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Tunisie : Les blouses blanches voient rouge, les robes noires à l’index !

« Le médecin soigne, mais c’est Dieu qui guérit ». On ne pourrait pas se dispenser d’avoir à l’esprit ce que disait déjà au XVIème siècle le célèbre médecin des rois et princes de France, Ambroise Paré, pour comprendre le viscéral attachement de nos praticiens au principe de l’obligation de moyens, invoqué et plaidé à l’occasion de l’affaire du décès du nourrisson de Sousse. Par-delà  la très vive polémique suscitée par ce douloureux épisode et quelque part la diabolisation du corps médical, il s’avère de la toute première urgence qu’une loi précise, nette et aussi largement que possible concertée, voie le jour pour que les uns et les autres, les médecins et les patients sachent une fois pour toutes à quoi s’en tenir et soient instruits de leurs droits et devoirs respectifs. Surtout, il doit être légalement défini dans quels cas l’action pénale doit être engagée et dans quels autres l’action civile, c’est-à-dire aux fins de dédommagement, devra l’être.

Contrairement à la France qui a tranché la question par l’adoption de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé,  le législateur tunisien, comme à son habitude, peine encore à en édicter une  qui organise la relation du médecin avec le patient et définit quand il y a lieu de tenir le praticien pénalement responsable de son acte, et quand il faudra se contenter d’une action civile, impérativement déclenchée par la victime ou ses ayants-droit.

En attendant, la loi et la jurisprudence ont rangé  autant que faire se pouvait la responsabilité du médecin sous deux déclinaisons. Pour les  activités dites diagnostiques, c’est-à-dire notamment les actes techniques (biologie et radiologie), c’est l’obligation de résultat qui est mise en œuvre. En revanche, s’agissant des activités de soins, c’est uniquement l’obligation de moyens qui est retenue. Car, le résultat médical étant aléatoire, le médecin n’est pas tenu de guérir un patient. A ce titre, le  professionnel de santé doit fournir tous les moyens nécessaires, au regard des données acquises de la science, pour tenter de guérir ou soulager la douleur du patient. Et si le patient intente une action en responsabilité médicale, il s’offre  à lui  deux types de procédures. D’abord la  procédure civile  où il lui est enjoint de dire dans quelle mesure le médecin n’a pas suivi le protocole auquel il est tenu dans l’exercice de ses prestations, ce qui donne lieu à réparation. Il y a ensuite la  procédure pénale qui est automatiquement déclenchée une fois le Parquet saisi. Cette procédure est la plus souvent privilégiée par le plaignant, car elle le dispense d’apporter la preuve de la faute avec tout son cortège d’investigations d’expertises et autres moyens de manifestation de la vérité, qui sont du ressort de la justice, alors seule habilitée à prouver que le praticien a commis la faute incriminée.

Le Parquet… parlons-en !

Beaucoup a été dit sur la gestion judiciaire du dossier du décès du nourrisson de Sousse. Il y a été abondamment davantage question du mandat de dépôt émis à l’encontre de la médecin interne que l’on soupçonne d’avoir, par négligence ou autre acte présumé fautif, causé la mort du bébé,  que d’autre chose, pourtant d’égale importance. La corporation médicale a en chœur reproché au juge d’instruction saisi de l’affaire d’être allé vite en besogne en ordonnant la garde à vue de l’interne sans attendre l’issue des enquêtes, tant administrative que médicale. Elle n’aurait pas tout à fait tort,  même si le magistrat s’est déplacé à l’hôpital, observé la dépouille du nourrisson,  entendu des témoins oculaires, et s’est instruit des interrogatoires menés par la police judiciaire. Pour autant, est-ce suffisant pour conclure que le médecin est coupable, et ce partant, ordonner sa détention ? D’autant que la ministre de la Santé, sans doute convaincue de l’innocence du médecin, l’a reçue  pour l’assurer de sa solidarité et de sa sympathie et l’appeler  à « poursuivre son travail avec confiance et sérieux pour le bien des médecins et de la médecine en Tunisie ».

De toute cette affaire, il se dégage une conclusion extrêmement importante pour être soulignée. C’est ce remarquable, et pour tout dire, flagrant manque de sérénité qui a entaché tous les étages du dossier, qu’il se soit agi de la justice, de la couverture médiatique qui en est faite ou du corps médical lui-même, prompt à débrayer et à se sentir « diabolisé ». L’affaire aurait eu meilleurs contours si elle avait été menée comme l’exigent les bonnes pratiques, la bonne administration de la justice, et la retenue dont doivent faire montre tous les autres intervenants autant qu’ils sont.

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