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Tunisie-Yassine Brahim à Africanmanager : « Le FMI a exprimé des réserves sur notre économie »

Yassine Brahim ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale a accordé une interview exclusive à Africanmanager où il a parlé du nouveau code de l’investissement et du plan quinquennal 2016/2020.

Yassine Brahim a parlé également de l’investissement privé, de la croissance économique ainsi que des résultats des négociations avec le FMI, la BAD et la Banque Mondiale. Interview :

Qu’en est-il du code de l’investissement ?

Il faut rappeler que le gouvernement tunisien avait entamé depuis l’année 2007 une nouvelle réflexion sur le code de l’investissement mais qui a été retardée suite à la Révolution. En 2012, une commission composée des membres du ministère de l’Investissement et des Finances a été mise en place dans le but d’achever ce travail  tout en prenant en considération les nouvelles exigences de la Tunisie postrévolutionnaire.

Une consultation très élargie a eu lieu dans les différentes régions du pays et ce, en coordination avec les organisations patronales et syndicales ainsi que les différentes chambres du commerce. Résultat : En 2013, un nouveau projet de loi d’incitations à l’investissement avait été préparé et soumis à l’Assemblée Nationale Constituante (ANC).

Ce projet de loi a suscité un tollé  et une vague de critiques, exigeant son retrait de l’ANC.

Et quelle est votre apport pour le code de l’investissement ?

A notre arrivée à ce département,  on s’est focalisé sur cet objectif surtout que cela a été exigé par le FMI, lequel a considéré ce projet de loi comme l’une des réformes nécessaires pour la promotion de l’investissement dans le pays.

Quelles sont les grandes lignes de ce code ?

Le nouveau code de l’investissement est axé sur trois chapitres : Le premier concerne l’accès au marché public. On a voulu dans ce cadre libérer le secteur des énergies pour qu’il soit plus compétitif et mettre en place les dispositions nécessaires permettant aux agriculteurs de bénéficier des financements.

Le deuxième chapitre touche le droit et l’obligation de l’investisseur. A cet égard, on a voulu se mettre au même niveau que plusieurs pays étrangers comme la Turquie ou encore le Maroc. On a voulu également permettre à l’investisseur aussi bien tunisien qu’étranger de bénéficier des mêmes avantages, tout en donnant aux étrangers la possibilité d’aller à l’arbitrage international sans avoir des conflits avec l’Etat.

Le dernier chapitre a trait aux incitations à l’investissement tout en se concentrant sur les priorités du pays dont le développement régional, l’emploi et l’export.

On a également essayé de faire du nouveau code de l’investissement une loi simple composée de 25 articles tout en intégrant  les détails dans les décrets d’application avec une gouvernance transparente. Une instance nationale d’investissement sera créée à cet effet  afin  de régler tous les problèmes  bureaucratiques.

En outre, il y aura  un fonds tunisien d’investissement financé par l’Etat et il aura pour mission d’inciter le secteur privé à investir. Il y aura aussi un conseil supérieur d’investissement qui sera chargé de déterminer la politique de l’Etat pour l’encouragement à l’investissement.

Le nouveau code de l’investissement est actuellement chez l’ARP, pourriez-vous avancer une date pour son approbation ?

Il est à noter que ce code d’investissement avait été validé en octobre dernier lors d’un conseil des ministres avant d’être soumis à la commission des finances de l’ARP. Des séances de travail ont eu lieu à cette occasion avec  plusieurs organisations à l’instar de l’UTICA, la Connect, l’UGTT, le CJD, l’Ordre des Experts Comptables et l’UTAP.

La commission des finances va prochainement commencer l’examen du nouveau code article par article et on devrait par la suite prendre part à ces réunions pour présenter les décrets d’application. Nous espérons que code sera validé le plus tôt possible sachant que d’autres lois font l’objet d’un examen à l’ARP comme la loi bancaire ou celle régissant la BCT.

Quelle est la valeur ajoutée de ce nouveau code d’investissement  par rapport à l’emploi, considéré comme un objectif principal de la Révolution ?

La nouveauté est le développement régional et l’accompagnement de l’investisseur dans les phases les plus difficiles. A titre d’exemple, un investisseur qui veut créer un projet d’une valeur de 10 millions de dinars dans une région de développement interne, l’Etat contribuera à hauteur de 30% dans ce projet. S’il y a de l’intégration locale, cet investisseur va aussi bénéficier de l’accompagnement de l’Etat à travers des subventions supplémentaires et de l’exonération de CNSS pour une période de 10 ans.

Dans quelle mesure ce code est-il capable de résoudre l’épineux problème du chômage ?

