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Abdelhamid Amami : « le marché est inondé de semences hybrides », une sensibilisation s’impose

La deuxième édition de la Fête des semences paysannes, sera célébrée, dimanche, 30 octobre 2016, à Chott Meriem (Sousse), par l’Association Tunisienne de Permaculture, Acacias For All (entreprise à vocation sociale) et l’Association de Sauvegarde de l’Oasis de Chenini (ASOC-Gabès ): point focal RADDO en Tunisie (Réseau Associatif de développement Durable des OASIS).
Ce rendez-vous entre professionnels et amateurs de l’agriculture durable et une opportunité pour discuter des semences paysannes, perçues par les écologistes et les défenseurs de la biodiversité comme « le fondement de la souveraineté, de l’autonomie alimentaire, de la santé et de la survie des peuples et des cultures ».
En prévision de cet événement, Abdelhamid Amami, co- fondateur de l’ATP et membre de son comité directeur, explique, dans une interview accordée à l’agence TAP, les objectifs de l’association, les concepts de la permaculture et la portée de ce retour à l’origine de la semence, l’origine du vivant. Interview.

1- D’abord, pouvez-vous présenter, en quelques mots, votre association et quels sont ses principaux objectifs?

L’Association Tunisienne de Permaculture est une association à but non lucratif , fondée en juillet 2015 dans le but de développer , transmettre et promouvoir la permaculture en Tunisie . Le mot « permaculture  » est né de la fusion des termes  » permanent  » et  » agriculture  » , mais aussi de l’expression  » culture de la permanence  » .
C’est une méthode de conception destinée à la création d’environnements humains soutenables . Le but est le développement des modes de vie et de fonctionnement qui ne nuisent pas à l’environnement et qui soient viables économiquement, qui subviennent à leurs propres besoins, qui n’abusent ni des humains ni du vivant, qui ne polluent pas la terre et qui, par conséquent, sont durables sur le long terme ». Les deux co-créateurs de cette science du design sont les deux australiens : Bill Mollison et David Holmgren .

2- Par quels moyens comptez-vous traduire dans la réalité ces concepts et ces objectifs ambitieux ?

Nous comptons atteindre ces objectifs en menant les actions suivantes : organiser et animer des stages , des ateliers et des formations sur la permaculture , l’éco-construction , l’efficacité énergétique , les énergies renouvelables et la bonne gestion des déchets ainsi que des événements pour la promotion de la permaculture . Il s’agit aussi d’accompagner et/ou développer des projets de permaculture, participer, soutenir et favoriser les actions d’associations ou événements aux objectifs complémentaires aux nôtres.

3- Vous êtes en plein préparatifs de la 2ème fête des semences. Quel est le but de cet évènement ?

Au moment où les semences paysannes deviennent de plus en plus rares et où le marché est inondé de semences hybrides, il devient extrêmement urgent de mener des actions visant la sensibilisation des gens à l’importance vitale de ces semences et de leur sauvegarde. Nous en avons déjà perdu beaucoup et il est temps que l’hémorragie s’arrête .

Les semences paysannes représentent le fondement de notre souveraineté , de notre autonomie alimentaire, de la santé et de la survie de notre peuple et de notre culture. Elles sont des semences bien acclimatées aux biotopes, qui se passent, donc, des engrais chimiques, pesticides ou fongicides et sont les seules qui nous permettront de développer une agriculture nourricière, saine, respectueuse de l’environnement.
Elles sont aussi des semences reproductibles qui ne coutent rien ou très peu au paysan qui peut ainsi les ressemer d’année en année se débarrassant ainsi de sa dépendance aux semenciers et allégeant la facture de ses dépenses. Le principe de prudence nous oblige à sauvegarder nos semences, même si le rendement est plus faible, plutôt que de les remplacer par des semences standardisées issues des laboratoires dont on ne sait pas encore les effets sur le long terme sur la santé, sur l’environnement, le sol et la flore.

Les semences paysannes sont les seules qui nous permettront de nous adapter aux changements climatiques, car ce sont des semences vivantes qui s’adaptent, d’année en année, à ces changements, la résilience est leur avantage le plus remarquable. Elles donnent des plantes hautement nutritives et de meilleur gout. Face aux crises économiques récurrentes, les agriculteurs sont plus forts et plus autonomes, s’ils peuvent reproduire leurs propres graines.
Nous organisons cette fête pour sensibiliser les gens à ces enjeux. Il s’agit d’un rendez-vous annuel entre professionnels et amateurs pour faciliter les échanges et l’approvisionnement en semences locales de qualité.

