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Qui se cache derrière les associations de bienfaisance ?

Qui se cache derrière les associations de bienfaisance qui prolifèrent actuellement en Tunisie?

Les chiffres, à fin mars 2013, estiment leur nombre à 5000 associations (contre 485 avant la révolution, chiffre qui ne peut pas être cité en référence, et pour cause) . Elles roulent sur des millions de dinars et se livrent à des activités (encouragements au mariage et services de santé et de soutien scolaire) que les familles et même l’Etat peinent à mener, et leurs rapports avec des associations étrangères laissent planer le doute sur leur indépendance, et au-delà, sur leurs véritables motivations.

Tous ces éléments prennent leur pleine signification eu égard au manque total de contrôle, par les pouvoirs publics, sur leurs adhérents, financement et mode de fonctionnement.

Le profil de l’association de bienfaisance type en Tunisie postrévolutionnaire est le suivant: une dénomination à connotation religieuse, un champ d’activité très élastique, du porte à porte dans les bidonvilles , jusqu’à l’encadrement des écoliers dans la périphérie des établissements scolaires . Ces associations, aux sources de financement opaques qui peuvent conduire à des ramifications étrangères , jettent souvent leur dévolu sur les quartiers populaires, comme terrain de prédilection .

D’après des études réalisées récemment, les associations de bienfaisance, souvent d’obédience islamiste , opèrent, en majorité, dans les quartiers populaires du Grand- Tunis et à un degré moindre dans les autres gouvernorats et les régions de l’intérieur . Elles accordent des services ( prêts aux jeunes chômeurs pour monter des microprojets , aides sociales , encouragements au mariage) moyennant allégeance aux formations islamistes ( Ennahdha et groupes salafistes ) .

A titre d’exemple, 5 associations d’une certaine importance opèrent dans la cité Ettadhamen, la plus peuplée du Grand-Tunis ( 600 000 habitants ) qui compte beaucoup de familles défavorisées et de nombreux jeunes chômeurs. La première c’est l’Association  » Rahma  » qui propose ses aides aux familles nécessiteuses surtout à l’occasion de fêtes religieuses (Aïd Elfitr , Aïd Al-Idhha ) ou lors de la rentrée scolaire , encourage les jeunes au mariage et se charge des handicapés. L’autre Association, baptisée  » Le protecteur de l’orphelin  » a obtenu sa licence légale après la révolution ( le 10 mai 2011 ) et prend en charge les orphelins de la région .Une troisième agit sous le nom de  » l’Association de la bonté islamique  » , a été créée, en juin 2011 . La quatrième association n’est autre que « la Société Baraka de la solidarité sociale «, la cinquième, c’est l’Association » Noyau de la charité  » créée, en juillet 2012, et opérant également dans cette même cité.

Le choix du terrain, des groupes cibles, des moyens d’action sont délibérés. Mais au-delà, les 5 associations ne constituent qu’une première ligne d’une constellation d’associations dédiées aux activités sociales hautement politisées .Elles s’adressent aux jeunes et moins jeunes et laissent émerger en retrait une deuxième ligne d’associations qui s’adressent ,elles ,aux enfants scolarisés en bas âge , ou en préscolaire : ce sont les écoles coraniques .  » Dar Errahman des Sciences Coraniques  » a été créée, le 20 octobre 2012 à  » Elmnihla  » à la Cité Ettadhamen , à côté de bien d’autres encore .

Si les associations de bienfaisance ne soulèvent pas de grandes réserves, les écoles coraniques qui pullulent de manière illégale par centaines, elles, posent un grand problème.

La chambre nationale des jardins d’enfants relevant de l’association du patronat (l’UTICA) n’hésite pas à interpeller le gouvernement, l’appelant à protéger l’enfance tunisienne, du fait de la déferlante que constatent parents, enseignants et professionnels de l’éducation préscolaire.

Des parents d’enfants et des éducateurs ont alerté l’opinion publique via les réseaux sociaux que des cours sont dispensés aux enfants des écoles coraniques sur le châtiment de la tombe, et une vidéo a circulé portant sur des chants entonnés par des enfants de 5 ans qui glorifient Ben Laden , l’Afghan Al-Mala Omar , et Ayman Dhawahiri , sous la bannière d’Al-Qaïda , en plein Tunis .

Le président de l’Observatoire pour la protection des consommateurs et des contribuables Ilef , une ONG qui se dit moderniste et citoyenne , a déclaré avoir porté plainte contre la ministre en charge des affaires de la femme et de la famille, Sihem Badi, pour son  » inaction à limiter l’émergence de ces écoles qui menacent l’enfance tunisienne et contreviennent aux dispositions des conventions internationales sur les droits de l’enfant « selon son expression .

