AccueilLa UNETunisie-Congrès d’Ennahdha : Petites critiques, non innocentes, d’une assemblée indécente

Tunisie-Congrès d’Ennahdha : Petites critiques, non innocentes, d’une assemblée indécente

A voir certains orateurs, dans cette joute verbale, on n’arrivait pas à chasser  les images de certaines vidéos moins reluisantes, en prison, dans les bureaux et à l’étranger comme au Soudan et autres pays.
Après, c’est l’image du guide suprême de la révolution, un mauvais mix entre Bourguiba et Ben Ali, derrière lequel s’aligne le reste des vassaux lui laissant tout l’espace visuel pour saluer ses ouailles avec un geste balayant le vent de la main, un visage impassible et le regard torve habituel qu’on retient. Devant lui, les ouailles scandent «le peuple veut, Ennahdha de nouveau». Dans la salle où l’hymne national résonnait en playback, tout le monde parmi les invités, comme cet ancien ministre moustachu de la Troïka, n’entonnait pas le chant que semblaient avoir appris par cœur les deux vieux leaders, peu ou prou de drapeaux nationaux faisaient concurrence aux étendards d’Ennahdha.

C’est ensuite l’image des deux vieux leaders se tenant par le bout des doigts, non par les mains fermes,  dans ce qui devait être de loin une image d’unité. Une image sous forme de lapsus qui trahit le doute des deux parties et certainement des deux partis l’un dans l’autre.

Dans son discours programme qui durera une éternité, débordant de suffisance, chargé d’un rien de  m’a-tu-vu, d’un tantinet de victimisation et de beaucoup de maladresse politicienne, Rached Kheriji Ghannouchi (RG) touchera à tout. Vie du parti, conjoncture nationale et internationale, économie, finance, emploi, chômage, tout y passera en essayant d’y reprendra quelques propositions et idées lancées ici et là. Morceaux choisis selon la chronologie du discours :

  • Autosuffisance, fanfaronnade … et glissade

Dans une première salve d’autosuffisance, qui en devenait presque, arrogance, fanfaronnade et insolence, RG commence par dire à ses ouailles qu’il «ne croit pas qu’il existe en Tunisie un autre parti, et ils sont nombreux, qui tienne son 10ème congrès. Vous êtes donc le parti le plus ancien». Il oubliait, volontairement bien sûr, comme un acte de négation de l’histoire, l’ancien PSD de Bourguiba et après lui, le RCD dissous de Ben Ali, dont il a récupéré plus d’un élément et accédé au  pouvoir sur son cadavre. Ennahdha est donc loin d’être le parti le plus enraciné ou le plus ancien.

Emporté par ses sentiments de supériorité et de fatuité, il commet la gaffe, en rendant hommage aux martyrs de la révolution, de mettre en avant ceux d’Ennahdha devant ceux de l’armée et des forces de sécurité qui ont pourtant payé le prix le plus fort de la même révolution. C’est  son « Panthéon »qui est ainsi désormais érigé.

  • Une mauvaise mise en scène, genre Abderrazak Chebbi

Parlant ensuite du printemps arabe et la Tunisie, il passera sur l’autocritique de la période troïka qu’il ne fera point, pour mettre en valeur sa rencontre avec BCE. Et comme dans une des  pathétiques émissions d’un Abderrazak Chebbi où l’image est arrêtée pour faire pleurer les invités, le discours de RG est interrompu par une chanson sur l’unité, supposée introduire une dose comme pour les larmes dans la fameuse émission tv. Et dans ce qui semble être une mauvaise mise en scène de la part d’un ancien de l’ART, deux grandes banderoles sont déployées du haut des gradins portant logo et image d’un navire comme si on était dans un stade de football. La mise en scène n’ayant fait que peu d’effet,  la régie shunte la chanson libanaise sur l’unité et on revient au discours du Chef.

  • Ennahdha, 1er parti sur une scène rasée

Avec beaucoup de condescendance et d’autocongratulation, RG savoure le succès de son mouvement qui fait que «les Tunisiens règlent  désormais leur horloge sur chaque réunion de son conseil de la Choura». Ainsi, selon lui, le monde tourne autour d’Ennahdha, soleil de la planète politique en Tunisie.

Il fait ensuite étalage des concessions qu’il dit que son parti avoir fait au profit de l’unité nationale. Il oubliera  le rôle de certains événements internationaux comme la chute des «Frères» en Égypte et le rôle de la société civile dans lesdites concessions. Il oubliera aussi de faire état des erreurs politiques et de gestion qui avaient mené au départ de son parti du gouvernement et qui l’ont poussé à opérer les révisions déchirantes qui l’on finalement amené à se défaire de ses convictions religieuses pour pouvoir accéder de nouveau au pouvoir.

  • Ennahdha se victimise pour mieux culpabiliser

Le discours de RG verse ensuite dans la victimisation, en évoquant de supposées «campagnes de diabolisation et de provocation» dont auraient été victimes les Nahdhaouis, refusant d’y voir les actions de résistance d’une société civile qui se voyait poussée vers le changement de son modèle de société par une islamisation à outrance. Il oubliait aussi ses propres vidéos provocatrices, les actions et déclarations d’autres membres ultras de son propre parti, d’ailleurs présents dans la salle, et les multiples provocations pour la liberté d’expression et la liberté de conscience. Des provocations qui s’étaient parfois terminées dans la bagarre ou devant la justice.

  • RG l’inventeur d’un nouveau concept politique

Des dernières révisions que son parti a été contraint de faire pour se relancer dans la course au pouvoir, RG parlera comme d’une «spécialisation fonctionnelle entre le politique et le reste des domaines sociaux», un concept inédit en politique qui sonne comme une séparation des responsabilités entre Ennahdha parti et Ennahdha mouvement difficilement contrôlable et qui doit être tenu à l’écart pour ne pas entacher la nouvelle image fabriquée par les professionnels de la communication et du marketing politique auxquels Ennahdha a eu recours. Faisant appel à la théorie du complot, il rejette la responsabilité de ses anciens combats contre l’Etat au nom de l’islam sur le dos «des régimes autoritaires» qu’il ne définira pas ni ne nommera.

  • Les musulmans démocrates qui doubleront les mosquées et se dédoubleront

Dans son discours d’ouverture du congrès d’Ennahdha, RG définissait son parti, comme «musulman démocrate». Une appellation qui rappelle celle des chrétiens-démocrates dans certains pays d’Europe. Et là, on fait automatiquement le lien entre les missionnaires de l’église et la future Ennahdha de la prédication.  Ennahdha se divise, mais, en fait, elle se démultiplie et s’arroge le rôle religieux par ses prédicateurs qui feront les cercles de discussions, monteront les tentes de prédication et doubleront ainsi les mosquées qui resteront sous contrôle gouvernemental.

Il affirme que «nous ne sommes pas demandeurs de pouvoir» et indique se spécialiser désormais en politique. L’essence même de toute action politique est pourtant d’arriver au pouvoir. RG s’adresse dans ce discours fleuve à ses ouailles d’une phrase aux multiples interprétations dont une rappellerait sa vidéo de 2011, leur disant que « cet État est le vôtre, vous n’en avez pas d’autre, alors défendez-le par tous les moyens« . Bien avant, la jeunesse nahdhaouie entonnait un chant qui finit par ce couplet : «c’est au bout de nous épées que nous reprendrons nos gloires». L’appel de RG serait-il une réponse au chant de la jeunesse nahdhaouie ?

(Lire 2ème partie où RG dit déjà ce qu’il ne fait pas)

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