4- Vous êtes partisans d’une agriculture durable et d’une valorisation des variétés de semences autochtones.

Etes-vous sûr que ces semences qui se raréfient et qui disparaissent de nos cultures sont capables de concurrencer l’industrie semencière des géants multinationaux tels que Monsanto (Bayer actuellement) et Syngenta et bien d’autres ?
L’industrie agrochimique affirme souvent que l’agriculture paysanne à petite échelle avec ses semences traditionnelles est arriéré et inefficace et que les OGM (organismes génétiquement modifiés) seraient plus aptes à nourrir l’humanité et favoriser le développement économique. Cette affirmation est fausse au moins pour trois raisons :
Primo, parce que ce sont les semences paysannes qui ont nourri l’humanité durant 10 000 ans et on n’avait besoin ni de pesticides ni d’engrais chimiques fidèles compagnons des semences industrielles.
Secundo, malgré les pressions qu’ils subissent, les paysans subviennent aux besoins de 70 % de la population mondiale. Alors que l’agrobusiness avec ses semences « améliorées  » concentre ses capacités productives sur le fourrage et les biocarburants
Tertio, l’Evaluation internationale des connaissances des sciences et des technologies agricoles pour le développement ( IAASTD) , commanditée par l’ONU et menée par 400 chercheurs pendant 4 ans , a constaté sans ambiguïté que le recours aux OGM ne solutionnera en rien la question de notre sécurité alimentaire , dans l’avenir . Elle confirme le fait que cette technologie est inefficace et inutile.

5- Pourquoi, d’après vous, la Tunisie a perdu, une grande partie de ses ressources génétiques végétales et ses semences locales et depuis quand, ont-elles quitté nos champs ?

On pourrait situer le début de l’érosion génétique et la disparition des semences locales à la fin des années cinquante. Depuis que l’époque où la Tunisie recevait une aide alimentaire du Programme d’Aide Alimentaire mondial (PAM) avec laquelle étaient distribuées des semences de pastèques et de melon à des agriculteurs généralement pauvres et analphabètes. La disparition des semences paysannes est particulièrement rapide. Si vous cessez de les reproduire une seule saison, en un an vous n’avez plus de graines du tout.
Je crois que les causes de la disparition de nos semences sont multiples. C’est une combinaison alliant l’ignorance à la pauvreté à des politiques de court terme et sans visions au matraquage publicitaire des firmes agrochimiques aux plans bien huilés des multinationales sur le long terme.

6- Aujourd’hui, il y a, quand même, des efforts pour sensibiliser à la nécessité de sauvegarder nos semences locales (banque des gènes) même si nous sommes contraints de produire plus. Comment, d’après vous, concilier développement durable et rendement et comment convaincre les agriculteurs de cette approche ?

Le rendement n’est pas tout. C’est un des critères d’évaluation. Il n’est ni le seul, ni le plus important. A quoi sert avoir un rendement élevé durant quelques années puis par la suite un sol totalement mort, une nappe phréatique polluée, un environnement dégradé, des humains et des animaux mal nourris.
Prendre soin de la terre, prendre soin des humains : voila des critères d’évaluation encore beaucoup plus importants que le rendement. Un sol vivant, à fertilité croissante couplé avec des semences paysannes locales est la meilleure garantie non seulement pour un rendement de plus en plus élevé au moindre cout mais aussi pour un développement durable.
Comment convaincre les agriculteurs de cette approche ? Les agriculteurs sont des gens pragmatiques, mais je crois à la force de l’exemple et aussi à la diversification des initiatives comme disait Ghandi: L’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul. Les fermes permacoles que nous créons sont des exemples modèles.

7- Dans l’avenir, envisagez-vous d’adhérer à des mouvements comme celui de  » Semences paysannes  » en France ou le mouvement paysan international « La Via Campesina » qui défend les droits des petits exploitants à échanger, exploiter et vendre leurs semences ?

Nous avons déjà des relations avec certaines associations et mouvements. Des représentants de Kokopelli ( France ) et Slow Food ( Italie ) assisteront à la fête des semences paysannes qui se tiendra ce dimanche 30 octobre 2016 . Nous comptons coopérer avec d’autres mouvements, développer nos liens avec d’autres associations de permaculture , d’agroforesterie et d’agro-écologie du Maghreb ( Algérie et Maroc ) et d’Europe . Oui bien sur on est pour une alliance planétaire visant la sauvegarde des semences paysannes, soit, celles généralement utilisées dans l’agriculture et héritées de père en fils depuis des siècles.

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