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Chokri Yaich à Africanamanager : L’avant-projet de la Constitution ouvre la voie à un Etat théocratique

L’avant-projet de la Constitution, ses avantages et ses insuffisances, ainsi que la situation sécuritaire de la Tunisie, notamment après les événements de Jbel Chaânbi ,ont fait l’objet d’une Interview accordée à Africanmanager, par Chokri Yaich, élu de Nidaa tounes à l’Assemblée nationale constituante (ANC).

Vous avez, certainement lu l’avant-projet de la Constitution, comment le jugez-vous ? quels en sont les points faibles ?

Les principaux points faibles ,ce sont le manque de cohérence, les contradictions entre les articles et les confusions au sein du même article . Ce qui pourrait laisser le législateur désorienté au moment de la création de lois qui s’inspirent de cette constitution . L’exemple le plus frappant , est la nette contradiction entre les articles 1-2 où l’Islam est considéré comme la religion de la société (article 1), l’Etat civil (article 2) et l’article 136 où il est mentionné qu’il est interdit de toucher à l’Islam comme la religion de l’Etat.

Pourquoi cette ambigüité, selon-vous ?

Cette ambiguïté est destinée à ouvrir la voie à l’application de la chariâa , dans un texte qui ne la mentionne pas. Cette Charia est substituée par les principes immuables de l’Islam « thawâbit el Islam ». Ces derniers, au préambule, et dans une même phrase viennent écraser à l’amont les droits universels de l’Homme qui à leur tour se laissent contrôler, en aval , par la notion de spécificités culturelles du peuple tunisien.

Des confusions figurant dans une même phrase ne peuvent être que volontaires. Il s’agit d’une tactique des islamistes, pour semer la confusion et anéantir le cadre universel des droits de l’Homme, l’un des facteurs clés d’une constitution qui prône l’état civil.

Par ailleurs, le refus d’inscrire la liberté de conscience dans ce projet de constitution vient conforter l’idée cachée de l’application par étapes des commandements de la chariâa , comme la condamnation de l’apostat à la peine capitale . cela constitue donc une étape en direction de l’Etat théocratique. Curieusement, ces derniers jours tout le monde se mobilise pour discuter du problème du type de régime politique. A mon avis, il s’agit d’une autre tactique des islamistes pour faire oublier le plus important et l’essentiel : la confusion et les contradictions qui touchent les libertés et droits dans ce projet.

Le parti Ennahdha a toujours mis le curseur assez haut pour ensuite le rabaisser en faisant des concessions comme il va sans doute le faire , pour se rapprocher du régime politique mixte . Les contradictions dans ce projet sont vraisemblablement volontaires ,pour adopter progressivement une constitution confuse qui entraine l’affaiblissement de l’Etat civil et ouvre la voie à l’Etat théocratique si les islamistes restent longtemps au pouvoir .

Est-ce que cette Constitution n’a pas de points forts ?

Le point fort de cette Constitution, réside dans le chapitre consacré au pouvoir local , où l’organisation administrative locale sera fondée sur les principes de la décentralisation. Ceci va se concrétiser par des communes, régions et provinces couvrant tout le territoire et les dotant de l’autonomie financière et administrative. Tout contrôle se fait désormais à posteriori pour faciliter les dépenses et la mise en œuvre des projets de développement.

Alors, quelle solution voyez-vous à cette situation ?

Le pays est en train de traverser une période critique de son histoire, la frustration de la population a atteint un niveau intolérable . Cette phase de notre histoire est caractérisée par des défis internes et externes (invasion des prédicateurs obscurantistes Wahabites, violence, terrorisme, exportation des « Djihadistes ») et une constitution confuse et loin d’être consensuelle.

La seule solution réside dans la reprise du dialogue national lancé par l’UGTT , et la participation de toutes les composantes de la scène politique et civile , pour débattre et résoudre tous les problèmes y compris ceux de la constitution.

Comment jugez-vous la situation sécuritaire en Tunisie, notamment avec ce qui se passe à Jbel Chaâmbi?

Les opérations terroristes survenues à Jbel Chaambi ,à Kasserine , représentent une atteinte dangereuse à la sécurité du pays. Cette situation est l’aboutissement de l’indifférence de l’Etat ,face à des mouvances qui alimentent la haine, la division et pratiquent la violence. Comment voulez-vous qu’un Etat reste stable lorsqu’il autorise des obscurantistes wahabites à occuper nos espaces, et à drainer des jeunes désorientés et démunis. Ce même Etat reste indifférent à l’« exportation » de centaines de jeunes hommes et femmes pour le Jihad en Syrie et ailleurs. Et donc, on ne devrait pas être étonné de voir ,un jour , des centaines de nos compatriotes de retour du Mali ou de Syrie pratiquer , en Tunisie ,le Djihad contre leurs propres concitoyens ,surtout que les armes ne manquent pas chez nous .

Quels sont les effets de cette situation sur la Tunisie ?

La multiplication des saisies d’armes, la découverte de caches d’armes , depuis le début de l’année sont le signe qu’on est face à une situation très grave . Si cette situation n’est pas maitrisée à temps , on risque de tomber dans le scénario algérien des années 90.

Khadija Taboubi

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