L’UGTT tient depuis hier son congrès. Un enjeu surtout électoral pour les différentes figures du syndicalisme tunisien de l’après Ben Ali qui se disputeront les chaises du secrétariat général dans une sorte de «jeu des chaises musicales». Mais un enjeu aussi politique, au regard de l’importance grandissante des syndicats, dans cette conjoncture de faiblesse de l’autorité de l’Etat. Une sorte de revanche sur les temps anciens où les syndicats ne faisaient que partie de «l’applaudoire» ou de l’applaudimètre national aux politiques du chef de l’Etat, en la présence duquel, tous s’alignaient et tendaient juste la main pour un salut qu’ils devaient prendre pour le plus immense des privilèges.
Socle de toutes les oppositions avant la révolution, le syndicalisme est devenu depuis peu LE parti politique par excellence et qui se permet même d’être au-dessus des politiques, sans pour autant oublier de s’en déclarer loin.

Comme le «RCD-isme» du temps de l’ancien chef de l’Etat tunisien, qui représentait une sorte d’ascenseur social et politique et accordait une sorte d’impunité, administrative au moins, le syndicalisme après la révolution, devenu l’outil préféré de toutes les revendications, sociales, politiques et économiques, des plus vagues (comme le développement), aux plus précises (comme les augmentations salariales) et même aux plus politiques (comme le fait de demander le départ d’un ministre), accorde même une certaine immunité, sinon impunité.
Le syndicalisme, métier à part entière et qui plus est payé par l’Administration dont est issue la grande majorité des syndicalistes sous le régime de la mise à disposition, est aussi devenu l’outil de l’exercice de la politique qui ne dit pas son nom. Désormais en effet, le syndicat en Tunisie est «partenaire social et politique» de tous les gouvernements de l’après révolution sans exception, qui revendique la participation à toutes ses décisions et demande même le départ de ceux, parmi ses membres, qui ne lui plairaient pas.

Bénéficiant longtemps de la très bonne image, nationaliste et partie prenante dans la lutte contre l’ancien colon français, le syndicaliste a pu surfer sur la vague de la révolution de 2011 dont il se dit l’un des faiseurs et mêle le pionnier. Au fil du temps et la mauvaise conjoncture économique aidant, l’image s’est cependant dégradée. Ayant pu inscrire le droit de la grève dans la Constitution de 2014, sans aucun garde-fou et surtout sans la protection du droit au travail, le syndicalisme a usé, jusqu’à en abuser, de ce droit constitutionnel.
Depuis 2012 en effet, le syndicalisme est en Tunisie devenu synonyme de grèves, tournantes et incessantes, et parrain de tous les mouvements sociaux qui sont derrière la déchéance de l’économie de tout un pays, l’explosion de la masse salariale de ses fonctionnaires à des ratios inédits, même sur le plan international. Et cela se traduit désormais dans l’opinion publique. Une opinion qui s’exprime cependant, uniquement, sous l’anonymat des sondages d’opinion, car étant le principal soutien à tous ceux qui soutireraient quelque chose à un Etat accusé de l’avoir oubliée pendant des décennies, 90 % des Tunisiens, estimant que la révolution a échoué dans l’amélioration des conditions de leur vie (cf. Open Sigma 2017).
Le moral des Tunisiens étant au plus bas, cette nouvelle image de «mauvais élève» de la révolution dans son sens global et économique surtout vient de voir le jour dans un récent sondage d’opinion, rendu public par Sigma Conseil au cours de son dernier Open.

Selon ce sondage, en effet 51 % des Tunisiens pensent que le rôle des syndicats est négatif. Derrière cette opinion, il faudra voir l’impact négatif de la vague revendicatrice des syndicats et l’impact du syndicalisme sur des secteurs vitaux comme celui de la sécurité. Derrière les 32 % des sondés qui répondent «plutôt satisfaisant», on pourrait voir le côté positif des augmentations salariales.
Indéniablement, et même sous couvert de l’anonymat du sondage d’opinion, les Tunisiens commencent à perdre confiance dans les syndicats. 47 % des Tunisiens sont désormais dans cette logique et les 50 % de confiants (dont uniquement 14 % sont très positifs à ce propos) ne tarderont pas, à notre sens, à changer de camp, au moins en partie, si l’UGTT, principal syndicat en Tunisie, n’entame pas une révision de son rôle, une mise à jour de la mentalité de ses cadres et leur manière de réagir aux critiques. On ne sait pas si le congrès de l’UGTT en cours y a consacré une partie de ses travaux.
Messieurs des syndicats, on attend vos insultes ! C’est de la maïeutique…

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