraich Belghith

Dans une interview exclusive accordée à Africanmanager, le vice-président de l’UTAP, Koraich Belghith, a déclaré que l’organisation propose que la loi des finances 2017 consacre 1 Milliard de dinars à la promotion de l’économie sociale et solidaire, ce qui permettrait de réaliser une croissance de l’ordre de 8%. D’après lui, ce type d’économie a un impact dans la réduction des inégalités et dans la discrimination positive en faveur des régions intérieures.

Sur un autre plan, il a estimé que l’agriculture, en générant plus de 12% du produit intérieur brut (PIB), pourrait devenir la colonne vertébrale de l’économie tunisienne, si une stratégie cohérente était mise en place…

Pour lui, beaucoup reste à faire. Il a également pointé du doigt l’activisme de lobbies puissants qui sont derrière la détérioration du secteur agricole, selon lui. Interview :

D’importantes quantités de pluies ont été enregistrées ces derniers jours dans plusieurs régions de la République, notamment au centre et au Cap Bon. Quelles sont les estimations par rapport à la saison agricole ?

Les pluies sont intenses et en quantités importantes, c’est pour cette raison qu’on est optimiste, surtout avec le démarrage de la nouvelle saison agricole.

Cette quantité importante aura certainement des répercussions positives sur le secteur et plus précisément sur notre récolte oléicole, qui a connu une baisse au cours de la saison précédente. D’après les chiffres, la production est à 700 mille tonnes, soit 140 mille tonnes d’huile d’olive alors que les exportations d’huile d’olive ont baissé de 70% par rapport à la saison écoulée. Les exportations ont enregistré une recette de 480 millions de dinars.

Cette quantité importante de pluies aura aussi ses effets sur les nappes d’eau, essentiellement dans cette phase où le pays fait face à des ressources limitées, ce qui a provoqué l’aggravation de la crise d’eau.

De toute façon, cette quantité importante de pluie va donner un appui pour assurer un bon démarrage de la saison agricole.

C’est important, mais cette quantité reste limitée dans les zones intérieures où s’implantent les forages  qui continuent de faire face à une diminution considérable de l’approvisionnement.

Peut-on alors s’attendre à une récolte oléicole exceptionnelle, comme ce fut le cas en 2014 ?

C’est vrai que la Tunisie a connu au cours de 2014 une saison oléicole exceptionnelle avec le niveau record de la production, qui a atteint plus de 280 mille tonnes, plaçant le pays deuxième producteur mondial après l’Espagne. Les exportations d’huile d’olive ont culminé pour atteindre 186 mille tonnes contre 26 mille tonnes durant la saison de 2014, soit une multiplication par plus de sept fois. En même temps, les recettes d’exportation ont observé une courbe ascendante au cours de la même période, et même multipliées par neuf. Ces performances ont permis d’avoir une balance alimentaire excédentaire.

Pour la nouvelle saison, il est encore prématuré d’évoquer cette question. Beaucoup reste à faire pour atteindre ces performances.

Que faut-il faire alors ?

Je pense que l’agriculture en générant plus de 12% du produit intérieur brut (PIB) peut devenir la colonne vertébrale de l’économie tunisienne, si une stratégie cohérente et efficiente est mise en place.

Un plan ambitieux permettrait de trouver les mécanismes nécessaires pour créer un équilibre, surtout au niveau de la production de l’huile d’olive, de manière à préserver notre place à l’échelle internationale.

Cette démarche est cruciale aussi afin de promouvoir des secteurs vitaux et de chercher de nouveaux marchés à l’international. Une étape qui nous permettrait sans doute de générer plus de 5000 millions de dinars au niveau de la balance commerciale.

Et c’est possible ?

Certainement oui… On pourrait fixer stratégiquement nos objectifs comme c’est le cas dans d’autres secteurs tels que le phosphate… Des objectifs qui tableraient sur une meilleure contribution des produits alimentaires dans la balance commerciale à l’horizon 2020..

Tout est possible, surtout que plusieurs secteurs comme le lait continuent d’enregistrer une surproduction.

Mais pourquoi on n’a pas pensé à ce genre de stratégie alors que les atouts existent pour gagner ce challenge ?

Cette question est bien évidement liée aux études et stratégies, mais aussi à la présence des lobbies « connues » qui sont derrière la détérioration du secteur de l’agriculture. Ajoutons à cela le retrait du pouvoir, qui a beaucoup favorisé le développement de la monopolisation dans plusieurs secteurs, comme le lait, sans oublier les difficultés structurelles et conjoncturelles qui paralysent le boom du secteur primaire dont notamment le retard en matière de modernisation, le taux élevé d’endettement des agriculteurs…

On fait aussi face à un réel blocage au niveau des accords conclus avec les autorités en place, chose qui a beaucoup affecté le secteur et par la suite touché la situation de nos agriculteurs.

Mais le gouvernement en place exige des sacrifices de l’ensemble des acteurs, surtout dans cette conjoncture morose. Qu’en pensez-vous ?

C’est légitime et on pourrait même reporter nos revendications à caractère financier, mais on exige par contre une application d’autres demandes comme l’assurance agricole et l’assurance contre les catastrophes naturelles.

A ce niveau, on exige l’activation du fonds spécialisé dans ce domaine sachant que les agriculteurs se sont dits prêts à le financer. Il faut rappeler que la création de ce fonds est prévue depuis janvier dernier, mais voilà, rien n’a été fait. Ce retard peut s’expliquer par la volonté de certaines parties et lobbies d’imposer leur mainmise sur ce secteur.

Cette hypothèse est confirmée par l’absence de volonté gouvernementale pour la restructuration de ce secteur stratégique. La preuve : le projet de loi sur les coopératives ou sociétés agricoles est encore sur le bureau du Parlement depuis plus de trois ans…

On n’a pas observé une démarche sérieuse de la part du gouvernement pour promouvoir le secteur agricole.

Quel rôle pourrait jouer l’UTAP dans ce processus ?

On multiplie les efforts pour faire face à ces lobbies qui veulent dominer le secteur agricole. De même, on essaye d’instaurer les fondements de l’économie sociale et solidaire laquelle, à mon avis, à son mot à dire pour réduire les inégalités et assurer la discrimination positive en faveur des régions intérieures

Votre message pour le nouveau gouvernement de Youssef Chahed ?

L’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche doit reprendre sa place stratégique. De même, le GUN devrait accorder plus d’intérêt à ce secteur étant donné que toutes les stratégies mises en place après le 14 janvier n’ont pas mis en relief l’importance de ce secteur afin qu’il puisse assumer son rôle économique comme il se doit.

Notre organisation appelle aussi à trouver des solutions urgentes pour les problèmes du secteur comme le problème du financement et celui des terrains agricoles. On plaide également pour l’intervention de l’Etat afin de faciliter l’exportation de l’excédent des produits agricoles.

La mise en place de certains avantages incitatifs demeure utile pour pouvoir réaliser la mise à niveau du secteur. A ce titre, on propose dans la loi des finances pour l’exercice 2017 de consacrer 1 Milliard de dinars de dinars à la promotion de l’économie sociale et solidaire qui permettrait de réaliser une croissance de l’ordre de 8%.

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