Le dinar tunisien a battu son record de baisse historique face au dollar américain. Sur Tunis, l’euro s’est échangé, jeudi 9 juin 2016, à 2.4500 dinars alors que le dollar a clôturé la séance à 2.1590 dinars. Une baisse qui va certes alourdir la facture, surtout dans une économie où tous les indicateurs clignotent au rouge. Dans une déclaration ce vendredi 10 juin 2016 à Africanmanager, l’expert économique et ancien ministre des Finances Houcine Dimassi a mis en garde contre l’alourdissement de la charge budgétaire destinée au remboursement de la dette publique, et ce suite à la dépréciation de la monnaie nationale face au dollar américain.
Il a dans le même contexte ajouté que la dépréciation du dinar tunisien face à la monnaie étrangère accentue l’inflation et réduira les réserves en devises du pays. Houcine Dimassi a par ailleurs expliqué la dépréciation de la monnaie nationale face au dollar américain et à l’euro par le fait que l’argent est injecté dans une économie ou un système à faible productivité, citant le cas de la masse salariale dans la fonction publique qui absorbe chaque année des dizaines de milliards.
Il a ajouté que la dépréciation du dinar tunisien est due également à l’accentuation du déficit de la balance commerciale, qui devient de plus en plus inquiétant. A cela s’ajoute le déficit de la balance courante (les services) du à la chute des entrées du secteur touristique et des mines, estimant toutefois que la dépréciation de la monnaie nationale pourrait aider, même si c’est un peu difficile, à la relance des exportations et des transferts d’argent des Tunisiens Résidents à l’Etranger (TRE).
Il a dans le même cadre indiqué que la formation d’un gouvernement d’union nationale sera catastrophique pour le pays et son économie, surtout que ce nouveau gouvernement sera dépendant des partis politiques et des organisations nationales comme l’UTICA et l’UGTT. « C’est encore pire si un gouvernement d’union nationale est mis en place », a indiqué l’expert économique, avant d’expliquer qu’un tel gouvernement exige de réconcilier l’irréconciliable, ce qui est impossible, selon ses dires.
Houcine Dimassi a, sous un autre angle, indiqué que la seule chose qui peut sauver le pays c’est un gouvernement de « sauvetage » autonome vis-à-vis des partis politiques et des organisations nationales.
De son coté, l’expert économique Moez Labidi a affirmé à Africanmanager que la dépréciation de la monnaie nationale est non seulement due à des facteurs structurels mais aussi conjoncturels.
Pour ce qui est du structurel, Moez Labidi a expliqué que l’essoufflement de la compétitivité de l’économie tunisienne a entrainé la dégradation des fondamentaux de l’économie nationale, qui s’est traduite par la baisse des entrées en devises et la limitation des exportations. Ajoutons à cela l’insécurité et son effet sur le tourisme, le marché parallèle et la crise de la zone euro.
Pour ce qui est du conjoncturel, Labidi a noté un effet saisonnier suite au rapatriement des dividendes par les entreprises étrangères, qui se traduit par la baisse du dinar. Selon lui, la Banque centrale de Tunisie est
de moins en moins réactive face à la baisse du dinar et a limité son intervention sur le marché financier, d’une part pour éviter le risque de se retrouver avec des réserves de change de moins de 90 jours d’importations, et d’autre part pour répondre favorablement aux pressions du FMI qui plaide pour une dépréciation de la monnaie nationale.
Comme effet conjoncturel, Moez Labidi a également cité un manque de professionnalisme de la part de certains hauts responsables de la sphère financière, comme en témoignent les derniers propos sur la faillite des banques tunisiennes ou encore l’initiative du président de la République de former un gouvernement d’union nationale, deux choses qui ne peuvent que freiner l’investissement, impacter le climat des affaires et pénaliser le dinar tunisien, selon ses dires. La dépréciation du dinar a un impact sur l’inflation et du coup sur la détérioration du pouvoir d’achat et l’alimentation de la fièvre revendicative. « Certes, la dépréciation du dinar a un effet positif sur les exportations, mais cela reste minime compte tenu de la crise que traverse notre premier partenaire européen, mais l’effet de la dépréciation du dinar sur l’importation
serait plus lourd, surtout avec la hausse du prix du baril de pétrole et la chute de la production de céréales », a indiqué Labidi.
De même, l’alourdissement de la facture des importations des produits de base suite à la dépréciation du dinar pourrait amplifier le budget de compensation et alourdir la charge du service de la dette, surtout dans une période marquée par une vague de remboursements programmée pour les années 2016/2017.
L’expert économique a toutefois indiqué que le déblocage du crédit du FMI et de l’UE pourrait stabiliser le dinar pour une courte période, mais à court terme le dinar demeure condamné à reprendre son trend baissier tant que la dynamique de réforme n’est pas déclenchée et tant que le gouvernement hésite à appliquer fermement la loi.
Et d’ajouter que le dinar tunisien demeure aussi condamné à reprendre son trend baissier tant que le discours populiste ne déserte pas l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).