Considérée comme le berceau du printemps arabe, la Tunisie a été le premier pays à organiser des élections démocratiques après la chute du régime autoritaire qui la gouvernait. En Octobre, les Tunisiens se sont rendus aux urnes et le parti islamiste modéré Ennahda a remporté 40 pour cent des suffrages et en même temps gagné le droit de former un gouvernement. La fondation « Carnegie Endowment for International Peace » a rencontré Rached Ghannouchi, co-fondateur du parti Ennahda. En s’exprimant sur de la montée de l’islamisme dans la région et les objectifs de son parti pour le pays, il a évoqué le rôle de l’islam dans la région, les défis économiques de la Tunisie et les droits démocratiques dans le pays.
Verbatim :
Le rôle de l’Islam : Il est clair que l’islam va jouer un rôle significatif dans la région. Les tendances récentes montreront qu’islam et démocratie sont compatibles. Ennahda, en tant que parti, s’emploie à instaurer un régime démocratique adossé aux valeurs islamiques. Le parti souhaite mettre en place un gouvernement de coalition pour prouver qu’il est également possible de travailler avec la laïcité.
Investissement et Economie : La Tunisie est confrontée à un certain nombre de défis, parmi lesquels le chômage (il y a actuellement environ 1 million de Tunisiens sans emploi) et les niveaux de corruption élevés. Si la Tunisie peut instaurer la bonne gouvernance, alors elle pourra encourager l’investissement dans le pays. Ennahda croit en un système de libre marché qui est responsable vis-à-vis de son peuple, surtout les pauvres.
L’échec du régime de Ben Ali : Ennahda estime que l’un des plus grands échecs du régime de Ben Ali et des gouvernements qui l’avaient précédé a été l’exclusion de l’Islam de la politique. L’islam est un ensemble de valeurs et un mode de vie, pas seulement une religion. Ennahda cherche la conversion de l’Islam en démocratie.
Montée du salafisme : En Tunisie, le salafisme est un phénomène relativement nouveau et faible. Avec la vague d’arrestations des années 1990 et la fermeture de l’Université Zitouna, un vide religieux a été créé et c’est là que le salafisme s’est engouffré. Ennahda traite le salafisme comme l’Occident le fait avec l’extrême- gauche et l’extrême-droite. En Egypte, avoir introduit les salafistes dans la politique est une bonne chose parce cela les oblige à s’intégrer dans la réalité, loin des idéaux.
Femmes : Ennahda ne changera pas le statut de la femme en Tunisie ni le code du statut personnel. Soulignant le rôle des femmes dans son parti, Rached Ghannouchi rappelle que sur les 49 femmes élues à l’Assemblée constituante, 42 sont affiliées à Ennahda.
Pluralisme : Si le parti Ennahda perd de sa proéminence dans les prochaines élections, il devra respecter le choix des Tunisiens. Il incombera alors à Ennahdha d’œuvrer en vue de changer l’esprit des Tunisiens à l’horizon des prochaines échéances électorales. Tout comme il n’y a pas de contrainte en religion, il n’y a pas de contrainte en politique. Chaque parti, même le parti communiste a le plein droit d’exister.
Apostasie et hérésie : Ghannouchi est d’avis que la question de l’apostasie (le renoncement à la religion) comme entendu en islam est une question politique qui concerne les tribus ayant embrassé la religion musulmane mais qui refusaient de s’acquitter de l’impôt ou zakat. Il souligne que l’Islam est fondé sur la liberté et « tout comme vous embrassez librement l’islam, vous avez pareillement la liberté de quitter l’islam.
Politique étrangère et Palestine : Ennahda va concentrer ses efforts sur la Tunisie. Une fois un modèle idéal est atteint, la Tunisie pourra alors commencer à envisager d’influencer d’autres pays. La révolution tunisienne, cependant, n’est pas un article d’exportation. Sur la question de la Palestine. Ghannouchi estime que le Hamas a été élu par le peuple palestinien suite à un scrutin honnête et juste. Qu’il accepte la politique du Hamas, cela est cependant une autre affaire.
Méfiance vis-à-vis d’Ennahda : Il ne fait aucun doute que la méfiance existe vis-à-vis d’Ennahda. Ghannouchi soutient qu’une grande part de cette méfiance est due à la propagande qui a été mise en place par le régime de Ben Ali associant le parti au terrorisme et le présentant comme une menace pour les droits des femmes. Il indique qu’à la lumière de cette propagande, les 43 pour cent de voix qu’Ennahda a remportées dans les dernières élections représentent un résultat considérable. Contrairement à Ben Ali, cependant, Ennahda ne cherche pas une victoire au taux de 99 pour cent.
Traduit par Africanmanager