Dans une note publiée cette semaine, la Banque centrale de Tunisie a analysé les principaux facteurs ayant conduite à la chute sans précédent du Dinar et esquissé les mesures pratiques et urgentes qu’il importe de prendre pour mette fin à la dégringolade de la monnaie nationale.
Elle a expliqué que cette baisse est due en partie à l’évolution des cours des principales devises mondiales, notamment le Dollar US et l’Euro, d’une part, et au creusement du fossé entre l’offre et la demande des devises sur le marché local , consécutif à la détérioration des échanges extérieurs.
L’Institut d’émission pointe l’élargissement du déficit commercial à 5,1 milliard de dinars durant les 5 premiers mois de l’année en cours, la chute des rentrées touristiques de 44,6%, celle des revenus de travail de 9,3%, la détérioration du déficit courant qui représente 4,3% du PIB, et le recul tangible des flux des investissements étrangers, qu’il s’agisse des investissements de portefeuille ou des investissements directs étrangers.
Ainsi, le déficit de la balance des paiements a dépassé les 2 milliards de dinars au cours de la période en question, alors que les réserves en devises ont baissé à 109 jours d’importations, fin mai 2016, contre 121 jours, un an plus tôt et 128 jours, fin 2015. Ce faisant, le marché des changes est soumis à des pressions inédites qui ont gagné en acuité depuis le début du mois de juin 2016, se reflétant sur la valeur du Dinar qui a enregistré un important recul vis-à-vis des principales devises étrangères.
Ces développements jugés « préoccupants » par la BCT appellent un diagnostic précis s’agissant de leurs causes et des mesures préventives urgentes qu’il y a lieu de prendre sur le court terme pour en limiter les effets, et prévenir les dangereuses dérives qui menacent la situation économique et les grands équilibres financiers au cas où la situation extérieur continuerait de se détériorer au cours des mois à venir.
Pour 2016, la BCT prévoit que le déficit courant se stabilisera autour de 7205 millions de dinars, soit 7,9% du PIB, en raison de l’évolution des exportations de biens et services à hauteur de 3,1% malgré les difficultés structurelles et conjoncturelles auxquelles continuent de se heurter certains secteurs, dont notamment les industries extractives et manufacturières ainsi que les services. Quant aux transferts des expatriés tunisiens, ils demeurent en deçà de ce qui est escompté en dépit de leur augmentation de 5,1%.
L’endettement monte à 51,1%
S’agissant des financements extérieurs sous forme de prêts à moyen et long termes à mobiliser pour financer le déficit courant et le service de la dette, ils s’élèveront à 7,3 milliards de dinars, ce qui portera le taux de l’endettement national à 51,1% du PIB. Pour leur part, les investissements étrangers ne dépasseront pas les 2 milliards de dinars, ce qui représente un niveau jugé médiocre.
Comparé aux résultats des 5 premiers mois de 2015, ce scénario est jugé quelque peu optimiste par la Banque centrale qui note qu’il a été retenu dans le cadre du programme des réformes élaboré par le gouvernement visant l’accélération du rythme de croissance et la maîtrise des équilibres économiques globaux dont celui des paiements extérieurs. Un scénario susceptible de révision sur un trend négatif eu égard aux pressions qui continuent de s’exercer en lien avec la vulnérabilité de la plupart des secteurs exportateurs et une reprise économique qui se fait encore attendre à l’échelle mondiale, singulièrement à celle de l’Union Européenne.
La réalisation des objectifs ainsi fixés est considérée en soi comme un grand défi nécessitant un ensemble de mesures pour maîtriser le déficit courant dans les limites de 7,9% du PIB , et la maîtrise des dépenses en devises, ainsi que la maîtrise des importations et l’amélioration des exportations, souligne la BCT qui prévient qu’en l’absence de ces mesures , le déficit courant grimperait à 10%, exigeant des financements extérieurs supplémentaires de l’ordre de 2 milliards de dinars.
Durant les 5 premiers mois de l’année en cours, le Dinars s’est déprécié de 3,9% par rapport au Dollar et de 5,8% vis-à-vis de l’Euro, soit en moyenne une baisse de 4,6% par rapport aux deux monnaies. Les évolutions enregistrées au niveau de la valeur du Dinar reflètent la réalité de l’offre et de la demande sur le marché des changes
Restrictions sur les transferts en devises
Pour remédier à la situation et à la dégringolade du Dinar, la Banque centrale de Tunisie a pris un certain nombre de mesures, surtout celles destinées à rationaliser les dépenses et les transferts en devises. Il s’agit de :
- S’en tenir aux plafonds fixés pour les dépenses au titre des opérations courantes et des opérations d’investissement, et s’abstenir d’octroyer des autorisations exceptionnelles au titre du tourisme, des études, des voyages d’affaires, des voyages de groupe (outgoing) et l’Omra
- La coordination préalable entre les ministères concernés et la BCT sur les dépenses des artistes, des joueurs et des entraîneurs étrangers
- Surseoir à certaines mesures que la BCT projetait de prendre en vue de conférer de la souplesse aux dispositions régissant les changes, notamment celles relatives à l’ouverture de compte capital
- Renforcement du contrôle sur les opérations courantes par les autorités concernées (à travers les frontières et le système de change) en ce qui concerne le contrôle technique, le règlement des opérations de commerce extérieur et le rapatriement des revenus en devises au titre de l’exportation
- Rationalisation des crédits à la consommation en lien avec les importations des produits de consommation par la révision des conditions de financement par les établissements de crédit
- Inciter les banques tunisiennes à utiliser les ressources de lignes de financement étranger disponibles aux fins de financement des opérations d’importation.