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Tunisie-2016 : BCE fait son bilan. Nous faisons le sien … pas tout rose!

Le 21 décembre 2016, Béji Caïed Essebssi aura passé deux années jour pour jour à la tête de l’une des deux têtes de l’exécutif, la présidence de la République tunisienne. Le 31 décembre au soir, il profitait de l’allocution de souhaits pour la nouvelle année 2017 pour faire ce qu’on pourrait appeler son bilan. Il l’avouera lui-même dans ce bilan «doux-amer», la Tunisie n’aura «pas réussi à réaliser les résultats économiques attendus. Le chômage, la pauvreté et la marginalisation des régions intérieures demeurent».
C’est un fait, mais BCE préfère ne pas trop s’y attarder. «Nous avons aussi réalisé des choses importantes. En premier lieu, nous avons gagné une bataille contre le terrorisme, celle de Ben Guerdane grâce aux sacrifices des habitants de la région et le courage de nos forces de sécurité. A défaut, nous aurions maintenant un Emirat Salafiste à Ben Guerdane, sur nos terres», dit-il à juste titre, surtout en parlant de bataille et non de guerre.
Il mettra aussi dans «notre» crédit l’accord de Carthage et le GUN qui en est issu, sans oublier à son habitude d’écorcher les partis qui ne reconnaissent pas ce document, en les comparant à une pierre jetée dans la mer. Il mettra aussi dans la case des réussites, la tenue de «Tunisia 2020» et ses promesses de 34 Milliards DT, sans oublier d’écorcher cette fois la presse qui mettait en doute la réalisation de ces promesses, en annonçant que «la moitié [Ndlr : des 34 Milliards DT] sera réalisée (…) et ce n’est pas peu de chose». Attendons quand même de le voir, même si par cela, nous risquons d’être classés parmi «ceux qui hurlent en dehors de la meute», comme il n’a pas manqué de le dire !

⦁ La belle médaille et son revers moins reluisant !

BCE reste tout de même «optimiste, malgré les difficultés». Il en veut pour preuve «le retour à la production» et donne le secteur du phosphate en exemple. Il serait certainement le seul et les chiffres de l’INS sur l’indice de production le confirment. BCE donne aussi l’exemple du tourisme qui aurait repris, sans oublier de dire «et même en provenance d’Allemagne», comme s’il voulait répondre aux cassandres qui prédisent un reflux des touristes allemands en réponse à l’attentat de Berlin. Le chef de l’Etat se félicite enfin de l’aide divine apportée à la Tunisie, par des pluies dans toutes les régions. Dieu aurait-il, sans qu’on le sache, voté BCE ?

Toujours est-il que le bilan de ces deux années de présidence BCE, c’est aussi et d’abord un ancien candidat qui a trahi ses électeurs. Arrivé à Carthage par un «vote utile» sous l’enseigne du parti anti-Ennahdha et avant le «Pacte de Carthage», il débute son mandat par le «Pacte de Paris». Une rencontre avec le chef des Islamistes tunisiens qui marquera le début d’un règne à deux, alors que Nidaa devait être le parti gouvernant, comme il est d’usage dans les démocraties les plus anciennes.
Deux années à Carthage, c’est aussi deux gouvernements et une instabilité politique dont BCE était à l’origine, puisqu’il était le 1er à appeler à la démission du gouvernement Habib Essid. Une instabilité politique qui est certainement derrière le peu ou prou de résultats économiques et sociaux.
Deux années où BCE s’était senti à l’étroit dans ses habits d’un chef de l’Etat qui n’avait presque pas de prérogatives et qui n’avait de cesse d’essayer de se faire de se faire plus de place dans cette chaise à deux qu’est constitutionnellement l’exécutif tunisien.

⦁ BCE-Médias : «Je t’aime, moi non plus» !

Mais le bilan de 2 années BCE doit aussi être dressé sur le plan de la communication. En effet, les relations du chef de l’Etat avec la presse tunisienne n’ont jamais été au beau fixe, mais plutôt du genre «je t’aime … moi non plus», avec un zeste d’aversion, presque du dédain.
Déjà Premier ministre du second gouvernement de l’après révolution, il s’en prenait à une journaliste de la télévision qui lui faisait remarquer que «la séance de questions au gouvernement s’était transformée en un procès », en lui demandant, moqueur, sans en avoir l’air et sous le rire brouillant d’Iyadh Ben Achour, «quel âge as-tu» ?. Une remarque qui pouvait sembler désobligeante pour une Dame, qui ne manque pas de le lui faire élégamment remarquer. Et BCE de lui rétorquer avec un «Dieu te vienne en aide. Il faut que tu grandisses … et il serait mieux que tu changes de politique», en référence à la nature de sa question qui semble l’avoir fortement dérangé.

