Hier mardi 07 juin 2016, l’économie tunisienne était au menu, du côté des USA, dans une conférence organisée par l’Atlantic Council Rafik Hariri Center for the Middle-East, basé à Washington. Cette rencontre a réuni des décideurs politiques et des experts européens et américains ; ils ont planché sur le thème « Une stratégie transatlantique pour une Tunisie démocratique », rapporte Huffington Post. Les contours d’un éventuel accord entre les États-Unis et l’Union Européenne (UE) sur le soutien à apporter à la transition tunisienne ont été dessinés, sur les plans économique, sécuritaire et démocratique. L’ambassadeur de la Tunisie aux États-Unis, Faycal Gouiaa, a saisi l’occasion pour plaider, en marge de la conférence, la cause d’un accord de libre-échange entre la Tunisie et les USA.
Cette rencontre fait suite à la publication d’un rapport qui a le même intitulé. Il est dit dans ce document : « Les États-Unis et l’Union Européenne devront aussi se mettre d’accord pour cibler des projets et d’autres aides dans les différentes régions avec une attention spéciale à accorder aux lieux où la radicalisation et les autres troubles sociaux existent »
La Tunisie, entre opportunités et dangers
Amy Hawthorne, un des rédacteurs de ce document, a déclaré : « Ce n’est pas en donnant plus d’argent qu’on va aider la Tunisie, c’est bien plus complexe que cela ». Elle est d’avis que « la Tunisie doit être d’une plus grande priorité et pour les États-Unis et pour l’Europe ».
Karim Mezran, spécialiste de l’Afrique du nord à l’Atlantic Council et un des auteurs du rapport, a déclaré que « l’économie représente certes un grand problème », mais qu’il y a plus inquiétant encore : « l’affaiblissement de Nidaa Tounes et de tous les partis excepté Ennahdha crée une dangereuse fragilité politique en Tunisie ». Il a ajouté : il faut que « les États-Unis et l’Union Européenne aident les parties pro-démocratiques car il y a beaucoup d’ennemies à la démocratie » en Tunisie.
Le FMI et l’UE n’ont pas les mêmes centres d’intérêt
Andrea Gamba, responsable au Fonds monétaire international (FMI) , a dit pour sa part que « le défi (pour la Tunisie) après la révolution était de changer le modèle économique qui existait avant la révolution ». D’après lui, le soutien du FMI est plus à mettre dans la case « réformes structurelles » que dans celle des « aides macroéconomiques », le contraire de ce que fait l’UE.
Nick Westcott, directeur pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord au sein de la diplomatie européenne, a corroboré ces propos en déclarant que « l’Union Européenne peut aider encore plus la Tunisie dans l’amélioration du climat des affaires mais surtout en matière d’assistance macroéconomique ».
Fran Burwell, vice-présidente de l’Atlantic Council, soutient que l’UE devrait donner à la Tunisie les clés de son marché car « sur le long terme, le marché de la Tunisie c’est l’Europe et non les États-Unis ».
Les USA ont choisi : ce sera l’économie, avant tout
La conférence, qui était axée prioritairement sur le concours économique des États-Unis, a mobilisé une large palette d’intervenants. L’émissaire de l’USAID, Paige Alexander, a affirmé que « d’ici l’année prochaine, l’USAID compte créer 6.500 emplois en Tunisie. Depuis 2012, 14.000 ont été créés. »
L’USAID a deux objectifs, selon elle : « continuer de prioriser la croissance économique et la gouvernance démocratique en Tunisie ».
L’UE a choisi : ce sera la sécurité, avant tout
Nick Westcott, directeur pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord au sein de la diplomatie européenne, n’écarte pas l’urgence d’aider la Tunisie à relancer sa croissance économique, mais « l’Union Européenne va surtout aider la Tunisie à faire face à ses défis sécuritaires ». Il a ajouté que « l’Union Européenne peut en faire plus avec les États-Unis afin d’aider le gouvernement tunisien en matière de contreterrorisme » et « qu’il y a beaucoup à faire entre l’U.E. et les États-Unis pour aider la Tunisie dans sa lutte antiterroriste ».
L’autre volet de la coopération avec la Tunisie doit être, d’après lui, l’immigration. « Parmi les domaines où l’Union Européenne et la Tunisie doivent s’entraider, c’est en matière de réfugiés, qui est un grand défi pour l’Union Européenne », a-t-il déclaré.
En échange, l' »Union Européenne va coopérer avec la Tunisie en vue de parvenir à un accord permettant l’immigration légale (des Tunisiens) vers les pays européens ».
Pour M. Westcott, « l’Union Européenne est redevable vis à vis de la Tunisie, et la Tunisie est redevable vis à vis de la Tunisie ». C’est pourquoi l’Union Européenne a accordé depuis 2011 « près de 3 milliards d’euros, dont près d’un milliard en subvention ».