AccueilLa UNETunisie-Chahed : «Touche pas à ma banque» !

Tunisie-Chahed : «Touche pas à ma banque» !

Retour à la question des banques publiques. D’abord, pour se poser la question de savoir si elles sont ou non bénéficiaires et donc, de fait, en bonne santé financière ou déficitaires et perdent de l’argent, le leur, celui de l’Etat et celui des petits et grands actionnaires, publics et privés. Leurs états financiers annuels, confirmés par les commissaires aux comptes (CC) et la BCT, le confirment et ces banques, qui irritent le chef du gouvernement tunisien, paient des impôts et distribuent même des bénéfices, entre autres à l’Etat tunisien actionnaire. Le cas contraire, CC et BCT devraient aller en justice pour falsification de chiffres. Certaines, comme la BNA, n’avaient même pas besoin de l’argent public pour leur recapitalisation et l’avaient fait par leurs propres moyens.

Ensuite, poser la question de savoir si ces banques ont été bien gérées. La réponse est aussi par l’affirmative, puisque ces banques gagnaient jusqu’ici de l’argent et que les CC n’ont jamais fait de remarques sur la gestion de ces établissements, dont les différents dirigeants ont toujours eu les quitus de bonne gestion lors des différentes AG et durant de longues années.
Enfin, savoir si ces banques ont ou non joué leur rôle dans le financement de l’économie. La réponse est aussi par l’affirmative et les rapports annuels de la BCT l’ont chaque année confirmé, chiffres à l’appui. Elles l’ont d’ailleurs si bien joué, toutes seules, ou poussées par les différents gouvernements, qu’elles se sont enfoncées dans les crédits non performants, difficilement récupérables ou carrément carbonisés. Mais des crédits toujours correctement provisionnés, grâce justement aux bénéfices.

⦁ Qui n’a pas un jour fait une intervention dans ces banques, leur jette la pierre !

Des bénéfices faits, malgré les lourdes dettes d’entreprises comme l’Office de l’huile, l’office des céréales et autres entreprises publiques hautement déficitaires comme le dernier exemple de la société El Fouledh (145 MDT en 2015 et des dettes de 197,9 MDT). Il semble peu probable que les banques publiques aient continué, d’elles-mêmes, à injecter de l’argent dans une entreprise moribonde ! En 2014, trois grands Offices publics plombaient les finances de la seconde grande banque du pays, la BNA. Les banques publiques pouvaient-elles ne pas donner de l’argent à ce genre d’entreprises ? L’auraient-elles fait, si ce n’est la garantie de l’Etat qui n’a presque jamais remboursé ces crédits à ses banques ?
Où est donc le problème et pourquoi seraient-elles soudainement devenues «une partie du problème et non une partie de la solution face aux défis économiques», comme le disait samedi dernier Youssef Chahed ?

Le problème est d’abord dans la conception de l’Etat, qui plus est fortement endetté (plus de 63 % du PIB), en panne de ressources propres et en panne d’investissement et qui a besoin de faire de la politique, de la banque publique dans une conjoncture de forte demande de toutes parts.
Disons-le clairement alors. Pour un tel Etat, la banque est, d’abord, son bras financier. Dans son dernier discours, Youssef Chahed l’a bien dit ainsi. La banque, c’est aussi la caisse publique où le gouvernant devrait pouvoir puiser lorsqu’il le doit et où le politicien devrait pouvoir avoir ses interventions pour un crédit aux amis ou aux soutiens, lorsqu’il le veut. Une sorte de «Beit Mel Al Mousslimine» comme du temps des Califes, pour la faire plus courte.

Le client tunisien n’a jamais été en odeur de sainteté auprès des banques, et ces dernières sont loin d’être des saintes. Il faut pourtant leur rendre justice. Elles ont certainement donné de mauvais crédits et en ont refusé d’autres, mais beaucoup n’auraient rien fait sans ces crédits, et l’Etat non plus. Elles ont certainement endetté plus d’un, mais elles ont aussi créé plus d’un grand homme d’affaires. Où est donc la solution ?

⦁ Les banques, entre public et privé, ou la différence entre ciel et terre !

