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Tunisie-Afrique : Entrée et sortie par la petite porte. Pourquoi Chahed a annulé son voyage ?

La Primature tunisienne vient de reporter la tournée africaine de Youssef Chahed. Officieusement, selon les «sources bien informées» qui ont pris contact avec certains médias tunisiens, «le périple africain du chef du gouvernement en Afrique a été reporté à une date ultérieure. Raison : 240 demandes de participation à ce voyage ont été présentées par des hommes d’affaires alors que la capacité de l’avion n’est que de 100 places». C’est même la réponse donnée, par téléphone, par Youssef Chahed à l’un des députés.

Il est bon à ce stade de corriger, en indiquant que les organisateurs avaient fait, dès le début et selon nos informations, commande d’un Airbus A320 d’une capacité de 142 places (30 Business et 112 en économique) sans compter les 4 autres pour les agents de Tunisair. De plus, dans un voyage officiel, c’est protocolairement la Primature qui choisit, pour ne pas dire qu’elle décide, qui fera partie de la délégation accompagnant le chef du gouvernement. C’est ensuite un périple où chaque étape ne pouvait pas durer plus de quelques heures, durée trop courte pour pouvoir faire des affaires comme certains hommes d’affaires en ont fait la remarque. On s’étonnera donc que les participants puissent se bousculer au portillon pour cette tournée, comme le laissaient entendre les «sources bien informées». Le Primature parle enfin de simple report, alors que la lettre envoyée par le Cepex aux participants leur demande de se présenter pour le remboursement de leurs frais de participation déjà versés. C’est donc une annulation de fait.

  • BCE serait-il derrière cette annulation ?

Cette annulation, la seconde d’’un chef de gouvernement tunisien après Habib Essid, qui laissera en tout cas trace chez les chefs d’Etat que le chef de gouvernement tunisien devait rencontrer (celui du Nigéria et celui du Burkina Faso notamment, puisque le président soudanais n’avait pas confirmé une audience avec Chahed). Seuls ceux qui connaissent l’Afrique comprendront cette susceptibilité.

Cette tournée, annoncée depuis la mi-décembre, avait pourtant, théoriquement, tout le temps nécessaire pour sa bonne préparation. Il se trouve cependant que tout a été organisé pour les équipes de Chahed qui n’avaient voulu entendre personne, tant sur les pays choisis que sur l’opportunité du temps consacré à chacun des trois pays.

Mais raisonnons par chronologie. Le jeudi 19 janvier 2017, le chef de l’Etat tunisien recevait le chef du gouvernement Youssef Chahed. Le même jour, le 19 tel que le précise la date du courrier du Cepex, le Centre tunisien de promotion des exportations annonçait le report de la tournée africaine du chef du gouvernement tunisien dans trois pays africains. Il n’y a, peut-être, aucun lien entre les deux évènements. Mais les dates d’envoi des deux communiqués (Presque midi pour celui de l’audience entre Chahed et BCE et 15 H pour le mail de report de la tournée), prêtent à interprétation. BCE aurait-il eu maille à faire dans cette décision de report ? Aurait-il attiré l’attention de Chahed sur une possible mauvaise conjoncture pour ce genre de voyage, due à la situation sociale et encore fragile alors qu’il se préparerait à un remaniement ?

On ne sait pas non plus si BCE et Chahed ont discuté du degré de préparation et des objectifs de cette tournée qui a été annoncée bien avant le voyage de Chahed à Davos ou encore de la composition de la délégation officielle qui devait l’accompagner. Mais, officiellement, personne, ni au Cepex ni ailleurs, n’avait pu donner de raison pour cette annulation du périple de Chahed.

  • Mauvais choix manifeste des pays à visiter !

Cela pourrait être le «mauvais» choix des pays concernés par cette tournée africaine. Le Soudan, par exemple, est un pays sous embargo et où un Tunisien qui y va pourrait être refusé de voyage aux USA. Les participants à cette tournée, avaient d’ailleurs officiellement demandé l’exclusion de ce pays de la liste des pays africains concernés par le périple, sans pour autant être entendus.

Avec le Burkina Faso, pays agricole enclavé où les exportations tunisiennes n’avaient pas dépassé les 22 MDT au cours des 11 mois 2016, les problématiques sont de nature autre. C’est d’abord et surtout la question du visa pour les clients des cliniques privées et universités privées tunisiennes. Un problème encore difficile à résoudre pour une diplomatie tunisienne qui refuse d’ouvrir grandes ouvertes le pays aux Africains comme l’a fait le Maroc. Seul le Nigéria semble être intéressant où la Tunisie dispose déjà d’une présence financière (Sonibank où la STB est actionnaire) et au moins 4 entreprises du secteur informatique déjà en exercice. C’est aussi un pays qui dispose d’une ouverture sur la mer qui faciliterait l’export.

