AccueilInterviewLeila Amdouni : "L'amnistie fiscale est une arme à double tranchant"

Leila Amdouni : « L’amnistie fiscale est une arme à double tranchant »

Leila Amdouni, experte et membre de l’ordre des experts comptables, a accordé une interview exclusive à Africanmager où elle a parlé du projet de la loi de finances 2017 qui va être prochainement déposé au bureau de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP).

Leila Amdouni a ainsi fait un ensemble de recommandations. En outre, elle a parlé de l’amnistie fiscale et sociale envisagée dans le cadre de ce projet de loi.

Qu’est-ce que vous pensez du projet de la loi de finances 2017 ?

A priori, plusieurs recommandations pourraient être proposées dans le cadre de la loi de finances pour l’année 2017, lesquelles doivent servir inéluctablement à renflouer les caisses de l’Etat qui sont actuellement quasiment vides.
Mais, il ne fait pas se leurrer. La loi de finances pour l’année 2017 doit également prévoir des dispositions qui sont de nature à booster l’investissement, à réduire le chômage et à améliorer les conditions de vie des citoyens tunisiens.

Des détails sur vos recommandations ?

Les recommandations envisagées peuvent se résumer comme suit :
Le régime forfaitaire d’impôt. Il est proposé d’introduire le régime forfaitaire optionnel pour le forfait d’impôt (et non pas le forfait d’assiette pour les professions libérales), pour attirer une partie des forfaitaires qui évitent la tenue d’une comptabilité, même simplifiée, lorsque leur chiffre d’affaires excède le plafond de cent mille dinars par an (100.000D) et ce, en fixant le montant d’impôt à 2000D ou à 2500D par an.

Et quelle est l’utilité de cette mesure ?

Cette mesure permettra de se procurer des recettes fiscales supplémentaires sans faire un effort particulier au niveau du contrôle fiscal, surtout que le nombre des agents chargés de faire le contrôle est très réduit (1650 agents approximativement) par rapport au nombre total des contribuables (à peu près 680.000)
De réduire le nombre des forfaitaires dont le nombre total a atteint 400.000 ces dernières années.
Après avoir fixé la période maximale à trois ans pour bénéficier du régime forfaitaire d’impôt, selon les dispositions prévues par la L.F. pour l’année 2016, plusieurs forfaitaires seront tentés de choisir le régime forfaitaire optionnel.
A titre d’exemple, si 50.000 forfaitaires uniquement optaient pour le régime optionnel, les recettes fiscales seraient de l’ordre de cent vingt cinq mille dinars (125.000D), alors qu’actuellement les recettes globales provenant du régime forfaitaire ne dépassent guère 0,21% des recettes fiscales (soit à peu près 43.000D).

Et qu’est-ce que vous pensez du barème de l’impôt sur le revenu?

De prime abord, il y a lieu de supprimer l’exonération accordée aux personnes physiques dont le revenu annuel n’excède pas le plafond de cinq mille dinars par an (5000D), qui a créé beaucoup de difficultés au niveau de l’application, d’un côté et un sentiment de frustration chez les personnes dont le revenu dépasse légèrement ce plafond de 5000D, d’un autre,
Surtout que cette exonération a été étendue dans le cadre de la loi de finances complémentaire pour l’année 2015 à toutes les personnes physiques pour la première tranche de 5000D, abstraction faite de l’importance de leurs revenus qui peuvent atteindre des montants très élevés, et dont l’entrée en rigueur a été reportée au 1er/1/2017.

Mais en contre partie, il serait indiqué :
D’indexer l’exonération sur le SMIG pour qu’elle soit permanente, quel que soit le niveau du SMIG
D’augmenter le taux des frais professionnels de 10% afin de compenser le manque à gagner qui sera subi par les personnes dont le revenu annuel ne dépasse pas le plafond de 5000D.
En outre, on peut réviser à la hausse le taux des frais professionnels qui est fixé actuellement à 10% pour les revenus qui ne dépassent pas certaines limites, et continuer à le réduire pour les revenus élevés afin d’avoir des taux dégressifs qui seront appliqués selon l’importance des revenus réalisés.
La fourchette des taux pour frais professionnels peut varier entre 15% pour les faibles revenus et 5% pour les revenus élevés, avec la possibilité de fixer un plafond à ne pas dépasser pour les revenus très élevés.

Le régime de faveur pour les PME a suscité un tollé, qu’est-ce que vous en pensez?

