AccueilLa UNE32ème anniversaire de l'islamisme politique en Tunisie: Le ratage de trop

32ème anniversaire de l’islamisme politique en Tunisie: Le ratage de trop

L’anniversaire de la naissance de l’islamisme politique, célébré, samedi, a été, aux yeux des observateurs, un nouveau ratage du parti islamiste au pouvoir, Ennahdha .

Il est vrai que Rached Ghannouchi a affirmé, en pleine cérémonie, que son parti est un mouvement d’Ijtihad qui proscrit l’excommunication (Takfir) et ne parle pas au nom de l’islam, prenant comme référentiel religieux et moral l’islam dans son acception modérée et globale. Mais il se ressaisit vite pour souligner que la religion est au-dessus des partis et de l’Etat, sans donner un sens concret à cet axiome aux implications dangereuses.

Visiblement, l’occasion devait solder le passé d’Ennahdha vis-à-vis de la société, de l’intelligentsia du pays et de l’opinion internationale, les rapports avec ses adeptes étant traités dans un autre cadre, celui des instances du parti et les assises des congrès.

La migration d’Ennahdha d’un parti d’opposition au passé entaché de violence et de complots, à un parti au pouvoir , devait, selon les traditions de la démocratie, s’accompagner d’un mea culpa vis-à-vis des citoyens qui ont souffert de ces choix et de l’Etat tunisien qui a été pris pour cible, au moins à deux reprises (en 1987 et 1991 ) , selon des témoignages dignes de foi . Ainsi, une nouvelle période devrait s’ouvrir, en fermant totalement la porte aux pratiques antidémocratiques illustrées par la politique du double-fond.

L’Ira en Irlande du Nord , et le Congrès National Africain de Nelson Mandela ont opéré leur mue avec courage et sincérité,en soldant le compte du passé devant leurs peuples , leurs opinions publiques ,ce qui a facilité leur intégration dans le processus démocratique sans hésitation , ni arrière-pensées.

A l’opposé , on a assisté , depuis la révolution , et surtout depuis décembre 2011 , à un mutisme total de la part de l’establishment du parti islamiste sur les politiques incriminées . Seules des fuites organisées par d’anciens cadres, ou proches de l’islamisme politique ont levé un coin du voile sur le complot qui devait avoir lieu, le 8 novembre 1987, devancé de 24 heures (le 7 novembre ) par Ben Ali , sur l’affaire Bab Souika , sur le missile Stinger qui devait abattre l’avion du président déchu .

Des témoignages ont été donnés par Moncef Ben Salem , actuel ministre de l’Enseignement supérieur ,et numéro un du complot du 8 novembre 1987 , Sahbi Al-Amri et Habib Lassoued , qui étaient associés à l’entreprise.Ahmed Manai a défendu,en sa qualité de militant des droits de l’homme ,les instigateurs du complot incarcérés comme étant des victimes de la répression , avant de se rendre compte qu’ils étaient des comploteurs qui voulaient évincer Ben Ali et prendre sa place .

Ben Aissa Demni et Abdelfattah Mourou avaient rompu avec Ennahdha, en 1991 , lorsqu’ils s’étaient aperçus que l’attaque de Bab Souika était bien l’œuvre de leur organisation sans qu’ils en soient informés malgré leur statut de dirigeants responsables .

Abdelkrim Harouni actuel ministre du Transport, et Nabil Rébai , un des exécutants de l’attaque de Bab Souika ont donné des détails déconcertants sur le déroulement de l’affaire .

Tous ces éléments montrent qu’Ennahdha a misé sur la violence, et a n’a pas exclu de recourir aux complots pour conquérir le pouvoir. Donc , il est tenu ,depuis la révolution, et surtout depuis son accession au pouvoir ,de solder les comptes du passé en la matière et de refermer, et à jamais , cette option , pour que la Tunisie ait les élections menant à l’alternance comme unique règle de jeu politique .

Au lieu de cela , l’opinion publique a été témoin de pratiques nahdhaouies qui entretiennent le flou sur les rapports avec le djihadisme , qui ferment les yeux sur la police salafiste qui sévit dans plusieurs quartiers populaires , qui entretiennent les ligues de protection de la révolution (LPR) pour intimider les adversaires politiques et fausser le jeu démocratique par la violence et qui ouvrent les frontières aux prédicateurs intégristes du Moyen-Orient qui ne cachent pas leur dessein d’islamiser le pays .

Parallèlement à cela, on assiste à une institutionnalisation de ces choix par le biais du placement des adeptes d’Ennahdha partout dans l’administration centrale et régionale, ce qui met fin à toute velléité de garantir l’indépendance de l’administration, et par l’élaboration d’une constitution ainsi que la confection d’institutions sur mesure pour concrétiser ces choix.

L’occasion était, donc ,offerte au parti islamiste et à son chef pour se dédouaner de la tare rédhibitoire de la violence collée à l’islamisme politique, et des menées qui n’ont jamais cessé en vue de le démanteler l’Etat de l’Indépendance et instaurer en lieu et place un Etat religieux sur le modèle iranien . L’acharnement avec lequel ce projet est mené forge chez l’opinion publique nationale la conviction que les chefs nahdhaouis veulent rendre ces choix irréversibles.

La célébration du 32ème anniversaire d’Ennahdha était une occasion pour que les dirigeants du parti islamiste donnent des gages, dissipent les craintes et tracent la voie à un consensus qui établirait de nouvelles règles du jeu garantissant le passage du pays vers la stabilité tant attendue. Mais rien n’en a été fait ni dit.

Rached Ghannouchi, dans un souci de démarcation des djihadistes, leur enjoint de faire attention parce qu’ils n’ont pas affaire au gouvernement de Ben Ali, mais plutôt à un gouvernement islamiste élu, diluant ainsi la nature de leur entreprise criminelle vis-à-vis de l’Etat, de la société et du citoyen tunisiens dans des considérations doctrinales, insinuant ainsi que les attaques de Soliman, en 2006, étaient justifiables, et à la limite légitimes.

Cette ultime tentative de trouver des raisons aux crimes des terroristes montre que le découpage que fait Rached Ghannouchi du monde repose sur une démarcation entre ce qui, à ses yeux, est islamiste et ce qui ne l’est pas, au lieu que cette ligne soit établie entre ceux qui défendent l’Etat national et la démocratie et les autres.

Aboussaoud Hmidi

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