La solution est d’abord dans la restructuration. Or cette dernière a été entamée depuis 2015. La gouvernance a été changée, les DG ne sont plus nommés, mais choisis sur dossier. Les conseils d’administrations aussi. Dans sa dernière loi bancaire, la BCT a serré le vis et va jusqu’à décider qui peut être actionnaire et qui peut-être commissaire aux comptes. L’Etat a mis 1.857 MDT dans deux banques publiques pour renforcer leurs assises financières et compte bien contrôler l’utilisation de tout cet argent. La loi n° 2015-31 du 21 août 2015 le confirme en indiquant que ««le ministère chargé des finances doit obligatoirement présenter tous les six mois à l’Assemblée des représentants du peuple un rapport sur l’état d’avancement de la mise en œuvre du programme de restructuration des deux banques publiques concernées par l’article premier. Ce rapport est consigné dans un rapport spécial sur le portefeuille des créances classées et des provisions nécessaires à constituer pour les couvrir, établi par les deux commissaires aux comptes des deux banques mentionnées. La Banque centrale de Tunisie présente également tous les six mois un rapport sur les travaux de contrôle bancaire au sein des banques publiques pour le même but. Ce rapport contient un rapport spécial établi par les deux commissaires aux comptes de la Banque centrale sur l’activité de contrôle bancaire à la banque, comprenant obligatoirement et clairement leur opinion sur l’efficacité de ces modalités et son niveau de conformité avec les normes internationales en vigueur dans le domaine». Cinq députés, 3 représentants du ministère des Finances, 2 de la Cour des Comptes et 2 de la BCT sont chargés du suivi des réformes des banques publiques. Pourquoi n’ont-ils pas agi depuis plus d’une année pour confirmer ou infirmer les accusations de Youssef Chehed ? Ont-elles reçu les fameux rapports et n’ont rien dit ou les auraient enterrés ?

Encore faut-il, à côté de tout cela, que l’Etat actionnaire donne à ses banques les moyens de travailler comme les banques privées auxquelles il les compare. Les moyens de traiter ainsi les dossiers, tous les dossiers, sans complaisance, même et surtout vis-à-vis de l’Etat, selon le seul critère de la bancabilité de ses projets et les saines finances de ses entreprises. Les moyens de décider, sans revenir à la tutelle, administrative ou de fait. Les moyens juridiques, et en dehors de toute menace de poursuites judiciaires, comme pour le fameux article 96, de récupérer ses dettes avec célérité et sans entraves.

⦁ Vendre est contre la loi 37/2015 ?

Représentant de l’Etat, le chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed, a éludé toutes ces questions dans sa dernière attaque organisée contre les banques publiques, voudrait vendre ou tout au moins diminuer le nombre des banques publiques. Le peut-il légalement ? La réponse est non !
On ne sait pas qui a rédigé le discours du chef du gouvernement à propos des banques publiques et où il avait laissé entrevoir la possibilité de céder une ou plusieurs des trois principales banques publiques tunisiennes. On ne sait pas, non plus, si les conseillers qui ont rédigé ce discours ont bien lu le texte final de la loi N°37/2015 relatif au renforcement de la solidité financière de la Banque de l’Habitat et la Société Tunisienne de Banque.

On y lit notamment, que «nonobstant les dispositions de la loi n° 89-9 du 1er février 1989, relative aux participations et entreprises publiques et l’ensemble des textes qui l’ont modifiée ou complétée, les opérations de restructuration du capital de la Société Tunisienne de Banque et de la Banque de l’Habitat, seront désormais approuvées par loi en ce qui concerne le taux de participation de l’Etat dans leur capital».
Cela veut dire, essentiellement, une chose : Après avoir injecté 1000 MDT dans le capital de la STB et la BH, le gouvernement ne peut changer l’actuel actionnariat de ces banques, et donc vendre totalement ou partiellement, sauf accord écrit et voté de l’ARP. Pour contourner cette loi, il faudrait obligatoirement passer par l’ARP pour une autre loi. Le savait-il ? Le lui a-t-on dit ?

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