Des velléités de faire revivre l’enseignement zeitounien sur tout le territoire du pays , sous la houlette du très controversé cheikh de la Grande Mosquée , avec l’appui de fondations des pays du Golfe , ont échoué face à la résistance de l’ancien ministre de l’Education . Le nouveau ministre ne s’est pas encore signalé par une position claire et sans ambiguïté.

En fait, ces écoles coraniques constituent la pierre angulaire du projet d’Ennahdha , car une enfance et une jeunesse acquises à ce projet garantissent une islamisation, dans le calme du pays à moyen et long termes .

Ce qui est commun à ces associations de bienfaisance, qui ciblent prioritairement les pauvres et les déshérités, c’est qu’elles offrent gratuitement leurs services . Et c’est ce dont a besoin dans l’immédiat, le citoyen, à cours de moyens et en proie au désespoir.

Le choix du terrain d’action, le domaine d’activité, les moyens mis en œuvre , indiquent que ces associations cherchent à empiéter sur les attributions de l’Etat, affaibli, faute de moyens. Tout porte à croire que ces associations d’obédience islamiste, qui agissent, au moins théoriquement dans le cadre du décret-loi n° 88 du 24 novembre 2011, organisant le milieu associatif , n’ont nullement l’intention d’aider à l’émergence d’une société civile suffisamment puissante pour contrebalancer le poids l’État qui a pesé pendant des décennies sur le libre-arbitre du citoyen.

Les études faites sur le mode opératoire de ces associations agissant sous la bannière islamiste révèlent qu’elles ne cherchent pas à trouver des solutions durables aux problèmes des citoyens, ni à développer chez les jeunes l’esprit du bénévolat. Elles cherchent plutôt à les embrigader et éventuellement les monter contre les institutions de l’Etat.

Le travail social prend pour référence une éthique universelle et des principes relevant d’une approche objective et rationnelle des problèmes de la société, et repose sur une démarche qui fait de l’individu non pas une cible, mais un élément actif dans toute opération le visant dans le but de développer son être et son environnement. Or, ce qu’on peut constater, c’est que les promoteurs de ces nouvelles associations ne relèvent pas de cette culture, et ne prennent pas pour référence ces principes.

La comparaison entre les budgets des anciennes associations de bienfaisance d’avant la révolution, et ceux des associations créées après le 14 janvier 2011, montre l’énorme écart qui les sépare . Le budget des anciennes associations était extrêmement modeste ne dépassant pas les dix mille dinars provenant de subventions de l’État, de dons de particuliers, et des adhésions de leurs membres. Les nouvelles associations de l’après révolution, disposent de possibilités financières énormes leur permettant de fournir prêts et bourses aux étudiants et jeunes chômeurs.

Elles proposent des cours privés destinés aux lycéens, quelques-unes disposent même de matériel médical très coûteux rarement disponible dans les hôpitaux régionaux (machines d’imagerie, radiologie), d’autres parviennent à aider financièrement les jeunes à se marier. Ces grands moyens laissent planer le doute sur les sources de financement de ces associations.

Apparemment, devant la montée de la violence dans le pays provoquée essentiellement par les groupes salafistes djihadistes disposant désormais d’armes lourdes et d’engins militaires sophistiqués et compte tenu du fait que l’appel lancé à l’attention des jeunes au Djihad et l’enrôlement de ceux-ci dans le terrorisme international se font au vu et au su de tout le monde, une partie des services sociaux fournis aux pauvres et aux déshérités seraient probablement le prix à payer par les groupes terroristes qui se déploient dans ces cités au vu et au su de tout le monde pour se faire accepter par la population.

On entrevoit à travers ce descriptif les connections externes qui illustrent non seulement le financement, mais des enjeux régionaux et globaux qui prennent pour cible l’Etat tunisien et les acquis de la modernité réalisés en Tunisie.

Mais ce qu’on peut remarquer, c’est le mutisme total du secrétariat du Gouvernement chargé du suivi et de l’application du décret- loi n°88 , de la Banque centrale qui est en charge des mouvements de l’argent , le ministère des Finances qui audite les activités comptables financières et fiscales de ces associations , de même que les ministères de la Femme et de l’Enfance , de la Jeunesse et des sports ,et de l’Education qui ont pour mission de défendre l’enfance et la jeunesse du pays et s’assurer que les programmes qu’ils reçoivent sont conformes aux législations du pays .

La gestion de ce dossier ressemble à celle qui en est faite d’autres, comme les campagnes de recrutement des djihadistes en Syrie, du trafic et de stockage des armes et des camps d’entraînement dans plusieurs points du pays . Dans toutes ces situations, l’Etat est égal à lui-même : faire semblant de ne rien voir.

Aboussaoud Hmidi

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