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Tunisie : La cession de Carthage Cement se passe bien. Qui n’en veut pas ?

Alors que le gouvernement Chahed, tanné par le manque de ressources, semble enfin vouloir se pencher sur le cas de certaines grosses entreprises confisquées, le cas de la Cimenterie de Carthage, émerge de nouveau à la surface de l’actualité. Avec parfois des «informations», pour le moins pas toujours exactes, si ce n’est parfois tendancieuses, quelques parties non-identifiées, cherchent manifestement à la maintenir dans le giron d’un Etat redevenu providence depuis la révolution de 2011.

Il semble de toutes les façons, selon nos informations, que la vente de la plus importante cimenterie tunisienne, Carthage Cement (CC) dont une partie a été confisquée à Belhassen Trabelsi, se passe plutôt dans de bonnes conditions. La décision de la cession a été prise, quoique non encore officiellement annoncée par la commission nationale de gestion des biens confisqués, et un groupe de travail a déjà été chargé du dossier au sein du cabinet de Youssef Chahed.

Il semble aussi, d’après les informations que nous avons recueillies auprès de sources sûres, que le second actionnaire de CC, Lazhar Sta aurait déjà donné son accord pour une vente groupée de ses parts et de celles de l’Etat. Les modalités et la vente, qui sera confiée à une banque d’affaires qui devra être choisie sur appel d’offres, seraient actuellement à l’étude chez Al Karama Holding qui est le propriétaire des actions de l’Etat tunisien au sein de CC.

Financièrement, à la fin du mois de juin 2016, le total des produits d’exploitation de l’entreprise était de 120,258 MDT. Le résultat d’exploitation n’a cependant été que de 6,9 MDT, essentiellement, pour cause de lourdes charges salariales. Impacté par les lourdes charges financières (23,287 MDT) et malgré les «autres gains» de 8,574 MDT dont 8,2 MDT dus à l’abandon de dettes des constructeurs (FL Smith, Ekon et Prokon), le bilan semestriel de Carthage a été négatif de plus de 8,4 MDT. Six mois plus tôt, le 31 décembre 2015, le total des produits d’exploitation était de 198,4 MDT, le résultat d’exploitation négatif de 3,8 MDT et le résultat net déficitaire de 52,2 MDT. Force est pourtant de constater qu’à chaque fois que l’on parle de vendre la CC, le cours de l’action de l’entreprise à la bourse, prend l’air malgré le résultat encore fluctuant.

C’est cet état des lieux qui pourrait faire dire à certains que vendre Carthage Cement en ce moment, pourrait s’apparenter à un bradage. Il se trouve cependant, à tête reposée, que le gouvernement n’a plus d’autre choix que de vendre, même s’il lui reste l’obligation de ne pas vendre au premier des demandeurs, mais plutôt à un acheteur-partenaire stratégique qui puisse la développer et compléter toute la panoplie de petits autres projets, prévus dans son premier périmètre. La vente s’explique, selon plus d’un observateur averti, par :

  • L’entreprise a presque changé d’objet, d’une entreprise commerciale à une vache à salaires.

Lors d’une séance d’audition, en date du 27 février 2017 à l’ARP, le DG de la CC, Brahim Sanaa, avait indiqué que «le projet a démarré dans des conditions catastrophiques en 2014 [Ndlr : 3 années après la révolution de 2011], notamment en raison du nombre d’ouvriers».

Avec 880 employés, la société avait une masse salariale de 20 millions de dinars par an, «contre seulement 8 à 9 millions de dinars pour ses concurrents», regrette B. Sanaa. Des concurrents qui font en effet tourner leurs usines avec un effectif de 200 personnes, soit le quart de celui de Carthage Cement.

Depuis, la société a pu ramener son effectif successivement à 827 puis à 700 employés. Mais le directeur général craint d’être obligé d’aller plus loin dans le dégraissage. Or, souligne-t-il, «si j’annonce que je vais le faire, la société sera fermée, puisque à chaque fois que nous nous sommes séparés d’un seul ouvrier nous avons dû fermer pendant une semaine».

Les charges de personnel étaient de 14,274 MDT au 30 juin 2016, contre 12,962 MDT pour la même période de 2015. Un exercice où la masse salariale avait été de 25,194 MDT. A la fin du 1er semestre 2016, le résultat d’exploitation était bénéficiaire de 6,925 MDT. Plombé par des charges financières de plus de 23,287 MDT, le résultat net de Carthage Cement finira avec un déficit de 8,686 MDT pour le premier semestre et même une trésorerie négative de plus de 5,2 MDT.

Et c’est, à notre sens, ce volet de sureffectif qui passera irrémédiablement par une révision par le prochain acheteur, qui constitue la principale appréhension des forces de gauche sur la scène politique tunisienne, ainsi que de tous ceux qui ne voient en CC qu’une vraie vache à salaires !.

  • L’état d’endettement de CC menace désormais tout le secteur bancaire.

Au 30 juin dernier, l’endettement de la cimenterie cumulait à plus de 411,8 MDT, alors qu’elle devait être bénéficiaire dès 2013. Elle doit de l’argent, beaucoup d’argent, à presque toutes les banques de la place (12 banques), dont les trois principales publiques et les quatre principales à participation publique.

Un tel endettement, en face d’un Etat qui n’a de propriétaire que le nom et qui refuse tout soutien social ou financier et tout investissement, devient insoutenable pour l’entreprise et dangereux pour les banques, si la CC ne rebondissait pas.

Extrait des états financiers de CC à fin juin 2016
  • Sans vision stratégique et sans moyens, l’Etat refuse d’investir.

Dans l’état actuel des choses en Tunisie, l’Etat ne semble pas prêt à mettre la main à la poche pour financer une possible restructuration sociale qui ferait de cette vente une opération rentable. Il lui faudrait pour cela, plusieurs centaines de MDT, qu’il n’est pas pour l’instant disposé à injecter dans une entreprise qui doit toutes ses difficultés à la confiscation et dont les finances ont été alourdies par les redressements fiscaux issus des 6 contrôles approfondis qu’elle a connus. L’Etat confiscateur a ainsi, plus pris d’argent chez CC qu’il n’y a investi pour en faire le grand cimentier qu’il devait être et le grand groupe intégré qu’il avait été imaginé par son premier créateur Lazhar Sta.

Alors que ce dernier a donné son accord pour la vente groupée de l’entreprise, il reste du devoir de l’Etat de ne pas vendre à n’importe qui. A la CC, il faut désormais, un partenaire, tout à la fois technique et stratégique. Un partenaire qui soit capable d’accompagner l’entreprise, dans un développement qui préserve la zone de Jbel Rssas, comme avec le projet des fuels alternatifs (Déchets ménagers avec l’ANJED et pneus déchiquetés avec la CPG et projet de Big Bagers pour faciliter l’export) et faire faire de la région un vrai bassin d’emplois tout en préservant les équilibres financiers de l’entreprise.

La CC avait été, une 1ère fois proposée à la vente en 2012. Menée alors par Ridha Saïdi, le conseiller qui aime à répondre aux journalistes à qui il ne veut pas parler qu’il a «ses priorités, son système de travail et ses propres procédures», l’opération avait alors avorté. Depuis, sans changer d’obédience, Saïdi a changé de Cabinet, passant de Hammadi Jbali à Youssef Chahed. Espérons qu’il aura laissé la poisse chez le premier pour que la cession de CC se fasse dans de bonnes et transparentes conditions !

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