AccueilChiffreLe consensus contre le terrorisme est-il irréversible ?

Le consensus contre le terrorisme est-il irréversible ?

La Tunisie postrévolutionnaire a mis du temps pour découvrir le vrai visage du terrorisme. Le 18 mai 2011, au moment où les salafistes défilaient à l’Avenue Habib Bourguiba dans la capitale faisant leurs prêches « pacifiques » , un groupe se réclamant de leur doctrine s’attaque à des militaires à Errouhia ,tuant le lieutenant-colonel Tahar Ayari et le caporal-chef Walid Hajji et blessant gravement le sergent Sghaier Mbarki . Et dans une atmosphère semblable, un autre groupe mène, début février 2012, un affrontement avec l’armée et les forces de l’ordre à Bir Ali Ben Khélifa, provoquant la blessure de soldats et des membres des forces de sécurité. La fin de l’année 2012 donnera lieu à des démonstrations de force beaucoup plus graves, après la découverte de cellules structurées dans la Kroumirie à Fernana, sur les hauteurs de la région du Kef et à Salloum, Sammama et puis Chaâmbi à Kasserine. La mort de l’adjudant de la Garde nationale Anis Jlassi à Bouchebka, en décembre 2012, et la sanglante confrontation avec le djihadiste Ridha Sebtaoui, le 30 décembre 2012, qui s’est soldée par la mort de la femme de ce dernier, qui n’était en fait que le chef de la branche armée de l’organisation Ansar Chariâa, ont mis en évidence les plans que les terroristes projettent de mettre à exécution . Les semaines suivantes nous mettent en face de l’assassinat de Chokri Belaid , de l’irruption des évènements de Chaâmbi et de l’assassinat de Mohammed Brahmi .Et tout le monde connaît la suite à Goubellatt , Sidi Ali Ben Aoun , Raoued , El Ouardia , Kébili , Akouda et Sousse .Et puis on assiste, depuis le 21 mars dernier, au kidnapping de deux de nos diplomates en Libye , de la part de groupes terroristes libyens , pour réclamer apparemment la libération de deux détenus dans des affaires de terrorisme en Tunisie .

Mais l’essentiel, ce n’est pas tant les évènements que leur perception par les politiciens, la société civile et l’opinion publique tunisienne. Les faits montrent que les djihadistes avaient, au début de la Révolution, le statut de militants : ils ont bénéficié de l’amnistie générale et ont été réintégrés dans leurs anciennes fonctions au secteur public et à l’enseignement. Mais lorsque les premiers affrontements avec l’armée et les forces de sécurité ont eu lieu, et des armes sont saisies en grandes quantités chez eux, ils ont commencé à dire que la Tunisie est une terre de prêche et non de djihad, faisant toutefois assortir leur slogan d’une condition : « tant que le pouvoir est entre les mains d’un gouvernement islamiste ».

L’opinion publique n’a réalisé les dangers que font peser ces djihadistes sur le pays qu’après les événements de l’ambassade américaine en septembre 2012, mais la classe politique, islamistes compris, ne s’est démarquée en masse de cette mouvance qu’après les deux assassinats politiques de Chokri Belaid et de Mohammed Brahmi. Evidemment, il y a des voix qui étaient gênées de cette évolution qui a abouti à l’isolement de ceux qui prônaient la violence et le terrorisme comme moyen pour imposer des convictions politiques et religieuses. Et on entend jusqu’à aujourd’hui des politiciens parler des Ansars Chariâa comme d’une mouvance militante, faisant partie des forces de la révolution, et attribuer les crimes dont ils sont accusés aux hommes de l’ancien ou aux forces occultes de ce qu’ils appellent l’Etat profond. D’autres , moins sérieuses , il faut le reconnaître , tiennent un discours insidieux , imputant les dégâts des opérations terroristes aux maladresses des forces de sécurité : « Que font-ils dans ces lieux à une heure tardive », disent-ils des victimes des embuscades et des faux barrages parmi les forces de sécurité .Mais ces voix demeurent marginales et ne représentent que des gens et des courants d’idées sans grand impact sur la scène politique .

La grande évolution qui a fini par isoler les terroristes est salutaire, car elle illustre le consensus national pour combattre efficacement ce dangereux phénomène. Elle n’en demeure pas moins incomplète, étant le plus souvent chahutée par de faux débats sur d’autres thèmes, comme celui des verdicts de la cour d’appel militaire dans l’affaires des martyrs et des blessés de la Révolution, ce qui risque de mettre en danger le consensus acquis au prix d’énormes sacrifices.

Aboussaoud Hmidi

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