Là, il serait plus adéquat d’imposer les petites et moyennes entreprises qui représentent plus que 90% du tissu économique (PME) à un taux réduit de 10% en matière d’impôt sur les sociétés, avec un abattement des revenus pour les personnes physiques pour les imposer sur le restant et ce, à l’instar des entreprises exportatrices, les entreprises agricoles et de pêche, les activités de l’artisanat…
Cette réduction n’aura pas un impact important sur les recettes fiscales du fait que 1% uniquement des sociétés contribuent au paiement de 80% de l’impôt sur les sociétés.

Quel impact peut avoir cette mesure?

Cette mesure aura un impact positif sur la création de nouvelles petites et moyennes entreprises, surtout pour les jeunes diplômés du supérieur qui sont encore en chômage et dont le nombre avoisine les 240.000 personnes, et aussi sur l’augmentation des postes d’emplois qui seront créés, étant donné le nombre important de ces entreprises
Cela aura également un impact sur l’évolution des recettes fiscales, dans une deuxième phase, quand le nombre de ces entreprises sera plus élevé et que leur contribution sera plus importante, à l’égard d’une pression fiscale acceptable, sans oublier l’adage qui dit « Les taux tuent les totaux « , sachant que les P.M.E sont soumises à l’impôt sur les sociétés à des taux réduits aussi bien en France (15%) qu’en Grande-Bretagne (10%)

Le contrôle fiscal est-il bien mentionné dans ce projet de loi de finances 2017?

Afin d’assurer l’équité fiscale tant souhaitée et assurer des recettes fiscales supplémentaires, il faut penser sérieusement au renforcement du contrôle fiscal à l’égard des entreprises récalcitrantes ou celles qui travaillent dans le secteur informel et ce :
En accentuant le contrôle pour les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations fiscales
En multipliant le nombre des agents chargés du contrôle fiscal tout en améliorant, par la même occasion, les conditions de travail et le niveau de formation afin qu’ils accomplissement convenablement leur mission
En aménageant des espaces destinés à l’activité des commerçants ambulants pour que leur nombre soit cerné et pour qu’ils soient obligés d’avoir une déclaration d’existence et une carte d’identification fiscale (patente)
En créant des zones franches sur les frontières avec nos deux voisins algérien et libyen, pour réduire la contrebande, atténuer l’effet du secteur informel, assurer la sécurité du pays et permettre l’augmentation des recettes fiscales.

Peut-on envisager une amnistie fiscale et sociale ?

Dans l’absolu, tous les gouvernements sont toujours tentés par une amnistie fiscale et sociale et ce, pour plusieurs raisons dont notamment :
-Primo, l’amnistie fiscale procure généralement des recettes fiscales supplémentaires afin d’alimenter le Budget de l’Etat en ressources supplémentaires dans le but de couvrir les dépenses qui ne cessent d’augmenter au fil des années
-Secundo, l’amnistie sociale permet également le recouvrement des recettes nécessaires, qui peuvent réduire le déficit grandissant au niveau de la CNSS, qui constitue aujourd’hui un risque majeur au niveau du paiement des retraites aux personnes âgées
-Tercio, permettre aux contribuables récalcitrants et aux affiliés de la CNSS qui n’ont pas honoré leurs engagements de régulariser leur situation fiscale et sociale selon un calendrier étalé dans le temps, afin d’éviter les procédures judiciaires engagées généralement pour le recouvrement des créances non encore recouvrées.

Peut-on parler de points faibles relatifs à cette question?

Cependant, l’amnistie a toujours été considérée comme une arme à double tranchant et ce, du fait que les contribuables qui respectent leurs obligations fiscales et sociales se trouvent lésés par le biais d’une concurrence déloyale à l’égard des personnes qui n’accomplissent pas leur devoir fiscal et social, mais qui bénéficient quand même des facilités de paiement et de l’abandon des pénalités de retard
Par conséquent, et afin de réduire l’effet néfaste de l’amnistie, il serait recommandé de subordonner l’action d’une amnistie à certaines conditions qui peuvent être bénéfiques à la relance de l’investissement et à la création des poste d’emplois, tels que le dépôt d’une déclaration d’investissement auprès des structures concernées, pour réaliser des investissements dans des secteurs productifs, conformément aux dispositions prévues par la nouvelle loi d’Investissement qui entrera en vigueur à partir du 1er Janvier 2017.
La création des postes d’emplois supplémentaires selon des paliers fixés d’avance, en conformité avec l’importance des créances fiscales ou sociales non encore réglées et eu égard à l’échéancier de paiement qui sera accordé.

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