Le nouveau code vise l’amélioration du cadre et non plus la création de l’emploi. Ce code englobe des incitations pour encourager les investisseurs d’aller dans les régions internes et générer un environnement propice à l’investissement et à la création de l’emploi. Le code est tout simplement un environnement d’investissement qui encourage l’investisseur et c’est l’un des facteurs de la promotion de l’investissement. Par contre, on peut orienter ce code de manière à inciter les investisseurs à s’implanter dans les régions.

Certains membres de la commission des finances à l’ARP ont décidé de retarder la promulgation de ce code à cause de l’exclusion des mesures fiscales. Qu’en pensez-vous ?

C’est un point de vue, sachant qu’on n’a pas reçu une demande officielle y afférante. Cependant, les partis au pouvoir ont fortement soutenu ce code en choisissant de séparer les mesures fiscales de celles financières. On a présenté ce projet et un débat a eu lieu avec le gouvernement en place à propos de cette question. Donc, la décision est claire : la fiscalité va rester telle qu’elle est jusqu’à ce que le département des finances promulgue le code général des impôts. L’idée est de ne pas voir les opérateurs économiques dispersés par plusieurs textes.

En ce qui concerne la position de certains députés, je pense qu’il est important de réinstaurer le débat de manière à expliquer le choix du gouvernement.

Passons  maintenant au plan quinquennal 2016-2020, où on en est actuellement ?

On a bien avancé dans ce projet. Un conseil ministériel restreint sera tenu à cette occasion pour présenter les projets notamment les demandes faites par les régions. On va, en fait, entrer dans la phase des discussions d’arbitrage  et l’idée de finir tout ce travail avant la fin de ce mois en cours avant de le soumettre à un conseil des ministres au cours de la première semaine d’avril prochain.  Et par la suite, ce plan sera soumis à l’ARP pour examen et adoption, et ce, avant la fin de la session parlementaire.

Dans quelle mesure ce plan pourrait répondre aux besoins des régions de l’intérieur ?

Ce plan est quasiment ambitieux étant donné qu’on a identifié nos problèmes avec un taux de croissance jugé faible durant les cinq dernières années d’autant plus qu’on n’a pas créé assez d’emplois dans les régions de l’intérieur. L’idée est d’appliquer la notion de la discrimination positive de manière assez forte en connectant les régions à la côte.

Ce plan va aussi privilégier les grands projets comme le projet d’autoroute Tunis -Gafsa et  l’autoroute Tunis–Jelma ou encore le projet du port d’Enfidha. Ces projets d’infrastructure seront orientés vers les régions  et  la priorité sera donnée aux zones industrielles.

De plus, la répartition budgétaire ainsi que celle des projets tiennent compte du développement régional. Notre but est d’assurer le développement des régions côtières mais aussi le développement des régions intérieures le plus vite possible de manière à réduire les écarts entre elles.

Vous avez signalé que ce projet nécessite des financements importants. Quelles seront les sources de financement ?

On a investi environ 30 milliards de dinars entre 2011 et 2015  et nous voulons aller au delà de 45 milliards de dinars sur les cinq prochaines années. On est capable de le faire en gardant quelques équilibres macro-économiques, bien évidement, la croissance. Aujourd’hui, on voit que la croissance est en train de s’améliorer

On va, d’autre part, utiliser d’autres moyens comme le partenariat public-privé. C’est important étant donné que l’investissement public n’était pas assez significatif durant les dernières années vu que plusieurs projets ont été retardés. On rentre dans le nouveau plan avec 25 milliards de dinars de projets retardés pour des raisons multiples comme le problème foncier et le manque d’études…

On a beaucoup travaillé en 2015 sur cette question et on a enregistré des améliorations. La Commission supérieure des marchés a déjà validé plusieurs projets, soit l’équivalent de 70% de projets, enregistrant ainsi une hausse par rapport à 2014.

Notre but pour l’année actuelle est de continuer sur le même rythme pour que l’investissement public soit efficace. On restera, à cet égard, dans un cadre d’endettement acceptable de moins de 60%.

On pourrait faire plus, si nos partenaires comme la Banque Mondiale et Banque Africaine de Développement, nous accordent plus de dons. C’est déjà le débat qu’on entamera prochainement.

Et dans quelle mesure peut-on dire que cela est réalisable ?

C’est réalisable surtout que le monde entier continue de soutenir la Tunisie dans son processus de transition et sa démocratie naissante. C’est pourquoi  les institutions financières ont doublé voire triplé les dons au gouvernement tunisien.

Encore plus, ce monde a besoin que la Tunisie réussisse et il est conscient des difficultés et des risques qui guettent la Tunisie.

Vous êtes en négociation avec une délégation du FMI mais aussi avec la BAD et la Banque Mondiale ? Où on en est actuellement ?

Ces institutions financières se trouvent en Tunisie depuis 1960 pour financer non seulement les projets, mais aussi appuyer le budget en cas de déficit. Maintenant, on peut aller sur le marché extérieur, mais avec des taux d’intérêt plus importants. Un crédit par exemple avec la BM nous oblige à payer entre 1 et 1.5% contre 7% pour les marchés des capitaux. Donc, c’est dans l’intérêt du pays de négocier avec la BM ou la BAD au lieu d’aller sur le marché des capitaux.

