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Précisons d’entrée, que l’utilisation du terme serpent pour désigner Ennahdha, doit être comprise dans sa simple acception zoologique et biologique, dans la mesure où un serpent [ndlr : La forme du chiffre zéro pour le chiffre 10ème congrès le laisserait d’ailleurs aisément penser, entre gris et blanc et sur un fond bleu noirci comme un reflet de l’image de la Tunisie, telle que vue par Ennahdha] cultive la singularité d’être un animal, de sang-froid, qui mue et qui a la langue fourchue.

Comme lui et sans aucune autre malveillante parabole, Ennahdha a été le seul parti politique de l’après révolution à gérer les conditions et conjoncture de la transition, la tête froide bien sur les épaules et en s’y acclimatant à merveille, même s’il fallait pour cela sacrifier ses principes fondateurs. On ne s’attardera pas sur le côté double langage que les seules déclarations de Rached Ghannouchi entre 2011 et 2014 démontreraient aisément.

Le mouvement islamiste tunisien dévoilait, la semaine dernière, le programme économique de son prochain congrès. Des assises qui devraient consacrer la seconde phase de la mue. Après avoir en effet scindé le parti, déjà divisé depuis 2011 entre politiciens et activistes religieux, en une Ennahdha-Parti politique et une autre chargée du travail de prosélytisme, il s’agit désormais d’assigner à ce dernier, l’objectif et le terrain d’action. Décryptage.

Dans le document présenté aux journalistes, qui n’est en fait selon notre lecture qu’un ramassis de plusieurs idées préconçues et acceptées par tous les économistes de tout bord, Ennahdha livre le diagnostic que se ferait n’importe quel profane de la situation économique de la Tunisie. La croissance des problèmes économique et sociaux, la baisse de la croissance économique et l’arrêt de presque toute activité économique, sont désormais de simples vérités de La Palice et il ne faut pas être un  islamiste d’Ennahdha pour en faire l’amer constat.

  • Retour des outils islamistes de la Zakat et des Habous

La nouveauté, qui n’en est presque pas une, dans ce document, c’est le schéma économique que propose Ennahdha pour remporter les prochaines échéances électorales. Ce schéma est celui d’une économie socio-libérale, mais une économie de marché. «Un schéma de développement inclusif et intégrateur qui tienne compte des constantes nationales et des spécificités culturelles» du pays, dit le document qui ne rappelle pas que la Tunisie est un pays arabe et musulman, selon la Constitution. Cependant, aux rôles, d’initiateur et régulateur pour l’Etat et celui dit «central» de créateur de richesses du secteur privé, Ennahdha ajoute une tierce partie et le choix et loin d’être innocent. Le troisième larron que le document d’Ennahdha présente comme un «renfort à l’économie solidaire», est composé par «les associations, de développement, caritatives, mutuelles», ainsi qu’une nouvelle structure qu’elle se proposerait de mettre en œuvre, qui s’appellerait «l’Institution du travail solidaire et du Takaful» et qui sera financée par «les fonds des biens Habous et de la Zakat».

Là, tout est presque dit et l’on se rend aisément compte que le serpent, bien qu’ayant fait une mue, reste le même reptile du péché originel d’Adam & Eve, la tentation d’Ennahdha qui fera croquer la pomme interdite par les futures ouailles du Cheikh.

Il est, à ce stade, inutile de rappeler que l’associatif et le caritatif sont le terreau de l’activité des missionnaires d’Ennahdha. Un terreau où le financement est le plus opaque et le plus difficile à contrôler.

Et c’est manifestement le bras prosélytique d’Ennahdha qui sera la colonne vertébrale  de ce tiers secteur dont parle le document d’Ennahdha, et qui aura la tâche de lui apporter tout le soutien, idéologique d’abord et logistique ensuite pour remporter les prochaines échéances électorales haut la main.

  • «Business as usual», mais rendu Halal par une «finance islamique» à tout-va

A lire le document d’Ennahdha, on se rend aisément compte que le nouveau schéma de développement est presqu’exactement celui de l’ancien régime. Celui d’une économie du marché où l’Etat est le régulateur et le secteur privé le créateur de richesses avec toutes les composantes d’une économie tournée vers le partenariat occidental et les outils d’une économie libérale. «Business as usual» donc où les riches s’enrichiront et les autres seront aidés par l’Etat-providence ou les bras, financiers et prosélytique, des partis. Et pour donner bonne conscience à ses ouailles, anciennes et futures, tout cela se fera dans le respect des directives de la Chariaa et de manière Halal.

La seule différence, en effet, entre le schéma de développement économique des années Ben Ali et celui de la vision d’Ennahdha pour son avenir politique,  se trouve dans le financement. Ennahdha, qui a réussi son œuvre de non-ghettoïsation de la finance islamique dans la loi sur la BCT et la nouvelle loi bancaire qui en ont désormais fait un produit financier comme un autre, se propose de financer ce nouveau schéma en «transformant la Tunisie en une destination de la finance islamique» qu’elle se propose d’encourager à «la fusion dans des groupes financièrement solides» sans aller jusqu’à préciser que les groupes financiers qu’elle préfère sont ceux de la finance islamique.  En un mot donc, le nouveau schéma de développement que propose Ennahdha est celui du Business Halal, sans plus. Pour les pauvres, ceux qui «craignent Dieu» vous donneront les moyens d’être des Nahdhaouis de base !

Khaled Boumiza

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