AccueilLa UNELe Pouvoir Local dans la Constitution et les risques de dérapage

Le Pouvoir Local dans la Constitution et les risques de dérapage

Le chapitre 7 de la constitution qui a trait au Pouvoir Local, interpelle les observateurs à plus d’un titre .

Les articles qui s’y rapportent (de 128 à 139) reflètent le concept adopté par les députés de l’ANC de la déconcentration des Pouvoirs Publics et les mécanismes et moyens mis en œuvre pour garantir le bon fonctionnement des Collectivités Locales qui en sont issues et assurer leur développement en vue de réaliser la prospérité des régions.

L’idée qui se dégage des 12 articles mentionnés donnent, à ce stade, une vision schématique de ces structures, les lois qui doivent leur donner corps n’étant pas encore adoptées. On peut, toutefois, formuler des remarques au sujet de la fonctionnalité du concept, de l’efficience des moyens déployés et de l’impact de ce nouveau choix sur les grands équilibres de l’Etat.

Les collectivités locales, qui sont formées des Conseils municipaux , régionaux et ceux des Provinces regroupant plusieurs régions , la Constitution leur accorde la personnalité civile et l’autonomie administrative et financière leur permettant d’administrer les services locaux selon le principe de la libre gestion et les règles de la bonne gouvernance, du fait qu’elles ne sont soumises qu’à un contrôle administratif a posteriori outre celui de la justice financière .

Elles sont gérées par des conseils élus au suffrage universel pour les Municipalités et les Régions ; et ces mêmes élus constituent l’électorat des représentants des Provinces.

Ces collectivités sont dotées d’une représentation au niveau national appelée Haut Conseil des Collectivités Locales, dont le siège est sis en dehors de la capitale, et la formulation de l’article 138 donne à penser qu’il a un pouvoir discrétionnaire sur l’examen des questions ayant trait au développement et à l’équilibre entre les régions , et émet son avis sur les projets de loi relatifs au Plan, au budget et à la finance locale .

Un journal officiel des collectivités locales doit voir le jour (article 131) où seront publiées les mesures d’exécution.

Cet édifice institutionnel répond, en théorie, au grand défi du développement régional et de l’équilibre entre les régions. Ces collectivités jouissent, en fait, de trois sortes de ressources : les leurs propres , celles allouées par l’Autorité Centrale et celles mobilisées dans le cadre de la solidarité nationale . A cela peuvent s’ajouter les moyens financiers découlant du transfert ou de la création de nouvelles attributions dans les régions concernées.

Mais, ce schéma qui est censé réduire un déséquilibre donne l’air d’en créer un autre. Ces projets de développement régional qui seront financés à un haut niveau par le biais des transferts des ressources de l’Autorité Centrale , sont conçus et mis en œuvre par les régions elles-mêmes , et l’Etat central , qui est le principal bailleur de fonds, n’y exerce aucun droit de regard . L’Etat donne les moyens aux régions, et ne joue même pas le rôle d’arbitre dans cette nouvelle équation. Les problèmes qui peuvent surgir dans ce cadre se déclinent dans la faisabilité des projets, leur impact réel et l’échéancier de leur mise en œuvre doivent être soumis à un arbitrage central , au moins dans une première phase .On sait , d’après la culture politique qui prévaut , que les besoins en services et en projets de développement présentés souvent par les citoyens des régions et en conséquence par leurs représentants, le sont dans le cadre d’une concurrence avec leurs partenaires de ces structures locales, ce qui peut influer sur la taille des projets proposés et la priorité qui s’y attache . Et aucune modalité d’arbitrage n’est prévue, hormis la formule assez vague du « mécanisme de l’ajustement et de la régulation  » , cité au titre des moyens alloués dans le cadre de la Solidarité Nationale (article 133)..

L’autre sujet non moins important est celui de la pénurie des compétences et du savoir-faire nécessaires, pour mettre à niveau les régions afin de leur permettre de mobiliser ces moyens financiers énormes qui leur sont alloués.

On a assisté, depuis la Révolution et surtout depuis l’adoption du processus de la Constituante, à de multiples dérapages qui se rapportent à la vision que les élites, les politiciens et le citoyen ordinaire ont des problèmes du pays et des solutions requises . Celle imposée pour réduire le chômage a été le recrutement dans la fonction et les entreprises publiques , la lutte contre la précarité de l’emploi doit passer par l’abolition de la sous-traitance et l’intégration des ouvriers qui travaillent dans ce cadre , dans les sociétés qui les embauchent . Les revendications syndicales et sociales se sont multipliées , dépassant les moyens du budget de l’Etat et ceux des employeurs ce qui a éreinté l’entreprise et bloqué l’activité économique . La légitime instauration de l’équilibre régional et la justice sociale s’est transformée en un partage des recettes de la dette et des dons extérieurs puisque les moyens distribués ne sont pas le fruit de la production ni de la valeur ajoutée du travail .

Le schéma élaboré dans le chapitre 7 de la Constitution se rapportant au Pouvoir local , s’il n’est pas corrigé , risque de constituer un nouveau dérapage dans ce chemin toujours sinueux que la Tunisie n’a pas su abandonner, depuis le 14 janvier 2011.

Aboussaoud Hmidi

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