Pour que ces institutions soient confiantes et apporteront de l’appui budgétaire, il faut qu’elles soient sûres que nos comptes sont viables. C’est dans ce cadre que s’inscrit la visite du FMI en Tunisie. L’objectif est d’étudier les finances du pays et d’y émettre une opinion.

Mais pour que ces institutions fassent confiance de nouveau à la Tunisie, certaines conditions doivent être réunies ?

Oui, à vrai dire, cela ne pourrait se faire en l’absence d’un programme de réformes adéquat. Tel est les cas du FMI qui effectue actuellement un audit sur l’économie nationale. C’est pour cette raison qu’on a discuté avec cette institution d’un nouveau programme sur quatre ans.

On a déjà proposé notre calendrier de travail et notre programme de réformes, mais le FMI a exprimé certaines réserves par rapport à certaines questions. Ils ont considéré que la masse salariale dans la fonction publique est devenue énorme notamment avec les augmentations réalisées au cours ces derniers temps et le nombre des fonctionnaires. Ils ont considéré aussi dangereux le fait d’utiliser les dons et les crédits pour le paiement des salaires et non pour l’investissement.

On aura dans ce sens des discussions pour les convaincre qu’on a besoin de la paix sociale pour réformer le pays.

La délégation du FMI va revenir à la fin de ce mois  pour continuer la négociation et on espère trouver un accord qui permettra non seulement d’avoir un crédit dans des conditions favorables, mais aussi de rassurer la communauté internationale. Car, si le FMI  prête, cela veut dire que les comptes sont solides et du coup, les autres organisations seront certainement rassurées.

Et pour les autres bailleurs de fonds ?

Les négociations se poursuivent également en ce qui concerne le financement des projets. Pour l’appui budgétaire, ces bailleurs de fonds attendent encore nos discussions avec le FMI.

Quand peut-on parler de la relance de l’investissement privé ?

L’investissement privé a certes baissé à 11% du PIB contre 15% en 2015, mais il a maintenu le même rythme en termes de valeur, l’équivalent de 8 milliards de dinars.

Certes, l’investissement privé a connu une certaine diminution, mais c’est compréhensible à cause de l’instabilité.

Est qu’est ce qui nous manque tout court ?

Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est la stabilité sociale et sécuritaire. On a besoin aujourd’hui plus que jamais d’accélérer le rythme des réformes et des projets pour que les citoyens sentent que le pays est en train de changer.

Si cette ambiance s’installe avec une meilleure résolution du problème sécuritaire, on va pouvoir aller à un autre stade en termes de capacité d’investissement et de création d’emplois.

Vos estimations en termes de croissance pour 2016 ?

Lors des discussions avec le FMI, on a revu notre taux de croissance à seulement 2%.

Quand peut-on parler de la relance économique ?

Si on fait 2% de croissance au cours de cette année, il sera supérieur à la moyenne réalisée au cours de ces quatre dernières années.

Et quelle est votre estimation pour 2017 ?

On espère réaliser une croissance de l’ordre de 3.5% en 2017. On commence déjà à repasser à des stades qui commencent à nous relancer et la moyenne sur cinq ans serait de l’ordre de 4%. Si on arrive à réaliser cette moyenne au cours 2016-2020 alors qu’elle était aux alentours de 1% en 2011, on est dans la reprise économique.

Ce plan quinquennal sera le plan de la relance économique et on espère que le plan suivant sera celui de l’accélération.

Le facteur-clé à mon avis est la stabilité sécuritaire vu que plusieurs secteurs ont été touchés comme le tourisme et l’investissement.

On a fixé  comme objectif pour 2016, la relance de l’investissement surtout que le flux a beaucoup baissé dans le secteur du tourisme et des services. On visera une croissance de l’ordre 7% en termes d’investissement.

Si on réalise de l’investissement en 2016, les deux prochaines années seront positives. Dans ce cadre, on va essayer de donner l’exemple en poussant l’investissement public. Une fois, l’investissement public redémarre, l’investissement privé sera certainement au rendez-vous.

En tant que membre du gouvernement, êtes-vous satisfait du rendement de l’équipe de Habib Essid ?

Afek Tounes fait déjà partie de la coalition au pouvoir. Les choses se sont certainement bien passées jusqu’à la fin de novembre dernier, date  du déclenchement de la crise du premier parti au pouvoir, Nidaa Tounes. Les choses sont devenues plus compliquées  et on ne comprend plus rien et on a eu une déconnexion entre le gouvernement et le parlementaire.

De toutes les  façons, le rythme du gouvernement n’est pas satisfaisant et il est temps d’accélérer le programme des réformes et de réalisation.

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