AccueilLa UNETunis : Juges et policiers se tirent dessus !

Tunis : Juges et policiers se tirent dessus !

Deux jours après l’attentat terroriste qui a frappé au cœur de Tunis, l’union sacrée de façade des forces de la Nation se fissurait déjà. Deux des plus importantes forces pour la sécurité du pays se tirent dans les pattes.

L’affaire avait éclaté le matin du vendredi 27 novembre 2015, lorsque Raoudha Karafi, présidente de l’association des magistrats tunisiens, affirme que le kamikaze de l’avenue Mohamed V à Tunis qui a perpétré l’attentat terroriste contre un bus de la Garde Présidentielle, n’a jamais été interpellé ou déféré à la justice. Sa déclaration, sur les ondes d’une radio privée, intervenait suite  la découverte par les médias du passé du tueur de l’Avenue Mohamed V à Tunis. Un passé qui l’aurait fait passer par la case police, sans que celle-ci ne le place sous surveillance, ce qui aurait évité le carnage du 25 novembre.

  • Les juges ne se laissent pas faire.

Les déclarations de la juge Karafi ne passeront pas inaperçues.  Le même jour du vendredi 27 novembre, c’est le secrétaire d’Etat en charge du dossier de la sécurité, Rafik Chelly, qui se charge de lui répondre, juste quelques heures après son passage à la radio. Il affirme, persiste et signe, que «le suspect avait été déféré  par la suite à la justice qui l’avait relâché pour insuffisance de preuve». Le même jour, dans la soirée, le tribunal de Première instance de l’Ariana sort de son silence pour préciser que «la décision du parquet de libérer le kamikaze Houssem Abdelli a été prise après consultation de l’officier de la police judiciaire qui a avait affirmé que  le suspect est  simple d’esprit». Indirectement, la magistrature accusait la police d’être responsable de la relaxe de celui qui, 3 mois après son arrestation (le 20 août 2015), deviendra un kamikaze et tuera 12 agents de la Garde Présidentielle et 4 civils qui avaient eu la malchance de se trouver près du bus à l’heure de l’explosion.

Le même jour du 27 novembre 2015, Ahmed Rahmouni, président de l’observatoire de l’indépendance de la magistrature, enfonce un peu plus le clou dans ce qui ressemblerait à un crêpage de chignon entre police et justice. Sur les colonnes du quotidien Assahafa, Rahmouni se questionnait sur « la neutralité de l’enquête pénale préliminaire confiée à la  police judiciaire par  le juge qui délivre à cet effet une commission rogatoire». Il remet ainsi en cause tout le travail de la police judiciaire qui dresse les procès-verbaux des investigations et les transmet aux juges. Des procès-verbaux, il est vrai, qui ne seraient pas toujours assez bien ficelés pour ne laisser aux juges aucune autre alternative que celle de l’inculpation.

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  • Des juges, «pas trop pressés aussi» face à un terrorisme galopant.

Force est de constater, à la lecture de toutes ces réactions, que l’attentat terroriste de l’avenue Mohamed V n’a fait que mettre au grand jour  un des grands maux du processus de la justice, de bout en bout, de l’investigation à la décision du juge. Un mal qui a fait que les observateurs de la trop lente marche de ce processus se posent des questions sur le nombre, en milliers, d’affaires terroristes non encore  jugées depuis cinq années. Un mal qui fait même douter la population tunisienne de la probité de sa justice, renforcée dans ces doutes par les grandes annonces d’arrestations policières et les informations de relaxe, par la justice, de plus d’une des mêmes personnes arrêtées par les forces de sécurité et par l’absence de tout jugement contre les centaines d’accusés de terrorisme qui croupissent  dans les prisons tunisiennes et y recrutent.

Un questionnement qui avait poussé le chef du gouvernement, chef du Parquet, sachant  que ce dernier est sous la tutelle du ministre de la justice, à demander aux juges de faire un peu plus vite. Et c’est de nouveau le président de l’Observatoire de l’indépendance de la justice, qui répond à Habib Essid.

  • Des juges qui se rebiffent aussi. Peut-être au mauvais moment.

Sur les pages d’Assahafa, Ahmed Rahmouni recadre le chef du gouvernement, en rappelant que «le juge est le garant des droits et des libertés et que donc l’accélération de la résolution des  affaires terroristes n’est pas tributaire uniquement des  juges , mais de toute  une procédure qui implique les juges et la police judiciaire (…) et il est nécessaire à ce stade de trouver les bons équilibres entre les droits et les garanties». Une réponse du berger à la bergère en quelque sorte, du  pouvoir judiciaire qui réagit ainsi et comme on s’y attendait, négativement et à fleur de peau, à l’appel du chef du pouvoir exécutif.

Samedi dernier encore, le secrétaire général du gouvernement, Ahmed Zarrouk, déclarait devant les députés tunisiens que «le gouvernement a déposé 164 demandes de suspension d’activités et 64 autres aux fins de dissolution contre des associations. Il  s’est abstenu de le faire pour les autres demandes, malgré le caractère suspect des activités de ces associations». Un autre signe de la vive tension qui s’installe désormais, entre l’Exécutif et le Judiciaire et qui handicape fortement la lutte de tout un pays contre le terrorisme.

 

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