AccueilLa UNETunisie : Comme une bouteille à la mer !

Tunisie : Comme une bouteille à la mer !

Le ramdam des consultations ayant été déclaré sentencieusement terminé, le processus de formation  du gouvernement d’union nationale oblique désormais vers ce qui est le plus dur à faire : tomber d’accord sur celui qui le dirigera, le composer, répartir les portefeuilles et mettre en œuvre les priorités convenues. Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, auteur de l’initiative, avec la satisfaction du devoir accompli, passe le témoin aux partis politiques.

Ce ne sera  pas une sinécure, chacun ne se faisant pas faute de tirer la couverture à soi, d’essayer de placer les siens, imposer ses vues, et pourquoi pas manœuvrer, ce qui est après tout le propre de la politique. Le plus funeste dans tout cela est que l’opération dans sa totalité risque d’être compromise voire de finir en eau de boudin. La question la plus polémique qu’il va falloir trancher se rapporte à l’actuel chef du gouvernement Habib Essid dont sept ministres de Nidaâ Tounès, des poulains de Hafedh Caïd Essebsi, dit-on, veulent la tête. Talleyrand ne disait-il pas que « le meilleur moyen de renverser un gouvernement, c’est d’en faire partie » !  En face, cependant, des hiérarques du même parti font tout pour le garder. L’intéressé lui-même continue d’entretenir le flou, mais nombreux sont ceux qui lui prêtent le projet de jouer la carte constitutionnelle, en s’en remettant aux députés de l’Assemblée des représentants du peuple pour décider de son sort. Et ceci n’ira pas sans compliquer une situation déjà fortement embroussaillée avec une économie qui s’empêtre dans des abysses sans fin, des tensions sociales qui peuvent être remuées à tout instant et des perspectives nulles pour des centaines de milliers de jeunes, chômeurs ou en voie de le devenir. N’est-ce pas là un composé d’ingrédients propices à une radicalisation rampante et partant à une offre terroriste qui a déjà trouvé preneur auprès des milliers de Tunisiens tournés en jihadistes actifs dans les foyers de tension et dont le retour donne des frayeurs aux autorités du pays d’origine ?

Si avec tous ces tourments, la Tunisie se paie une crise politique dont les conséquences sont sans  aucune commune mesure avec celles que le pays a dû endurer jusqu’à présent, on mesurera alors combien il est urgent pour sa classe politique d’entendre raison et d’éviter à la Nation ce qui serait en toute rigueur sémantique un désastre si le gouvernement d’union nationale manquait à voir le jour, et séance tenante.

L’initiative présidentielle a-t-elle tourné court ?

Au point et à la cadence où en vont les choses, on ne serait pas dans la posture d’attendre que le gouvernement se forme de sitôt, si jamais il était écrit dans le ciel qu’il le soit. Déjà,  les participants aux consultations autour de l’initiative présidentielle et les signataires du document de synthèse les sanctionnant ne semblent pas pressés d’enchaîner les étapes, et nombre d’entre eux s’apprêtent à en référer aux états-majors de leurs partis. Une procédure qui est dans le droit fil des pratiques démocratiques mais qui n’a pas l’heur d’insuffler les impulsions nécessaires à un projet sur lequel beaucoup d’espoirs sont fondés.

Et puis et surtout, il y a cette question de la motion de censure, point de passage obligé pour changer le chef du gouvernement en exercice. Le constitutionnaliste Kais Saied vient de jeter un pavé dans la mare en affirmant, que « eu égard à la situation que traverse la Tunisie, et à la décision prise par le président de la République de prolonger l’état d’urgence, il est inconstitutionnel de déposer une motion de censure contre le gouvernement au motif que le pays est sous le coup de mesures exceptionnelles ». En effet, l’article 80 de la Loi fondamentale dispose que « dans cette situation [cas de péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité et l’indépendance du pays…], le président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple et il ne peut être présenté de motion de censure contre le gouvernement ».

Certes, cette disposition est interprétée lato sensu, mais le président de la République demeure toujours habilité à prendre les « mesures exceptionnelles » dont il est question, et qui interdit tout dépôt de mention de censure contre le gouvernement comme le stipule expressément l’article 80 de la Constitution.

Comme ont peut le voir, l’issue de la crise ne peut pas être d’essence constitutionnelle, mais politique, ce qui signifie entre autres, comme semblent le privilégier des acteurs majeurs de la scène politique et sociale, nommément le mouvement Ennahdha et l’UGTT, que Habib Essid devra être maintenu à la tête du gouvernement moyennant un vaste  remaniement ministériel qui réponde au schéma assigné au gouvernement d’union nationale par l’initiative présidentielle réajustée par les partis politiques qui l’ont rejointe.

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