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«Des personnes, avec des obligés sous la coupole du Bardo, ne seront pas touchés par l’enquête de Panama Papers».

Achraf Ayadi, expert bancaire et financier résident à Paris, a accordé à Africanmanager une interview exclusive dans laquelle il a évoqué l’affaire de Panama Papers et la gigantesque fuite de documents fiscaux qui établit l’implication de plusieurs responsables tunisiens dans la fraude fiscale.

Dans cette interview, Achraf Ayadi a surtout indiqué que cette commission n’a aucun pouvoir et aura du mal à condamner politiquement des personnages influents qui comptent des obligés sous la coupole du Bardo. L’expert a ainsi appelé à mener une vraie réforme fiscale et remettre à plat le système, les barèmes, les textes, etc…Interview :

L’ouverture d’une enquête sur « Panama Papers » changera-t-elle la donne en Tunisie?

Fondamentalement, « non ». Cependant, l’instrumentalisation politique se saisira de chaque nom de Tunisien qui apparaîtrait dans les documents publiés. Qu’il s’agisse d’une simple demande d’information, ou d’une fraude fiscale dont les preuves sont pleinement constituées, il y aura des personnages-clefs de la vie politique dont la crédibilité sera fortement écorchée.

Économiquement parlant, c’est un non-événement en Tunisie, contrairement à d’autres pays où l’esprit de citoyenneté  et les lois démocratiques seront intransigeants avec le «devoir d’exemplarité». Des exemples comme l’Islande ou le Royaume-Uni devraient nous interpeller sur l’importance du sens éthique et de la culture de la «redevabilité», chez nos électeurs comme chez les dirigeants qu’ils ont eux-mêmes élus.

La commission parlementaire qui se penchera sur ce dossier, pourrait-elle vraiment révéler la réalité sur l’implication des Tunisiens dans l’évasion fiscale ?

C’est bien plus une œuvre de communication qu’une action concrète de «détricotage» du système de la fraude offshore. Cette commission n’a aucun pouvoir, elle ne peut pas obliger les journalistes à partager toute leur documentation, elle ne peut se constituer partie civile contre les Tunisiens fraudeurs, et elle aura du mal à condamner politiquement des personnages influents qui comptent des obligés sous la coupole du Bardo.

De plus, le déroulement du vote sur la loi des nouveaux statuts de la BCT a démontré à quel point nos députés manquent d’outils techniques pour analyser et comprendre des questions aussi complexes, à la frontière de plusieurs législations fiscales et bancaires. Nous vivons un simulacre de démocratie où la fraude fiscale et l’argent occulte financent les campagnes électorales et mettent les élus sous coupe réglée.

Dans quelle mesure peut-on faire confiance aux enquêtes ouvertes par l’Etat, sachant que plusieurs enquêtes ont été ouvertes dans plusieurs affaires, mais qu’aucun résultat n’a été atteint ?

C’est une bonne question pour Maître Chawki Tabib (ndlr : Président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption) ! Dans un pays où la moitié de l’économie échappe à tout contrôle, où la fraude fiscale est un sport national et où le niveau de la corruption politico-médiatique a atteint des sommets, nous n’avons aucune affaire d’envergure qui soit allée jusqu’au bout. Des décisions de justice pour confiscation de biens mal acquis ne sont pas exécutées pour des raisons obscures. Des parties prenantes, y compris les représentants de l’Etat, qui refusent de se présenter à un tribunal dans l’affaire d’une banque de la place. Et j’en passe. Si nous sommes incapables de rendre justice sur notre territoire national, comment pouvons-nous le faire lorsque tous les ingrédients du crime sont à des milliers de kilomètres de nos frontières ?

Que proposez-vous pour que l’on puisse combattre efficacement la fraude fiscale ?

Il est indispensable de mener une vraie réforme fiscale et remettre à plat le système, les barèmes, les textes etc. Un Gouvernement digne de ce nom doit mettre la légitimité des urnes qui l’a porté, au service de tous les citoyens pour installer une vraie justice contributive. Trembler devant les corporatismes professionnels et ne pas réformer, c’est humilier l’Etat et dénigrer l’exercice démocratique. C’est le sentiment d’injustice et l’impunité bureaucratique qui incitent les individus comme les entreprises à la fraude. Panama Papers n’est au final que le doigt du sage qui nous montre la lune. Balayons devant notre porte, d’abord !

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