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Tunisie-Ennahdha : Le discours et son double

Il a été très souvent reproché au mouvement Ennahdha de tenir un double discours, un double langage, un grief dont il s’offusquait certes, mais qu’il arrivait à congédier par un tour de passe-passe dont seuls ses ténors ont le secret.  Le parti, alors catalogué islamiste », a traîné cette flétrissure jusqu’à son dernier congrès national où il a négocié son fameux tournant, sa « révolution copernicienne », pour tourner définitivement le dos à une identité façonnée par l’islam et à la prédication et devenir un parti politique, civil national, c’est-à-dire une formation politique comme il en existe partout dans le monde, sans référentiel doctrinaire théocratique ou religieux.

Mais, en fait, et comme le soutient le chercheur Basheer Nafi, l’affirmation selon laquelle Ennahdha sépare la sphère missionnaire de la sphère politique ne semble pas jeter les bases de quelque chose de nouveau. En fin de compte, dans la mesure où l’islam politique représente encore une nécessité vitale pour l’existence des sociétés arabes et musulmanes, et « dans la mesure où ce qu’il reste de l’institution des érudits est occupée à distinguer l’impureté du vin de la chasteté du haschisch et à justifier l’obéissance aux tyrans, le vide qui sera laissé par Ennahdha sera occupé par des groupes nihilistes issus du salafisme djihadiste de l’acabit de l’État islamique autoproclamé ».

Et si les apparences, pour ainsi dire, sont sauves, un travail en profondeur semble avoir été entamé pour que le parti Ennahdha, devenu profane et temporel, demeure en état d’avoir prise sur les événements, nouer et dénouer les alliances, voir loin, très loin même, sans altérer l’équilibre des forces en son sein, tout en se renouvelant sans renier ses fondamentaux.  Un exercice qui peut jurer avec le nouveau discours mais pour lequel Ennahdha tient l’apparatchik qui a le  physique de l’emploi, en la personne de Abdelktim Harouni, un homme d’appareil et de la première heure, qui a accompagné toutes péripéties par lesquelles le mouvement Ennahdha est passé,  autant que ses moments de grâce. Il a connu les geôles de Ben Ali environ deux décennies durant, mais aussi, bien plus tard, les fastes du pouvoir et les délices du ministère du Transport, pour retrouver ensuite les classes militantes , en gardant, faut-il le noter, un profil relativement bas, ponctué de quelques apparitions sur le plateau de la chaîne Zitouna où il n’avait rien perdu de sa verve ni de son ardeur à défendre son parti, son bilan, surtout de son passage au pouvoir du temps de la Troïka.

En accédant à la tête du Conseil de la Choura, poste auquel il vient d’être élu, Abdelkrim Harouni, fait honneur à son statut de gardien du temple, de mandarin de la vieille garde, bref un personnage auquel on donne le bon Dieu en confession pour mener à bien les missions, secrètes et avouées, de la maison Ennahdha, dans la perspective des élections municipales, dans un an environ, puis et surtout, dans celle des Présidentielles, auxquelles  Rached Ghannouchi n’exclut pas d’être candidat.

Des échéances mais aussi des stratégies, forcément axées sur les militants, leur encadrement, leur cohésion, et leur discipline. Le Conseil de la Choura en est le lieu de prédilection et le site naturel, faisant office de « parlement » ou toutes les décisions stratégiques, essentielles et engageant l’avenir d’Ennahdha  sont prises.

Pareille orientation sera d’un effet déterminant pour les efforts de Rached Ghannouchi qui tente de négocier voire forcer un changement fondamental dans la politique tunisienne postrévolutionnaire. Ceci, estime-t-il est la seule façon d’immuniser la Tunisie du chaos dans la région qui l’entoure.

Cependant, le changement que Ghannouchi tente d’effectuer laisse  son parti potentiellement vulnérable à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Sur le front intérieur, et là Ghannouchi semble compter sur le nouveau président di Conseil de la Choura, il n’y aura cependant pas de se soucis à se faire : certains vont quitter le parti, dit-il, mais ceux qui y viendront seront plus nombreux.

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