AccueilLa UNETunisie : Peur sur la ville … Sauve qui peut !

Tunisie : Peur sur la ville … Sauve qui peut !

Deux déclarations sèment depuis peu la pagaille parmi les hommes d’affaires et  l’intelligentsia  tunisienne. D’abord celle, il y a quelques jours, du ministre de la Justice Lazhar Karoui qui affirme que tous les hommes d’affaires qui ont travaillé avec Ben Ali seront traduits en justice. On ne sait pas si le ministre parlait ainsi uniquement des hommes d’affaires tunisiens ou des étrangers [Plus d’un d’entre eux aussi avait pris des marchés et des entreprises par le seul fait de la signature de l’ancien président tunisien] aussi.

La déclaration, reprise par un des journaux de la place, a fait l’effet d’une bombe à la centrale patronale qui a téléphoné au Premier ministre pour lui signifier sa désapprobation quant à ce genre de déclaration qui n’encourage guère à la reprise des investissements, à l’heure où le pays, en récession économique, souffre 700 mille chômeurs et une panne d’investisseurs.

Ils iront tous en justice !

La déclaration de Lazhar Karoui sonnait presque comme une potence qu’on installerait sur le parvis de la Kasbah, à coup de déclarations fracassantes, pour y mener la bourgeoisie des affaires en Tunisie, sous l’accusation d’avoir fait de «l’oseille» sous Ben Ali et donc sous sa protection et avec son aide. Une campagne de chasse à l’homme d’affaires, parfois au mépris de la règle qui dit que tout accusé est innocent jusqu’à preuve à apporter par le parquet de sa culpabilité. Une campagne qui s’est traduite par un repli de l’investissement tunisien.

Selon les chiffres de l’APII (Agence de promotion de l’industrie et de la technologie) pour le mois de juillet 2011, les déclarations d’investissement dans  le textile- habillement ont baissé de 32,5 %, celles des industries du cuir sont en chute de 57,4 % et les déclarations d’investissement dans le secteur des services baissent de 22,6 %. En nombre de projets, les déclarations ont reculé de 16,3 % dans le secteur des industries des matériaux de construction, de 14 % dans le secteur des industries mécaniques et électriques.

 Officiellement, ces baisses sont expliquées par le manque de visibilité, politique et économique et l’absence de sécurité. Selon plus d’une source au patronat tunisien, il s’agit  aussi  de la peur qui règne dans les rangs des hommes d’affaires. «Nous avons de l’argent, mais nous attendons pour voir, nous avons peur» , nous dit l’un d’eux sous le sceau de l’anonymat. D’autres affirment avoir déjà entamé les préparatifs pour s’installer à l’étranger.

Qui est symbole de l’ancien régime et qui ne l’est pas ?

La seconde déclaration est celle de Béji Caïed Essebssi, ce jeudi 18 août 2011, devant presque l’ensemble des partis politiques. Le Premier ministre tunisien annonce, sans le dire, une nouvelle série de procès à intenter prochainement contre ce qu’il a appelé les symboles de l’ancien régime.  «Nous allons demander à la Haute Instance de protection de la Révolution [une sorte d’inquisition !] de nous préparer une liste des symboles (Roumouz) à propos desquels nous prendrons des mesures préventives, pour qu’ils ne puissent plus se promener librement dans les rues où leur présence est provocatrice, avant de les déférer  devant la justice », a ainsi dit Béji Caïed Essebssi qui avait du mal à articuler ses mots. Par mesures préventives, on pourrait bien sûr comprendre l’interdiction de voyage, comme on pourrait aussi comprendre la détention préventive ou pour les besoins de l’instruction. Cette liste s’ajoutera bien sûr à celle des anciens du RCD qui ont été empêchés de se présenter aux prochaines élections. Cette dernière mesure ne semble cependant pas satisfaire ceux qui appellent encore à la justice transitionnelle et refusent la réconciliation nationale. Une nouvelle liste de pestiférés est ainsi en chantier dans les coulisses de la Haute instance de la Révolution. Le Premier ministre tunisien en personne lance ainsi, peut-être sans le vouloir, la vindicte populaire contre tous ceux qui pourraient être accusés, à tort ou à raison, dans la rue par le peuple ou dans les médias, d’être un symbole de l’ancien régime.

Ainsi, après les hommes d’affaires, voués à tous les procès, c’est maintenant le tour de ce qu’on pourrait appeler l’intelligentsia, politique et autre, d’être mis au pilori, d’être dès à présent menacée de représailles pour avoir travaillé sous les ordres d’un chef d’Etat que tout le monde s’accorde à qualifier de dictateur qui contrôlait tout lui-même.

Qui sera sur cette nouvelle liste et selon quel critère ? Quelles seront les mesures préventives, sous quelle accusation et selon quelle loi seront-elles appliquées ? Hommes d’affaires et «symboles», vont-ils attendre benoîtement  que la justice transitionnelle vienne les cueillir chez eux ? Après les Harragas chômeurs, Lampedusa connaîtra-t-elle prochainement l’affluence de «boat people » d’hommes d’affaires et de politiciens ?

La peur règne désormais sur Tunis, celle des affaires et de la politique. Sauve qui peut !

K. Boumiza

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