AccueilLa UNEEnnahdha change mais ne convainc pas

Ennahdha change mais ne convainc pas

Les propos de Houcine Jaziri et de Ahmed Gâaloul qui représentaient Ennahdha au plateau de Hannibal TV, dans la soirée de jeudi, ont surpris plusieurs téléspectateurs .C’est vrai que leurs interventions étaient décalées par rapport à la logique du débat qui a porté sur les ratés de l’exécutif et des institutions judiciaire et sécuritaire dans le traitement de l’assassinat de Chokri Belaid , préférant pratiquement s’y soustraire .Ils n’en ont pas moins saisi l’occasion pour passer un message fort à l’opinion publique tunisienne : Ennahdha est pour un consensus national auquel tout le monde doit être associé .Les deux nahdhaouis sont allés même jusqu’à dire que leur parti qui tient à ce que les élections aient lieu dans les brefs délais , est prêt à différer le scrutin pour donner plus de temps au dialogue et aux consultations , afin que le consensus soit mis en œuvre .Ils ont souligné que même si leur parti ne recueillait qu’un pourcentage réduit de voix lors des prochains scrutins , ils prendraient ce résultat comme un nouveau départ pour se réorganiser et s’accommoder des nouvelles réalités du pays .

En fait , cette position reprend celle de Lotfi Zitoun annoncée et défendue sur l’antenne d’une radio privée, ces derniers jours , et a l’air de s’inspirer des déclarations de Rached Ghannouchi à plusieurs médias européens (Radio Monte Carlo (RMC) diffusée, mardi 31 décembre 2013 , le Temps suisse , et le Nouvel Observateur , français du mardi 14 janvier 2014 ), et peut-être refléter des débats internes au sein du parti islamiste sur les exigences imposées par les contraintes et les contrariétés de l’étape actuelle .

Le mouvement Ennahdha était confronté, depuis début 2013, à une situation qui lui dictait de faire des concessions douloureuses, et il a fini par les faire en adhérant au Dialogue National et souscrivant à ses recommandations qui portaient sur la démission du gouvernement de la troïka et la révision du texte de la constitution pour qu’il soit consensuel. Mais le problème est que ces concessions ont été faites dans la précipitation et la panique surtout après deux assassinats politiques , ceux de Chokri Balaid (le 6 février 2013 et de Mohammed Brahmi, le 25 juillet 2013) , et mis à nu des dissensions internes , ce qui a donné la preuve que ces nouvelles positions n’ont pas été le fruit d’un mûrissement collectif ou d’une évolution assumée dans la pensée et les convictions politiques au sein du parti islamiste .

La direction islamiste a accusé un coup stratégique en août 2013, nécessitant une relecture des dogmes et postulats sur lesquels repose son approche politique en rapport avec la réalité du pays qu’elle vient de découvrir. Elle a privilégié l’aspect politique et mis en avant la manœuvre tacticienne, en présentant les concessions faites comme un sacrifice fait pour le pays et le processus démocratique. Prise au piège de cet habillage, la hiérarchie islamiste qui est presque contestée par ses bases, se voit chaleureusement saluée par les chancelleries et les médias internationaux. L’opinion publique nationale, elle, reste médusée en mesurant le chemin parcouru par l’islamisme en Tunisie en quelques mois. Déjà, au début de l’été 2013, d’illustres dirigeants islamistes traitaient leurs adversaires libéraux, de gauche ou syndicalistes de blessés des dernières élections, d’epsilons politiques (zéro virgule…), de comploteurs et vendus aux puissances étrangères. Ces mêmes dirigeants fermaient pratiquement les yeux sur le trafic d’armes qui prolifère aux quatre coins du pays , sur les réseaux de recrutement des djihadistes pour la Syrie , le Nord Mali et pour les réseaux à l’échelle nationale . Ils constataient sans broncher le pays se transformer en un foyer du terrorisme, et cautionnaient la violence des Ligues de la Protection de la Révolution (LPR) contre les adversaires politiques communs, refusant de les dissoudre.

Bref , ces convictions sans nuances exprimées par des positions tranchées avaient caractérisé le comportement des islamistes jusqu’à tout dernièrement , et les observateurs se sont demandés comment les dirigeants d’Ennahdha sont-ils parvenus à changer et migrer en si peu de temps vers des attitudes modérées , conciliantes , tolérantes ouvertes du moment que le chemin parcouru d’un bout à l’autre de ces attitudes se calcule à l’échelle individuelle par des années entières , à l’échelle des organisations politiques et sociales par des dizaines d’année et à l’échelle des sociétés par des décennies et même par des siècles .

Nous ne pouvons qu’être heureux de cette évolution même annoncée du bout des lèvres, mais Rached Ghannouchi et les siens doivent nous convaincre de leur cheminement, et nous sommes d’avance prêts à les croire.

Aboussaoud Hmidi

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