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« A défaut de transition pacifique, le peuple fera une autre révolution », annonce Sghaier Noury

Sghaier Noury, docteur et président du Centre des Etudes Stratégiques et du Développement a affirmé que la nomination de nouvelles personnalités au gouvernement ne changera rien à la réalité, puisque un climat de méfiance et de doute s’est installé. Pour ce faire, il est temps d’écarter les fausses options en mettant en place un plan de développement clair qui répondra aux aspirations du peuple. Interview.

Pouvez-vous nous présenter le Centre des Etudes Stratégiques et du Développement?

Ce centre a été créé à Sidi Bouzid, juste après la révolution. C’est une ONG dont la mission principale est d’aider les citoyens à transformer les objectifs de la révolution en projets de développement économique et sociaux pour créer des emplois.

Deux ans après la révolution, comment appréhendez-vous la situation économique de la Tunisie ?

Comme en témoignent les manifestations et les sit-in qui ont lieu un peu partout, la Tunisie a besoin d’un programme du développement, d’une dynamique de développement économique et social. Dans ce contexte, on peut dire objectivement et sommairement que cette dynamique de développement est bloquée.

Depuis deux ans, il ne s’est rien passé du substantiel et surtout des créations d’emplois pour les jeunes.

Les raisons de ce blocage ?

Les raisons de ce blocage, à mon sens, sont essentiellement dues au fait que les préoccupations et les priorités de ceux qui nous gouvernent y compris l’opposition et les députés de l’ANC, sont des priorités d’ordre politique. Or, le pays a besoin que les priorités soient inversées et que la première priorité soit le développement socio-économique.

La politique aujourd’hui en Tunisie ne peut être qu’une conséquence et un soutien au développement économique et social. Toute stratégie qui consiste à mettre comme première priorité la politique échoue en Tunisie.

Nous avons rencontré plusieurs représentants du gouvernement et nous avons émis avec vigueur cet avertissement soulignant que la priorité doit être mise sur le développement, en particulier dans les régions en associant la société civile et les citoyens des régions.

Si l’activité de ceux qui gouvernent est d’abord concentrée sur la politique comme c’est le cas aujourd’hui, on perd aussi bien le développement économique que la politique, de telle manière qu’aujourd’hui, en Tunisie, nous n’avons ni un plan de développement économique en action, ni une constitution. Donc, nous avons raté les deux objectifs. Raison principale qu’on a inversé les priorités. Plutôt que de donner la priorité au développement socio-économique, les forces agissantes ont été absorbées par la question politique.

La deuxième raison, c’est qu’aucun acteur ne peut engager un programme de développement sans l’association directe et concrète des habitants des régions.

Nous avons recommandé aux deux gouvernements successifs, la priorité et l’outil de la méthodologie de mise en œuvre d’un tel plan de développement, qui consisterait à créer, dans chaque région, des comités de développement locaux où participe la société civile, de telle manière qu’aujourd’hui l’absence de l’association de la société civile à ce plan de développement est le premier obstacle à la réalisation des projets.

Face à l’immense déception de l’ensemble des citoyens en raison des promesses non tenues de la troïka au pouvoir, quelles sont les actions que le gouvernement doit entreprendre pour combler les carences ?

Commençons par écarter les fausses options dont nous avons parlé s’agissant d’un gouvernement élargi. Aujourd’hui, on parle d’un gouvernement des technocrates, mais il est trop tard pour que ces options soient opérationnelles. Il s’est installé un climat de méfiance, de doute, de telle manière que l’introduction des nouvelles personnalités au sein du gouvernement ne changera rien par rapport à la réalité.

Qu’attendez-vous du remaniement ministériel qui sera prochainement annoncé ?

Concrètement, je ne vous dirais rien. Rien ne se passera, car, ce n’est pas un changement du gouvernement ou de personnes. C’est un plan ou une stratégie de développement économique claire et précise. C’est ainsi un processus d’association de la société civile et des habitants de chaque région. Or, aujourd’hui, il n’y a rien, ni un plan ou programme précis capable de répondre aux urgences du pays.

Un modèle de développement clair ainsi qu’un processus d’association de la société civile, cela est-t-il possible dans les conditions actuelles ?

La réponse est non. La solution, à nos yeux, passe par l’organisation des élections. Il n’y a plus aucune solution possible qui peut être mise en œuvre aujourd’hui en Tunisie, c’est trop tard.

Il faut organiser les élections dont sortira un gouvernement qui ne sera plus un gouvernement provisoire et qui aura une nouvelle légitimité. Le gouvernement actuel quoi qu’il fasse, il est trop tard. Le gouvernement actuel subira plus en plus d’injustice. Quoi qu’il fasse, les conditions sont telles qu’aujourd’hui et toute action sera mal interprétée, douteuse et mal perçue.

Donc, il faut sortir aujourd’hui de cette période transitoire et passer à une période de stabilité, et ceci passe par les élections.

Si nous ne faisons pas cette transition pacifique, le peuple peut tout à fait le faire à travers une nouvelle révolution, ce que je ne le souhaite pas pour notre pays.

Quel rôle pour votre centre dans ce processus ?

Il est important de noter que le centre a travaillé discrètement, pendant 18 mois, et on a présenté tout un processus de développement économique pour les deux gouvernements successifs. Chose qui n’a pas été suivie d’effet.

Nous avons procédé aux expériences dans une des régions intérieures, plus précisément Sidi Bouzid et on a mis en place un certain nombre des projets pour servir des modèles de développement économique pour expérimenter et vérifier la faisabilité de ce que nous proposons.

On a mis en place déjà 5 projets qui constituent en quelque sorte la maquette d’un modèle réduit de ce qui pourrait être un modèle de développement économique pour notre pays. Aussi, nous sommes en train de préparer un programme qui sera présenté bientôt.

Votre message pour le gouvernement ainsi que le peuple tunisien surtout dans ce climat assez tendu ?

J’ai adressé mon message au gouvernement pendant 18 mois et j’ai pris la décision de ne plus le faire.

Nous avons rencontré les représentants du gouvernement. Plus de huit réunions ont eu lieu avec le gouvernement de Beji Caïd Essebssi dans l’objectif de déclencher une dynamique de développement. On a conclu que la classe politique n’est pas capable d’avoir la fibre et la sensibilité des citoyens. L’Etat n’a pas intégré complètement la réalité du pays et les aspirations des citoyens, de telle manière que le salut ne peut venir que du peuple.

Donc, je m’adresse au peuple tunisien, qui fait trop des grèves et de manifestations et qui n’a pas encore un programme précis.

J’espère que, bientôt, je vais pouvoir mettre à la disposition du peuple un programme de développement et une vision de ce que ce devrait être une constituante tunisienne, pas celle qui se discute actuellement qui est très loin des aspirations et des objectifs de la révolution et surtout l’opportunité qui était ouverte pour un autre pays en proposant une méthodologie et des étapes pour sortir de la crise et du blocage actuel.

Il faut sortir le plus rapidement possible de cette situation. Dans ce contexte, notre centre d’Etudes Stratégiques et de Développement va proposer bientôt un nouveau projet, estimant que le peuple tunisien se l’appropriera en en faisant sa revendication principale. Plutôt que de se perdre dans mille revendications aujourd’hui qui sont légitimes mais qui bloquent le pays, j’espère que le peuple tunisien choisira ce projet afin de le défendre.

Wiem Thebti

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