AccueilLa UNETunisie : Les magistrats désormais indépendants, mais gare au corporatisme !

Tunisie : Les magistrats désormais indépendants, mais gare au corporatisme !

On ne peut nullement disconvenir que ce 23 octobre 2013 sera marqué d’une pierre blanche dans l’histoire souvent mouvementée de la justice en Tunisie. Il s’y consacre l’indépendance et l’impartialité, piliers de tout système judiciaire , en ce sens qu’elles viennent enfin garantir aux justiciables que l’acte de juger sera seulement déterminé par les arguments du débat judiciaire, en dehors de toute pression ou de tout préjugé. L’élection du Conseil supérieur de la magistrature, ce dimanche, prend rang à cet égard d’étape d’autant plus essentielle qu’elle attribue au magistrat tunisien un statut pratiquement unique dans le monde arabe.

C’est que le Conseil supérieur de la magistrature est une institution  constitutionnelle, ayant vocation à être le garant, dans le cadre de ses attributions, de la bonne administration de la justice et de l’indépendance de l’autorité judiciaire, conformément aux dispositions de la Constitution et des conventions internationales ratifiées.  Ces prérogatives s’adossent, plus est, à une autonomie administrative et financière  et à une auto-gouvernance qui lui permettent de vaquer à la plénitude de ses missions tout en disposant d’un pouvoir réglementaire dans son domaine de compétence.

Une conquête majeure mais à laquelle il pourrait être fait grief d’être quelque part incomplète au regard des revendications initiales des magistrats dont les instances représentatives n’ont jamais baissé les bras pour faire aboutir leurs demandes qu’ils jugeaient légitimes et indispensables pour une bonne administration de la justice. Et ceci leur a valu bien des déboires et des vicissitudes pour avoir notamment rejeté sans autre forme de procès tous les projets de texte concoctés par le ministère de la Justice et les différents  gouvernements qui se sont succédé depuis la promulgation de la Constitution. De reports en épreuves de force appuyées par de déterminés mouvements de protestation et de grèves dans les prétoires et ailleurs, le projet de loi organique relatif au Conseil supérieur de la magistrature a donné lieu à un combat sans répit pour la reconnaissance non seulement par le pouvoir exécutif  et par certains partis qui se reconnaîtront, de l’indépendance des juges.

Le CSM autrement

Le résultat est désormais là qui justifie la persévérance voire  l’intransigeance du pouvoir judiciaire pour remporter de haute lutte une croisade qu’il estimait nécessaire pour éviter que soit rééditée la funeste condition qui était la sienne depuis l’Indépendance du pays et plus encore sous le régime renversé par la Révolution. Une situation où la justice répondait rarement à son essence et à sa vocation avec des magistrats sous les ordres de l’exécutif,  parce que sans doute passibles de toutes les exactions, particulièrement des sanctions disciplinaires et autres, des mutations arbitraires, le plus souvent décidées par le Conseil supérieur de la magistrature, réuni une fois l’an par le chef de l’Etat.

Avec la nouvelle architecture désormais  en place, il en sera sans doute autrement, si bien que  le CSM sera souverain s’agissant du fonctionnement de la magistrature, sans nulle intervention de l’autorité de tutelle. Et ceci ne va pas sans  le mettre enfin à l’abri des doutes insistants que son mode de fonctionnement actuel, à tort ou à raison, peut générer. Ce n’est donc pas là une entreprise anodine, et elle revêt même pour la Tunisie  une importance tout à fait considérable.

Gare au corporatisme !

Il n’en demeure pas moins essentiel que les magistrats se dotent de toutes les parades pour pouvoir se protéger des pressions  et des ingérences de nature forcément politiques, dussent-elles être le fait de certains de ses membres, ce qui n’est pas raisonnablement exclu. Car si le système judiciaire  n’évolue pas ou si par commodité ou calcul politique, il lui arrivait que son  évolution soit entachée, ceci  l’exposerait  de manière inéluctable à des épreuves aux effets incalculables, de nature à menacer jusqu’à l’équilibre du dispositif judiciaire dans son intégralité. Aucun responsable soucieux de l’intérêt général ne saurait s’accommoder d’une telle prise de risque.

L’autre aléa qu’il va falloir conjurer, c’est cette velléité de corporatisme qui risque de s’emparer des juges pour en faire une « République » à part entière, qui fonctionne au gré de ses intérêts, auréolée d’une toute-puissance qui jette fatalement  le discrédit sur son office et partant l’affaiblit, et d’abord aux yeux des justiciables.

Enfin, on ne finira pas de célébrer les vertus du système de l’élection des juges, un système réel et déjà pratiqué dans de grandes démocraties comme la Suisse ou les États-Unis. Il est à espérer que le même dogme et les mêmes convictions feront bon ménage dans les prétoires de la Tunisie et bien plus au cœur des métiers du droit, particulièrement, de la magistrature, qu’elle soit du siège ou debout.

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