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Israël : Le calvaire des patrons de l’armée qui osent dénoncer les dérives sécuritaires

En Israël, depuis que l’intransigeant Benjamin Netanyahou est au pouvoir, il est très difficile, et même risqué, d’aller à contre-courant de la politique du gouvernement. Et c’est encore plus vrai pour les généraux de l’armée qui osent critiquer les orientations du pays : Ils se mettent à dos et les autorités et l’opinion publique. Hier dimanche 08 mai, Netanyahou a déclaré devant la presse à l’entame de la réunion hebdomadaire de son cabinet : « La comparaison faite par le chef d’état-major adjoint, le général Yaïr Golan, au sujet des processus en cours en Allemagne nazie, il y a 80 ans, est scandaleuse, sans fondement. Je la trouve inacceptable. Surtout à la date où elle a été prononcée […]. C’est un officier exceptionnel, mais ses remarques sont erronées et inacceptables. »
La ministre de la Culture, Miri Regev, a en rajouté une couche en demandant la tête du général.

Ce qui a mis le feu aux poudres ce sont les propos tenus par le général Golan à l’occasion de la journée commémorative de la Shoah, jeudi dernier : « Une chose m’effraie. C’est de relever les processus nauséabonds qui se sont déroulés en Europe en général et plus particulièrement en Allemagne, il y a 70, 80 et 90 ans. Et de voir des signes de cela parmi nous en cette année 2016. La Shoah doit inciter à une réflexion fondamentale sur la façon dont on traite ici et maintenant l’étranger, l’orphelin et la veuve. » Le haut responsable militaire, droit dans ses bottes, a ajouté : « Il n’y a rien de plus simple que de haïr l’étranger, rien de plus simple que de susciter les peurs et d’intimider… ».

L’extrême droite ne fait aucun cadeau à l’armée

Comme on pouvait s’y attendre, la droite nationaliste, qui est en fait la cible du général, a de suite vu rouge et a envoyé ses francs tireurs. Le ministre de la Science, Ofir Akunis, a dit du général qu’il porte « atteinte à la communication israélienne partout dans le monde. Il doit s’excuser et se rétracter ». Même tonalité du côté de Naftali Bennett, ministre de l’Éducation et chef de file du Foyer Juif, le parti des colons. Netanyahu a embrayé presqu’aussitôt en demandant au ministre de la Défense, Moshe Yaalon, d’exiger de Yaïr Golan des explications. Le général s’est exécuté en ces termes : « Je n’avais absolument pas l’intention de comparer Tsahal à la Wehrmacht ni Israël à l’Allemagne nazie ». Mais rien n’y a fait, l’extrême droite s’est lâchée de plus belle sur l’état-major à travers les réseaux sociaux. Un site francophone s’est même laissé aller à cette attaque très violente : « La puanteur de l’extrême gauche atteint les hauts gradés de Tsahal. ».

L’assaut de la droite contre les hautes cadres de l’armée a commencé en février dernier. Le chef d’état-major, le général Eizenkot, avait eu le tort, selon ses détracteurs, de dire ceci à des lycéens : « Nous ne pouvons pas agir selon des slogans du type : Si quelqu’un vient pour vous tuer, tuez-le d’abord. Je ne veux pas qu’un soldat vide un chargeur sur une fille de treize ans qui le menace avec des ciseaux ». De nombreux élus du Parlement israélien et des ministres avaient vigoureusement condamné le discours d’Eizenkot, en le qualifiant de véritable « hérésie ». Ils avaient pris le contrepied du général en déclarant : « Un militaire menacé, disaient certains, doit pouvoir tirer sans hésiter sur son agresseur. »

La tension est montée d’un cran avec l’affaire du soldat de Hébron qui avait exécuté le 24 mars 2016 un agresseur palestinien à terre, atteint par balle après avoir blessé au couteau un soldat. L’arrestation du soldat et son jugement par une cour martiale avait provoqué la colère d’une grande majorité de l’opinion publique israélienne.

Les spécialistes pointent du doigt une dérive sociétale

Le professeur Yagil Levy, un spécialiste de la sociologie politique, pense que le chef d’état-major et son adjoint ont pris la décision de combattre la logique guerrière qui se propage dans l’armée, et « qui fait que les règles sur l’ouverture du feu ne sont pas observées ; qu’il y a des phénomènes de refus, voire d’insubordination chez certains soldats. On constate des manifestations de racisme sur les réseaux sociaux auxquelles les soldats participent. Enfin, il y a ces critiques contre l’armée qui s’expriment à l’intérieur même de ses rangs. Cela se passe surtout dans les unités qui opèrent en Cisjordanie où elles se frottent aux colons et où l’on observe un nationalisme particulièrement fort. Tout cela inquiète donc le haut commandement. » Pour l’universitaire, c’est moins l’armée qui est en cause que la société, gagnée par une hystérie sécuritaire justifiant toutes les dérives.

Pour Or Heller, un expert des questions militaires officiant sur la chaîne israélienne 10, « le fossé se creuse de plus en plus entre le public et le haut commandement de l’armée. Jusqu’ici, Tsahal était l’institution la plus populaire dans le pays. Aujourd’hui, le risque est le suivant : que les soldats obéissent à une autre autorité que celle des chefs militaires… Celle provenant de sites web, de réseaux sociaux ou d’hommes politiques. »

Le ministre de la Défense, qui soutient ses généraux contre vents et marées, considère que le péril qui ferait de Tsahal une milice guette.

Ce qui est sûr que la société israélienne est embarquée dans un débat qui n’en est qu’à ses débuts. Pas plus tard que ce matin du lundi 09 mais, l’éditorialiste du quotidien de gauche Haaretz a écrit : « Lorsqu’un général ne chante pas au rythme de la propagande gouvernementale, il est suspecté d’être une taupe et constitue une cible à éliminer. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou n’hésite pas à se débarrasser de ce qui lui reste de sa stature d’homme d’État pour porter le coup de grâce au chef d’état-major adjoint. »

Rachel Golan, la mère du général, a mis son grain de sel dans cette agitation et a défendu bec et ongles son fils. Elle dit à qui veut l’entendre que son mari, le papa de Yaïr, est un juif allemand qui a survécu au traitement musclé de la Gestapo. « Alors on ne peut pas l’accuser de porter atteinte à la Shoah, comme l’affirme le Premier ministre. » La maman, visiblement très remontée, a endossé toutes les déclarations de son fils. Et les observateurs de rappeler que cette polémique tombe au plus mauvais moment, en effet dans deux jours l’Etat hébreu va célébrer la Journée du souvenir pour les militaires et civils morts dans les conflits d’Israël.

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