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Tunisie : Comment TAV a-t-elle pu obtenir révision des concessions d’Enfidha et de Monastir ?

Le 18 mai 2007, le gouvernement tunisien donnait concession, pour 40 ans à la société turque TAV, le nouvel aéroport d’Enfidha-Hammamet. A la même date, l’OACA (Office de l’Aviation Civile et des Aéroports) donnait concession, pour la même période et à la même TAV, l’exploitation de l’aéroport de Monastir-Habib Bourguiba. Cette dernière concession deviendra effective en janvier 2008, alors que l’aéroport d’Enfidha n’entrera en exercice qu’à la fin de novembre 2009.

Au titre de ces deux concessions, TAV devait payer l’Etat tunisien et l’OACA par un montant annuel calculé selon un pourcentage du chiffre d’affaires de la TAV dans chaque aéroport, en plus d’un montant minimum garanti en cas où le pourcentage du CA se révèlerait être en-deçà du minimum garanti. La TAV essaiera, dès 2010, de faire valoir le cas de «survenance de cas de force majeure » prévu dans l’accord de concession, prétextant un impact négatif sur son exploitation et ses équilibres financiers. L’entreprise turque, demandait alors l’exemption de paiement des montants dus à l’OACA et à l’Etat tunisien. Le gouvernement tunisien avait alors refusé toute exemption de paiement et accordé le rééchelonnement des dettes de la TAV au titre des exercices 2009 et 2010. Ces dettes se montaient alors à 32 MDT (12,5 MDT pour 2009 et 19,5 MDT pour l’exercice 2010). Devant le refus de TAV de payer, une mise en demeure lui fut envoyée au risque d’appliquer l’article du contrat de concession relatif à la mise de TAV en déchéance de tous ses droits.

TVA Tunisie déficitaire jusqu’à l’an 2017.

Selon des informations qui nous ont été données par le sous-directeur financier de TAV Tunisie, l’entreprise avait enregistré, en 2010, un chiffre d’affaires de 45,1 millions d’euros. Pour 2011, ce chiffre devrait être de 35,1 millions d’euros. Jusqu’à fin novembre de cette année, le chiffre d’affaires de l’aéroport de Monastir était de 10,7 millions d’euros et devrait terminer l’exercice 2011 à 11,4 millions. Pour l’aéroport Enfidha-Hammamet, l’année 2010 s’était terminée avec un chiffre d’affaires de 10,6 millions d’euros et 2011 devrait se terminer avec un CA en hausse, à 23,6 millions.

Peu de choses à propos du résultat net de TAV Tunisie nous ont été dites par Anis Kharrat au téléphone. Ce dernier nous confirmera cependant des informations d’un document officiel du ministère tunisien du Transport envoyé, en novembre dernier, au Conseil des ministres. On y lit notamment que, «sur la base d’indicateurs du trafic aérien qui ont indiqué que le retour à un trafic normal demande 4 à 5 années, ce qui impactera négativement le résultat net de l’entreprise qui devraient demeurer négatifs jusqu’à l’année 2017» et que l’entreprise «a évalué ses pertes cumulées, pour la période 2011-2013, à environ 260 millions DT». En 2010, TAV Tunisie faisait déjà état d’un déficit de 48 MDT et cela nous aussi été confirmé par son sous-directeur financier.

L’Etat propose que TAV Tunisie lui propose !

C’est ainsi, sur la base ou sous prétexte, de ces données et après une première demande refusée en 2010, que TAV Tunisie remettait sur la table, en mai 2011, sa demande de révision des conditions des deux concessions. Elle demandait notamment son exemption de toutes les redevances dues à l’Etat tunisien et à l’Office de l’aviation civile (OACA), y compris les arriérés des années 2009 et 2010, autant dire laisser TAV Tunisie travailler gratos. Cette demande passera par deux étapes.

         D’abord, une réunion interministérielle en date du 25 mai 2011 qui décide qu’une «lettre d’intention» soit rédigée par les ministères des Domaines de l’Etat, du Transport et de l’Equipement ainsi que des services juridiques du gouvernement. Cette lettre devait être adressée en proposition à TAV Tunisie qui devait la soumettre au gouvernement tunisien pour accord. La proposition que devait faire le gouvernement tunisien à TAV Tunisie qui devait la lui proposer [Avouez que c’est déroutant], était que la partie tunisienne suspende la mise en demeure de paiement, en contrepartie du paiement immédiat des arriérés de 2099 (12,6 MDT), du rééchelonnement des 19,5 MDT que devait payer TAV en 2010, jusqu’à janvier 2013 en s’engageant à payer le principal et les intérêts de retard et de présenter pour cela les garanties bancaires nécessaires. Et aussi de commencer les négociations pour la révision des conditions des concessions des deux aéroports séparément à fin septembre 2011.

Le 31 mai, et malgré ses affirmations, en avril de la même année, d’une incapacité à payer ses dettes, TAV Tunisie débourse les 12,6 MDT et présente les garanties bancaires pour les 19,5 MDT de 2010. Elle demande cependant toujours l’exemption de tout payement pour les deux concessions jusqu’à 2020 et la révision vers la baisse du taux sur le chiffre d’affaires, à compter de 2021, et même l’abandon du minimum garanti. Toutes ces demandes avaient été, dans un premier temps, rejetées. Une commission de représentants de toutes les parties tunisiennes intéressées, avait proposé le recours à des solutions conjoncturelles pour les exercices 2011 et 2012.

