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Tunisie : Le «complexe d’Œdipe» de Rached Ghannouchi pour le JT de 20 heures.

A la surprise de plus d’un journaliste, le parti au pouvoir en Tunisie, le Mouvement Ennahdha, lançait, jeudi dernier, une invitation aux patrons de presse pour une «Moussamara» ou causerie de l’après-midi. Manifestement las d’attaquer frontalement la presse tunisienne, Ennahdha cherchait à changer son fusil d’épaule. Elle n’annonçait visiblement pas une trêve, mais cherchait à comprendre le pourquoi de ce qu’elle croit être une inimitié secrète vis-à-vis d’elle.

Dans un décor, non communicatif, du maître devant ses disciples et dans une attitude oratoire qui rappelle les prédicateurs d’El Azhar, Rached Ghannouchi présidait la Moussamara sous l’œil de ses gardes du corps, à l’intérieur comme à l’extérieur de la salle d’un hôtel «Kacher » de la banlieue nord de Tunis. L’homme avait toujours le regard torve, au mieux suspicieux à l’égard d’un monde, celui de la presse, qu’il ne porte visiblement pas dans son cœur, même lorsqu’il essaie parfois de détendre l’atmosphère par des blagues et des sourires.

Les médias, comme une chatte sur un toit brûlant.

L’atmosphère, à l’intérieur de la salle était tendue. On ouvre le bal, en rappelant au «Cheikh », comme l’ont appelé certains des journalistes présents, des attaques toujours répétées sous le couvert diplomatique de critiques et jamais arrêtées, du parti Ennahdha et de ses ministres contre les médias tunisiens. De l’accusation de «non nationaliste », au discours de Samir Dilou à Bizerte sur les dentistes, en passant par les sobriquets de «information de la honte» et le «takfir» ou excommunion, tout y passe sans que Ghannouchi ne dise réponse qui compte, sauf que « la généralisation est une erreur » et que «nous sommes dans une période transitoire et nous n’avons pas d’expérience ».

Les directeurs de journaux défendent âprement leur métier et interpellent Ghannouchi sur le fait qu’Ennahdha n’a pas su tranquilliser les médias et fait plutôt montre d’une volonté hégémonique, sur la Tunisie qui souffre toujours après la Révolution de l’hégémonie d’un seul parti et sur les erreurs de la non séparation entre parti et Etat. Ils disent aussi au président d’Ennahdha la peur des Tunisiens et des médias concernant l’absence d’un programme clair du gouvernement et la menace que fait peser sur les plumes tunisiennes le refus d’Ennahdha de mettre en œuvre les textes juridiques concernant la presse en Tunisie. Ils lui disent aussi la nécessité, et pour le parti qu’est Ennahdha et pour son président, de se détacher du gouvernement et lui rappellent la menace salafiste et l’absence de position claire d’Ennahdha à l’égard de ce danger.

Signes de cette tension, Hachemi Troudi, qui se fait taxer de bout en blanc de représenter un journal contre Ennahdha par Rached Ghannouchi, même si ce dernier le dit avec le sourire. Mais aussi, l’exclusion de la chaîne TV Nessma de cette réunion. Questionné sur l’absence préméditée de Nessma à une réunion, supposée être de réconciliation avec les médias tunisiens, le chargé de communication d’Ennahdha nous dit avec le sourire que «la nature de notre dispute avec Nessma est plus grande».

Venu, dit Rached Ghannouchi, pour écouter le monde de la presse, le parti Ennahdha n’a manifestement pas réussi à dépasser ses peurs de ce qu’il considérait manifestement toujours, même après la réunion, comme un ennemi. Au bout de deux heures d’un dialogue de sourds, sur la question des médias, on se rendait compte que la «Moussamara», n’a pas dépassé la tentative de flirt avortée, comme pourrait en témoigner les appels du pied, répétés et toujours avec le sourire, à certains journalistes de rejoindre les rangs d’Ennahdha.

La fixation du Cheikh sur le journal TV de 20 heures.

Comme à chaque fois qu’on lui parle d’information et de médias et qu’on lui demande ses griefs contre la presse publique tunisienne, Rached Ghannouchi nous sort l’histoire du journal de 20 heures de la Watanya 1 et comment il n’avait pas donné la priorité à l’annonce de la composition du premier gouvernement ou encore comment il se permet de décaler tette ou telle information, relative à Hamadi Jbali, dans l’ordre des priorités du toujours le JT de 20 heures. Le leader d’Ennahdha a, très visiblement, une réelle fixation sur le journal télévisé (JT) de la Watanya1 qu’il veut investir. A la Moussamara de ce jeudi, il n’a pas pu déroger à la règle.

Pour lui, par ailleurs, tout est clair dans les positions d’Ennahdha, et ce sont les médias qui chahutent ces positions. Les directeurs de journaux auront beau lui rappeler que ce sont les ministres d’Ennahdha et de la troïka, ainsi que les membres Nahdhaouis de la Constituante qui le font avec leurs gaffes médiatiques, leurs déclarations et déclarations contraires, rien n’y fera. On aura beau lui rappeler, comme nous l’avions fait, qu’Ennahdha est loin de représenter tout le peuple de Tunisie avec ses seuls 1,5 millions de voix, que le droit à la différence est aussi un droit à la presse, et qu’un bon journaliste ne parle pas que du train qui arrive à l’heure, mais aussi et surtout de celui qui arrive en retard, rien n’y fera non plus.

Rached Ghannouchi a écouté les médias pendant deux heures. On ne sait pas ce qu’il en retenu. Chez les directeurs de journaux, l’impression était claire qu’il n’était pas là pour comprendre, assimiler, tirer les leçons et changer d’attitude.

Brièvement pour terminer et pour qu’il n’y ait pas malentendu, Œdipe dans la mythologie grecque est un roi qui tue son père et épouse sa femme. Tout aussi brièvement, Œdipe dans le réel politique tunisien, pourrait être le nouveau pouvoir, concrétisé ici par Rached Ghannouchi, qui élimine Ben Ali et voudrait prendre sa place dans les médias en épousant l’information.

Khaled Boumiza.

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