En novembre 2014, devenu président, c’est par une réaction qui rappellerait presque le fameux «Bonté divine» d’un certain Moncef Marzouki que BCE s’illustre. Dans une réaction de colère manifeste, devant une journaliste qui interrompait sa citation d’un verset du Coran en l’interpellant sur la nomination du chef du gouvernement, il se retourne avec un regard révolver et tonne en arabe dialectal «Rouh Rahhiz», un mot presqu’une insulte, qui pourrait signifier «va te faire …[Ndlr : Voir chez les Grecs]». Retrouvant ses esprits, il s’explique par un reproche. «De quel chef de gouvernement parles-tu. Tu ne vois pas que je récite le coran ? Tu n’as pas honte ?».
A un autre journaliste il rétorquait «Qui es-tu ? Un journaliste toi ?». Et de poursuivre, devant le journaliste qui déclinait son identité professionnelle, «qu’ils soient maudits s’ils sont comme toi» les journalistes.
Une autre fois, face à un journaliste de l’émission télévisée «Merci de votre présence », il lui jette carrément ses notes au visage, lorsque l’animateur lui dit que «Rached Ghannouchi dit que vous vous présentez souvent comme étant aux premières loges» du pouvoir.
La dernière sortie de ses gonds face aux journalistes, du chef de l’Etat tunisien, a eu lieu lorsque ce dernier rendait visite aux blessés de l’accident routier entre un train et un véhicule de transport. Et lorsque le journaliste d’Attassia (Chaîne TV La 9) lui demande quelles mesures comptait-il prendre, il réagit d’abord, en protégeant ses yeux des torches des caméras, en demandant «qui m’a posé une question ?». Et devant le journaliste qui déclinait le nom de sa chaîne, il lui répond dans un sarcasme colérique et sous les rires de Noureddine Bhiri : «Tu ne devrais pas être ici … ni 9ème, ni 8ème, ni 5ème ».

⦁ «Foutez-nous la paix quand même !»

Et lorsque un second journaliste insistant lui repose la question sur les décisions à prendre pour endiguer le fléau des accidents de la route, il répond tout aussi sarcastique «vous ne m’avez donc pas compris. Ou est-ce que vous êtes là pour que je vous le redise… si vous n’avez pas compris, ce n’est pas la peine [Ndlr : que je le dise]», avant de s’en prendre carrément à toute la presse en l’interpellant par un «Honte à vous. Dès que vous parlez, vous perturbez l’opinion publique».
Avant cela, c’est cet écart présidentiel devant un journaliste français qui tentait de s’approcher de François Hollande venu à Tunis en mars 2015 à l’occasion de l’attentat du Bardo. Remarquant le journaliste, BCE lui propose d’abord ironiquement : «Vous voulez venir avec nous ?», avant d’enchaîner avec un «Foutez-nous la paix quand même, merde», ce qui amusera le chef de l’Etat français et Bertrand Delanoë, présents à côté de lui
Manifestement, le chef de l’Etat qui n’arrive pas à être le président de tous les journalistes, n’aime pas trop la presse, ou n’en aimerait qu’un certain genre, et n’arrive pas encore à se faire au ton libéré de cette presse issue de l’après révolution et qu’il n’avait pas connue ainsi lorsqu’il n’était encore que ministre de Bourguiba. Dans son entourage en tout cas, ne pivote qu’un nombre, restreint et choisis, de journalistes et de médias.
Côté communication, l’ancien candidat de Nidaa Tounes pour les présidentielles ne semble plus aimer les meetings populaires et leurs discours enflammés. Mais peut-être n’y a-t-il plus rien qui l’enflamme lui-même après avoir pris la citadelle de Carthage. Devenu chef d’Etat, BCE se fait aussi rare sur les plateaux TV. Mais peut-être ne voudrait-il plus prendre le risque du direct pour éviter de se mettre en rogne, ou peut-être s’en prendre encore à la presse. BCE préfère désormais, au moins avec la presse locale, les interviews «arrangées» pour éviter ses coups de tête ou «montées» comme ce fut le cas de son allocution de fin d’année.
En deux ans à Carthage, BCE n’arrive toujours pas à endosser tout l’habit de son premier locataire, Habib Bourguiba, et à s’inspirer de son véritable don et art de la communication !

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