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Kamel Nabli, entre son rôle de «psy » et les attentes de «médicaments de cheval».

Les sorties média du gouverneur de la BCT sont rares, tant Mustapha Kamel Nabli tient à son rôle de régulateur et de contrôleur du secteur bancaire tunisien, refusant plus d’une fois d’interférer dans la gestion directe des banques tunisiennes. Sa présence, jeudi 5 mai 2011 à une rencontre avec les hommes d’affaires, organisée par l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE), était aussi l’une des rares fois où on l’entendait franchement optimiste à propos des développements de la situation économique de la Tunisie.

Froidement, le «gouverneur-nouvelle vision » de la BCT, avait dépeint une situation réaliste de l’économie tunisienne, après 4 mois d’une Révolution qui n’en finit pas au point de lasser : une production industrielle en baisse de 12 %, un secteur touristique en chute de 45 %, des revenus du travail qui régressent de 12,5 % et des dépôts chez les banques qui  baissent aussi  limitant les ressources. «La situation est difficile en termes de croissance, d’emplois et d’équilibres macroéconomiques », note-t-il. Il conclut  cependant sur  plus d’un élément positif qu’il égrène même avec le sourire. « Croissance de 11 % des exportations, relance de la consommation des ménages, visible notamment à travers la reprise de l’importation des biens de consommation et le retour des crédits à la consommation chez les banques, début de retour de confiance dans les IDE et prémices d’une bonne année agricole » dénombre-t-il avant d’annoncer la bonne nouvelle d’un «début de retournement de la conjoncture à partir d’avril».

Tout au long de son discours, attentivement [suivi, il faut le dire, par le grand nombre d’hommes d’affaires présents qui l’ont même gratifié d’un applaudissement nourri], le gouverneur de la BCT qui croyait avoir été entendu et compris lorsqu’il avait plus d’une fois souligné sa détermination à ne pas dépasser son rôle de régulateur et de contrôleur en tant que Gouverneur de la BCT, a donné la nette impression d’un Psy qui essayait d’expliquer les tenants et les aboutissants de la situation économique et surtout les raisons de son espérance, pour la communiquer aux  hommes d’affaires et aux entreprises malades de ce qui leur arrive. Il analysera ainsi les facteurs directs ou initiaux et les facteurs indirects et amplificateurs de ce qui s’est passé, économiquement s’entend, en Tunisie. Il donnera ensuite même «l’ordonnance «éco-médicale», pour consolider ce qui a été réalisé et se relever  de la crise. Il en oubliera même, à dessein ou non moins certainement mû par son optimisme, de commenter la hausse de 11 % des exportations, que plus d’un renvoie à un effet de simple retard dans des exportations qui devaient être faites depuis le début de l’année. Il mettra au pilori l’attentisme, et des entreprises pour investir et rebondir et des banques pour financer et lâcher le lest nécessaire.

Chronique d’un dialogue de sourds.

Mustapha Kamel Nabli  se livrera aussi, à l’occasion,  à une prêche de confiance et de prise de risque avant d’attirer l’attention de son auditoire en disant que «si on continue à avoir tous peur, on va tous perdre » et de reprendre de nouveau ses habits de psy en disant clairement que « il faut jouer sur la psychologie et l’anticipation. N’ayez pas peur du futur, essayez plutôt de le créer», se hasardant même à rêver d’un taux de croissance de 4 %, s’il était entendu.

Le seul bémol de cette intervention du gouverneur de la BCT sous forme d’un essai de thérapie de groupe était la différence flagrante entre son discours et celui développé dans  les différentes interventions des hommes d’affaires présents. La différence entre le discours d’un psy qui essaie de disséquer le mal pour en donner les clés de guérison et celui d’un malade, désemparé et pressé qu’on lui donne le « médicament de cheval » capable de le guérir, maintenant et sans plus tarder. Les hommes d’affaires présents étaient, nous semblait-il, plutôt habitué à un gouverneur de la BCT d’avant le 14 janvier, celui qui détenait toutes les clés du système bancaire, décisionnaire, car faisant presque partie du gouvernement et auprès de qui ils peuvent déposer plaintes et doléances, avec l’espoir qu’il leur en trouvera la solution.

Tarak Ben Aissa trouvera ainsi le Gouverneur de la BCT «trop optimiste», Hatem Denguezli dira qu’il trouve « la BCT trop administrée » en évoquant ses difficultés à trouver un interlocuteur pour transférer 30 mille DT pour ouvrir une entreprise à l’extérieur du pays. Hichem Elloumi sera fidèle au langage de l’Utica made avant 14 janvier en assurant à qui voudrait l’entendre que «nous serons au RDV de l’investissement et de l’emploi et nous travaillons sur des objectifs de …8% de croissance ». Un autre se plaindra à Mustapha Kamel Nabli de Jalloul Ayed, ministre des Finances « qui tarde à débloquer les fonds aux entreprises sinistrées » et se plaindra du rôle des « banques qui ne veulent pas prendre de risque ». Noureddine Turki demandera une baisse du TMM, alors qu’Omar Materi essayait vainement de remettre son projet de «crédit bureau » au goût du jour.

Placide et imperturbable dans son rôle de régulateur du marché financier qui veut rester au-dessus de la mêlée, le gouverneur de la BCT renvoie, sans le dire, tout le monde dos à dos en indiquant à propos des banques que « ce n’est pas en leur donnant des directives qu’elles vont travailler », refuse la baisse du TMM et se remet à faire le psy en disant que «je crains que tout le monde tombe dans l’attentisme ».

Abdelaziz Darghouth essaiera quand même de revenir à la charge en plaidant pour «des banques patriotiques qui participent à la reprise de l’économie», une notion que le gouverneur de la BCT dit clairement ne pas comprendre et même «intrigué par cette notion de banque patriotique. On est tous patriotes et on est tous acteurs économique ». La fin de non-recevoir pour un système bancaire partenaire, dans le bon et le moins bon, est ainsi opposée.

Le temps passera ainsi, à longueur des presque deux heures qu’aura duré ce dialogue de sourds entre hommes d’affaires cherchant désespérément solutions urgentes à leurs problèmes urgents et un gouverneur de banque centrale nouvelle génération, qui ne pouvait faire que le psy pour essayer de déclencher le déclic de la reprise dans l’esprit d’une cohorte d’homme d’affaires n’ayant pas  visiblement encore assimilé le nouveau rôle de la banque centrale dans l’économie de l’après 14 janvier.

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