         Le 14 novembre 2011, nouvelle réunion ministérielle. Le gouvernement tunisien se couche et décide l’abandon du paiement, par TAV Tunisie, d’un taux (11,4 % du CA en 2011, 11,8% en 2012 et 12,2 % en 2013) sur le chiffre d’affaires et le maintien du minimum garanti, pour la concession de l’aéroport de Monastir (La Commission du ministère du Transport avait pourtant proposé la baisse de 65 % de ce minimum garanti pour Monastir). La réunion ministérielle de novembre acceptera cette baisse de 65 % du minimum garanti pour l’aéroport d’Enfidha (celui qui faisait pourtant un plus grand chiffre d’affaires) et l’abandon complet, certes pour les années 2011 à 2013, du taux sur le chiffre d’affaires. Sans aucune pénalité, l’ancien gouvernement tunisien accorde même un rééchelonnement, jusqu’à 2016, des paiements des sommes dues à l’Etat et à l’OACA, pour les années 2011 à 2013. Chez TAV Tunisie, on nous indique que le total des sommes que de l’entreprise turque devait payer et qui seront rééchelonnées, se monterait à 14,2 millions d’euros (27,5 MDT au cours du jour du 31 décembre 2011).

Des questions qui se posent !

Voici donc, pour la petite histoire de l’Etat tunisien et certainement pour la grande histoire de TAV, comment l’opérateur aérien turc a pu obtenir gain de cause, presque sur toute la ligne de ses demandes.
Sans vouloir (ni pouvoir d’ailleurs) remettre en cause les chiffres qui nous ont été donnés par TAV [Nous avons demandé, par mail, à la Banque mondiale et à la BAD qui sont actionnaires de TAV Tunisie de nous informer sur  l’étude faite par elles sur les perspectives de TAV Tunisie, sans réponse], des questions se posent pourtant à ce propos pour la partie tunisienne. N’aurait-elle pas donné son accord, un peu trop vite, pour toutes ces concessions sur les conditions des deux concessions ?

On remarque, en effet, dans les deux documents officiels tunisiens dont nous sommes en possession, que la partie tunisienne, «proposait à TAV Tunisie de proposer au gouvernement tunisien». Une tournure qui cadre mal, à notre avis, avec le  souci de tout agent de l’Etat tunisien de se préoccuper d’abord des intérêts de l’Etat qu’il représente et pour qui il devrait faire l’offre qui garantirait le mieux ses intérêts. On se demande aussi pourquoi, contrairement aux habitudes d’une Administration soucieuse des intérêts de l’Etat qu’elle représente, cette Administration n’a pas présenté plus d’une solution avec les avantages et les inconvénients pour l’une et pour l’autre pour donner plus de choix à un gouvernement, déjà embarrassé par l’exigüité du temps ? Les solutions proposées semblaient, en effet, plus résoudre les problèmes de TAV Tunisie que celle d’une Tunisie déjà en proie au manque de ressources financières. Des concessions financières qui ont été faites à TAV Tunisie, sans que la partie tunisienne ait cherché à entrer dans le détail du déficit annoncé par TAV Tunisie et le détail de sa gestion des deux aéroports pour voir, par exemple, si l’opérateur a lui aussi réduit ses dépenses de gestion alors que courent des bruits de salaires mirobolants (le représentant tunisien de TAV Tunisie n’a rien voulu dire à ce sujet), de logements et de voitures de fonction luxueux. Si sacrifices il faut faire, ne faudrait-il pas que cela se fasse des deux côtés ?

De plus, aucun document n’a été présenté au conseil ministériel qui s’en serait éclairé, sur l’impact de ces mesures sur les équilibres financiers de l’OACA qui supporte déjà les 30 MDT de déficit de gestion des aéroports régionaux tunisiens et qui supporte aussi les charges de la mission de sécurité de la navigation aérienne qu’il assure seul pour les aéroports donnés en gestion pour TAV Tunisie ? On se demande aussi si le Conseil ministériel de novembre dernier, n’aurait pas dû demander plus d’informations sur la marche des deux concessions des aéroports de Monastir et d’Enfidha ? On se demande aussi s’il n’aurait pas dû faire ses propres projections sur le trafic aérien [A en croire la baisse de 65 % annoncée par TAV Tunisie, on se demande ce que deviendrait la situation financière de Tunisair par exemple !!], avant de décider si vite  de baisser ses propres ressources de 65 % et même d’arrêter de recevoir le minimum garanti sans même oser demander sa simple baisse et céder si facilement à la menace turque de recours à l’arbitrage ? On se demande également si les décisions, notamment celles qui concernaient Enfidha-Hammamet, ont été soumises à l’avis du Conseil d’Administration de l’OACA qui doit enregistrer des millions de dinars en moins dans ses comptes, sur décision extérieure à sa propre direction ? Autant de questions sur lesquels l’OACA, surtout se fera un plaisir de nous répondre. Vous croyez ?

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