D’autres pays, comme par exemple la Mauritanie où Chahed aurait pu essayer de résoudre les graves problèmes financiers de deux importantes entreprises publiques, Tunisair et Tunisie Télécom, les deux déjà sous le coup de la loi, la première avec l’affaire de Mauritania Airways et la seconde avec l’affaire de la vente de Mattel, où une bonne diplomatie politique pourrait résoudre ces deux affaires, relancer et développer le courant des affaires entre les deux pays. Un pays donc où une rencontre de Chahed avec le chef de l’Etat mauritanien aurait été plus rentable qu’avec celui du Soudan.

Des pays aussi comme la Côte d’Ivoire où la présence de la BAD pourrait faciliter beaucoup de choses et où beaucoup de Tunisiens ont déjà pris pied, le Sénégal seule voie maritime et terrestre pour le Mali, ou encore le Cameroun où une récente visite de la ministre du Tourisme avait révélé d’énormes opportunités de contrats pour les entreprises tunisiennes.

Ce qui est certain, c’est qu’une tournée africaine, commerciale ou même simplement économique, d’un chef de gouvernement, n’obéit pas aux mêmes rites et cérémoniaux diplomatiques qu’une simple visite de courtoisie ou politique. On ne va pas en Afrique pour vendre et investir, comme on irait en France pour demander de l’aide. Pour l’Afrique, on identifie des opportunités, par exemple, pour un partenariat public-privé en mettant la diplomatie au service de l’homme d’affaires même s’il est du secteur privé, on recherche l’investissement national ou bilatéral, on négocie par la voie diplomatique et les réseaux commerciaux, on prépare son contrat et on va signer. Sinon, le jeu n’en vaudrait pas la chandelle!

  • La Tunisie, ce pays de l’Afrique qui n’a jamais été africain !

Ce qui est enfin le plus important, c’est que la Tunisie n’ jamais été africaine dans sa politique étrangère, ou encore moins dans sa politique économique. Elle y a peu d’ambassades et pas assez de représentations commerciales et manque de logistique de transport, aérien ou maritime. Avant de décider de la liste des pays africains qui marquerait le retour de la Tunisie sur le continent, comme le voudrait le gouvernement, Chahed aurait dû, de prime abord, s’asseoir avec l’Utica et son active chambre syndicale des sociétés de commerce international, avec le Conect Afrique et la TABC. Il ne l’a pas fait et c’est la cause principale de cette annulation qui s’apparente à une entrée et une sortie en même temps, par la petite porte.

«Les relations économiques entre le Maroc et les pays africains sont régies par un cadre juridique comprenant plus de 500 accords de coopération. Les visites royales à plusieurs pays africains leur ont donné une impulsion décisive qui ouvre des horizons prometteurs à la coopération Sud-Sud à laquelle le Royaume du Maroc accorde une importance stratégique», peut-on lire dans une note de la direction marocaine des études et des prévisions financières, en date de 2015. La Tunisie n’a pas et n’a jamais eu une stratégie commerciale africaine, mise noir sur blanc. Pour la comparaison, les échanges commerciaux avec l’Afrique ne figurent même pas dans les chiffres de l’INS. Sur les 9 communautés économiques et commerciales de l’Afrique, la Tunisie n’est membre que de 2, dont l’UMA paralysée depuis sa naissance et la Cen-Sed et n’a que peu ou prou de conventions ou d’accords de coopération avec le reste.

Echanges commerciaux. Décembre 2016. Principaux partenaires. De gauche à droit : France, Italie, Allemagne, Chine, Algérie, Espagne, Turquie, USA, GB, Belgique, Libye, Hollande, Inde, Suisse, Ukraine, Brésil, Maroc, Pologne, Corée du Sud

A fin novembre 2016, les exportations tunisiennes vers l’Afrique avaient totalisé 3,570 Milliards DT, dont 2,520 avec les 3 principaux pays de l’UMA (Maroc, Algérie et Libye). Ceci ne laisserait que 1,050 Milliards DT avec toute l’Afrique subsaharienne. A titre de comparaison, les échanges commerciaux du Maroc avec les pays africains ont enregistré une nette progression sur la dernière décennie. Ils ont augmenté de 14% en moyenne annuelle pour atteindre 37,5 milliards de dirhams (8,506 Milliards DT) en 2014 déjà, soit 6,4% du total échangé avec l’extérieur. Les exportations marocaines vers les seuls pays de l’Afrique subsaharienne, c’est-à-dire sans compter ceux de l’Afrique du nord, ont atteint 13,2 milliards de dirhams (2,994 Milliards DT) en 2014, c’est-à-dire le double de celles de la Tunisie depuis deux ans.

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