Dans une interview exclusive à la chaîne allemande Deutsche Welle, Mohsen Marzouk, présenté comme « l’un des politiciens les plus puissants de Tunisie », a déclaré que les attaques terroristes du Bardo, de Sousse et contre la Garde présidentielles dont des terroristes de l’Etat islamique (Daech) ont revendiqué la responsabilité, doivent être considérées comme des actes de guerre et avoir rang de priorité absolue. Il a également indiqué que la Tunisie a besoin d’aide internationale dans sa lutte contre le terrorisme.
« Nous avons besoin de la coopération multinationale en matière de renseignement et d‘échange d’informations. Le monde en a besoin et pas seulement la Tunisie, » a-t-il dit.
Il a affirmé que les libertés nouvellement acquises en Tunisie après le printemps arabe en 2011 expliquent en partie l’étendue de la radicalisation dans le pays. « Au cours de ces années de démocratisation, tout était ouvert et toute personne pouvait venir et recruter des gens, » a-t-il souligné, ajoutant que, au demeurant, le parti islamiste Ennahdha, qui a conduit un gouvernement de transition après la révolution, n’a pas fait assez pour arrêter le réseau des recruteurs et combattre le recrutement des extrémistes, selon lui.
L’une des tâches les plus importantes qui incombent à la Tunisie en ce moment est de combattre le terrorisme, a-t-il indiqué. Mais ce qui rend ce combat encore plus difficile est non seulement le nombre important des jeunes radicalisés, mais aussi les lobbies à l’intérieur de la Tunisie qui sont liés au terrorisme.
« Le lien entre les contrebandiers et les terroristes est évident, sur les frontières et dans les zones frontalières », a-t-il dit au cours de l’émission « Zone de conflit », sur Deutsche Welle.
Il faut, cependant, du temps pour démanteler les lobbies mafieux, a-t-il ajouté, soulignant que la Tunisie est dans un processus de démocratisation et a fort à faire pour reconstruire le pays après la révolution. « Les institutions de l’État sont faibles parce que nous sommes en train d’édifier de nouvelles institutions. »
La police tunisienne tente de maîtriser la situation, mais il s’agit d’une guerre asymétrique pour laquelle les forces de sécurité tunisiennes ne sont pas outillées et formées.
Et ce n’est pas le seul problème auquel les forces de sécurité tunisiennes sont confrontées. Selon les organisations des droits de l’homme telles que Human Rights Watch et Amnesty International, la police tunisienne maltraite encore les détenus : violences, torture et viol, des pratiques répandues sous l’ancien régime.
Dans l’interview avec DW, Marzouk a admis que ces pratiques persistent encore aujourd’hui, même si c’est de temps à autre, ajoutant que le gouvernement tente de lutter contre le phénomène. Il faut du temps pour former les policiers pour qu’ils respectent les droits de l’homme et de leur apprendre à ne pas torturer, violer, maltraiter et se livrer à des abus sur les détenus, des pratiques tolérées des décennies durant.
« Pensez-vous que vous pouvez avoir une nouvelle police au sortir de révolution en l’espace de deux ou trois ans? C’est un long processus. (…) Il n’est pas facile de passer d’un régime totalitaire centenaire à un nouveau paradis. »
Une des raisons pour lesquelles ces pratiques sont toujours en cours est que la guerre que la Tunisie est en train de livrer à la terreur affaiblit les institutions de l’Etat et hypothèque la réforme des forces de sécurité ainsi que la lutte contre les lobbies de la mafia et les violations des droits de l’homme, a expliqué Marzouk. « Nous devons d’abord mener cette guerre contre le terrorisme et nous devons réformer nos institutions de sécurité. »
Des réformes sont également nécessaires en ce qui concerne la corruption. En fait, la Tunisie a régressé dans l’indice de corruption de Transparency International au cours ces cinq dernières années, ce qui, selon la Banque mondiale, coûte au pays deux pour cent de son PIB.
A regard de ces chiffres, Marzouk a déclaré que la lutte contre la corruption doit être une priorité en Tunisie, mais elle a fait un pas en arrière parce que les institutions de l’Etat sont faibles depuis la révolution.
Cependant, la Commission anti-corruption de la Tunisie affirme qu’elle n’est pas en état de conduire ses missions, étant prise en otage par la fonction publique et ne disposant que d’un budget limité avec de moins en moins de personnel.