La mort par électrocution d’un chômeur, Ridha Yahyaoui, à Kasserine en signe de protestation contre le retrait de son nom d’une liste du recrutement dans la fonction publique, a mis le feu aux poudres dans la région et depuis ce mercredi ailleurs, suscitant colère et affliction, illustrant le sentiment d’abandon d’une grande partie de la population.
Ce sentiment d’abandon , déjà vivace chez les jeunes sans travail ni perspective d’emploi , a vite fait de déclencher une vague des mouvements de protestation qui a démarré samedi et se poursuit jusqu’à maintenant pour toucher plusieurs autres régions du pays.
Après un calme précaire n’ayant duré que quelques heures, le climat de tension a refait surface avec une remarquable ampleur à Kasserine où les habitants continuent à revendiquer leurs droits.
Les rangs des protestataires se gonflent à Kasserine pour dépasser le millier.Ils se rassemblent à l’intérieur et devant le siège du gouvernorat en bloquant toutes les routes et les issues de la cité avec des amas de pierres et des pneus, selon jawhara fm.
A Sidi Bouzid, les jeunes d’Al Meknassi sont descendus dans les rues où ils ont mis le feu à des pneus par solidarité avec les manifestants de Kasserine.
A Gafsa, les habitants de la délégation de Rdeyef ont organisé une marche de protestation suite à l’augmentation du chômage dans la région et la dégradation des conditions de vie.
D’après les révélations du député du Front populaire (FP) Ammar Amroussia, près de 14 diplômés de l’enseignement supérieur observent depuis quelques jours une grève de la faim à Gafsa.
A Sousse, une marche de soutien aux protestataires de Kasserine a été organisée par les composantes de la société civile et des jeunes à Sousse. D’après Shems fm, cette marche a pour objectif de soutenir les jeunes protestataires de Kasserine qui revendiquent leurs droits tout en dénonçant la mort du jeune Ridha Yahyaoui.
Encore à Tunis, une autre marche a été organisée par un grand nombre des citoyens.
Un peu tard…
Ce climat fortement tendu et agité a obligé le gouvernement à réagir en décidant le limogeage du premier délégué de la région de Kasserine et l’ouverture d’une enquête approfondie sur la liste des personnes recrues parmi les jeunes qui avaient protesté en 2014 pour demander de l’emploi.
Et pourtant, c’est encore insuffisant et les autorités en place avaient tardé, pour nombreux observateurs. L’union régionale du travail de Kasserine à titre d’exemple a affirmé que ce gouvernement n’a pas tenu ces promesses concernant la réalisation de projets de développements dans ladite région. De plus, les mouvements de protestation sont spontanés, pacifiques et menés par des jeunes chômeurs, souligne-t-elle, tenant le gouvernement pour principal voire unique responsable Car, soutient-elle, « il n’a pas alloué le budget nécessaire pour relever les défis confrontés notamment l’emploi et le développement », précise le secrétaire général de l’URT de l’UGTT de Kasserine, Amor Mhamdi.
Vers une nouvelle révolution …
Malgré les tentatives du gouvernement de trouver une issue à cette crise en organisant une visite d’une délégation parlementaire à Kasserine, beaucoup reste à faire surtout qu’une deuxième révolution est de plus en plus probable. C’est ce que pense le député Ammar Amroussia qui a affirmé que « la situation ne s’améliore pas avec les mouvements ininterrompus et avec un gouvernement qui n’arrive toujours pas à redresser une économie où la croissance n’arrive guère à résorber l’épineux problème du chômage »
Chiffre à l’appui, le chômage est passé de 12 à 15.2% dans le pays entre 2010 et 2015. A Kasserine, les chômeurs représentent presque 30% de la population active.
Tout est possible, a pour sa part, estimé l’universitaire et l’économiste Moez Labidi. Car, il est difficile d’engager des réformes dans les régions dans un climat caractérisé par les querelles partisanes et dans un pays criblé de dettes, appelant toutefois à lancer des réformes structurelles.