Pour avoir duré plus que de raison, l’alerte du Foreign Office déconseillant aux Britanniques de se rendre en Tunisie ne fait qu’ajouter à l’amertume des autorités tunisiennes qui ayant longtemps rongé leur frein semblent décidées à passer à l’action et même à l’offensive, diplomatiquement et sur le terrain. La ministre du Tourisme Salma Rekik, flanquée de ses collègues des Affaires étrangères et de l’Intérieur, a rencontré ce jeudi 18 février 2016, les ambassadeurs européens, pour leur exposer tous les efforts déployés par la Tunisie au niveau de la sécurité et des services hôteliers, ainsi que les préparatifs pour garantir la réussite de la prochaine saison touristique. La ministre du Tourisme en a appelé au sens de la solidarité européenne avec l’expérience démocratique de la Tunisie.
Sur place, en Grande-Bretagne où l’interdiction faite aux touristes britannique est toujours maintenue en l’état, les fonctionnaires de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) se démènent pour obtenir la levée de cette alerte, alors que les deux géants de l’industrie du voyage, Thomas Cook et TUI ont annulé la totalité de leurs programmes d’été en Tunisie.
« C’est bien dommage », c’est en ces termes que Tarek Aouadi, directeur de la représentation de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) en Grande-Bretagne, qualifié la décision du gouvernement britannique. Et c’est peu dire, ajoute, pour sa part, « Tavel Trade Gazette » (TTG) l’hebdomadaire référence britannique de l’industrie du voyage dans une interview que lui a accordée le responsable tunisien.
Avant l’attaque de Juin, il a révélé que le Royaume-Uni était en passe de devenir le plus grand marché touristique pour la Tunisie, et coiffer au poteau l’Allemagne et la France, le marché numéro 1 de la Tunisie.
Il a rappelé que 2010 avait été une « année record » pour le tourisme tunisien, mais depuis la révolution de 2011, le nombre des touristes allemands et français avait chuté, contrairement à celui des Britanniques, lesquels n’ont pas été découragés d’aller en Tunisie. 425.000 vacanciers britanniques ont visité le pays en 2014, une année record. « Le marché britannique se rapprochait de plus en plus de ceux français et allemand », a-t-il déclaré à TTG.
«Ils étaient sur le point de dépasser le marché allemand. Ils auraient atteint les mêmes chiffres que le marché français dans environ deux ou trois ans ». Et comme on pouvait s’y attendre, cependant, la croissance a piqué du nez après l’attaque de Sousse.
Bien que l’attaque terroriste ait eu lieu en juin, en milieu d’année, elle a affecté le secteur à un point tel que seuls 207.000 Britanniques se sont rendus dans le pays en 2015, soit une baisse de 51%.
La baisse est appelée à s’accentuer suite aux dernières décisions des deux géant du voyage en Grande-Bretagne, Tui et Thomas Cook qui organisent 90% de toutes les visites britanniques dont ils prennent en charge les réservations en Tunisie.
« C’est bien dommage ! »
« Il est évident que nous comprenons les raisons de l’interdiction, mais nous avons les mains liées. Nous sommes impuissants devant les autorités « , a déclaré Aouadi. « Il est vraiment dommage, bien que nous n’en sous-estimions pas les raisons. L’ensemble de l’industrie a été mise en veilleuse, mais malgré les problèmes de terrorisme, les Britanniques étaient toujours désireux de se rendre en Tunisie cette année.
Il a souligné qu’avant l’annulation des programmes des deux TO, quelque 17.750 Britanniques avaient réservé sur la Tunisie pour l’été 2016. Il pense que ce nombre aurait grimpé à 40.000 à l’horizon du mois d’avril 2016 si les réservations étaient encore disponibles, et estime que le nombre record de 2014 pourrait avoir été atteint dans les quatre à cinq ans à venir.
« Les Britanniques me disent ‘nous reviendrons dès que les problèmes seront réglés’, » a-t-il ajouté. Le problème réside bien sûr dans la décision du gouvernement britannique de ne pas modifier ses conseils, et ainsi il est presque impossible pour les vacanciers britanniques d’obtenir l’assurance Voyage, ce qui signifie qu’aucune entreprise de voyage au Royaume-Uni ne peut en pratique offrir un programme pour le pays. En revanche, les touristes en provenance de la France, de l’Allemagne et de l’Italie continuent de se rendre en Tunisie.
« Nous ne baisserons pas les bras »
Le pays travaille dur pour améliorer sa sécurité et convaincre le Royaume-Uni de lever son interdiction. Un accent particulier a été mis sur le renforcement de la sécurité dans les hôtels, mais aussi dans les restaurants. Des précautions supplémentaires incluent une formation supplémentaire pour le personnel, en plus de l’installation de caméras de vidéosurveillance et de détecteurs de métaux.
La Tunisie a également achevé la première étape d’une barrière de 250 kilomètres comprenant des tranchées remplies d’eau et des bancs de sable, le long de sa frontière avec la Libye, pour empêcher les infiltrations de terroristes. La semaine dernière, Martin Schulz, président du Parlement européen, a inspecté les hôtels à Sousse.
Il a affirmé que la Tunisie avait pris «toutes les mesures de sécurité préventives nécessaires pour assurer que les vacances se passent en toute sécurité ». Il a également appelé les autorités internationales à visiter le pays « le plus tôt possible pour se rendre compte de visu de la situation sécuritaire ». La directrice adjointe de l’ONTT en Grande-Bretagne, Mounira Derbel, a déclaré qu’elle s’attendait à ce que l’alerte du Foreign Office fût levée l’année dernière.
Maintenant, la représentation de l’ONTT prévoit que ce sera le cas en mars ou en avril de cette année. « Le gouvernement tunisien travaille en étroite collaboration avec les autorités britanniques sur la mise en place d’un plan de sécurité, » dit-elle. Malheureusement, ce sera trop tard pour les deux grands TO . Naturellement, la campagne de publicité au Royaume-Uni pour 2016, a également été mise en veilleuse.
«Depuis que nous avons été frappés par cette interdiction, nous ne pouvons pas promouvoir la destination [auprès des consommateurs] mais nous sommes en train de redéfinir notre approche de la stratégie de marché », a insisté Derbel. « Nous devons garder l’optimiste », a-t-elle ajouté. « Nous ne pouvons pas baisser les bras, car si nous le faisons, les terroristes gagneront et nous ne sommes pas prêts à leur donner cette opportunité.