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Le terrorisme a-t-il un avenir en Tunisie ?

Les derniers sondages ont révélé, depuis des mois, que les Tunisiens donnent la priorité à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme .C’est vrai que cette priorité est tombée entre novembre 2013 et février 2014 de 49% à 37.6%, mais son importance demeure élevée pour les citoyens interrogés.

Les coups portés au terrorisme ces dernières semaines , la formation du nouveau gouvernement fin janvier dernier et le climat positif qui en a résulté , seraient peut-être à l’origine de ce nouvel état de choses .

Mais ce sentiment général exige, pour être confirmé, que le phénomène du terrorisme tant redouté soit présenté aux Tunisiens de manière quantifiée et la tendance de son évolution bien exposée et argumentée.

Or, sur ce plan, les données quantitatives manquent cruellement. Le nombre des terroristes dans le pays est avancé de manière approximative. On a parlé d’un nombre allant de 5.000 à 10.000 djihadistes. Et les dernières estimations évoquent 2.500 éléments, les autres étant soit arrêtés soit en fuite en Libye et en Syrie, soit carrément démobilisés . On parle de plusieurs cellules qui se seraient sabordées et auto-dissoutes, depuis le classement des Ansars Chariâa comme organisation terroriste . Le nombre des djihadistes retranchés à Chaâmbi , Sammama et dans les hauteurs de l’Ouest serait de quelques dizaines (ceux de Chaâmbi seraient 30 djihadistes dont la majorité sont des Algériens ), et les autorités affirment que leur nombre et leurs noms sont connus . Mais les chiffres se rapportant aux cellules dormantes et à leurs lieux d’implantation ne sont pas connus de manière précise.

Les renforts qui devraient être mobilisés, le jour venu , pour appuyer les groupes présents sur le terrain , et qui devraient venir de Libye de Syrie, d’Irak , du Nord Mali et accessoirement des zones qui échappent au contrôle des autorités algériennes à l’Est du pays , ne sont pas connus de manière précise . On n’a pas non plus une idée claire sur la qualité de leur entrainement, ni les facilités de leurs déplacements.

L’aspect quantitatif présente beaucoup de lacunes, et l’opinion publique n’est pas édifiée de manière systématique sur les avancées des investigations et les exploits réalisés en la matière, pour être rassurée et associée aux efforts de la lutte contre le terrorisme.

Le deuxième volet de ce dossier a trait à la tendance que prend la lutte contre ce phénomène, et corollairement les performances des groupes terroristes. Ces groupes sont-ils en progression ou en déclin ? Quelle serait la signification des derniers coups assénés aux cellules terroristes surtout à Raouad et Borj Louzir ? Annoncent-ils la fin de la montée ou carrément la mort du terrorisme, en Tunisie, ou constituent-ils une simple égratignure dans le corps des groupes terroristes ?

Ces questions exigent des réponses circonstanciées de la part des autorités , mais également des observateurs et des analystes , et l’opinion publique doit être au fait des évolutions de ce combat parce que le sentiment de sécurité du citoyen et l’orientation générale de la situation du pays en dépendent .

La question fondamentale à laquelle il faut apporter une réponse claire est la suivante : quels sont les objectifs des terroristes, et quels moyens mettent-ils en œuvre pour réaliser ces objectifs et quel échéancier suivent-ils dans leur entreprise. Et à l’opposé, que savent les autorités de ces plans (objectifs, moyens et timing) et comment elles y répondent.

D’abord, il faut rappeler que les groupes terroristes, qui sont au moins au nombre de trois (Ansar Chariâa, Brigades Okba Ibn Nafiî et les Signataires par la Mort) , n’ont jamais revendiqué jusque- là et depuis l’attaque de l’ambassade américaine aucune opération ou attentat . Et cette donnée ajoute au flou qui caractérise le travail clandestin auquel ils se conforment. Il n’en demeure pas moins qu’ ils ont affirmé à plusieurs reprises , et cela a été repris par des dirigeants d’Ennahdha, que la Tunisie est une terre de prêche , et non de djihad , et expliquent l’armement saisi par le fait que le pays est simplement une terre de transit .

Les objectifs des djihadistes ne sont pas annoncés par eux-mêmes mais par les Autorités. Ils projettent d’abolir l’Etat tunisien et constituer à sa place 3 émirats (Nord, Centre et Sud) selon l’actuel ministre de l’Intérieur , donnée révélée, le 24 juin 2013 par le Général Rachid Ammar, ancien Chef d’état -Major des trois armées sur la chaine Attounissia TV , au moment de son départ , et déjà, Ali Laârayedh entrevoyait, dans une interview au journal Le Monde en date du 21 mars 2012, un risque que les affrontements avec les djihadistes (après les évènements de Bir Ali Ben Khlifa ) devraient déboucher sur des guerres , estimant qu’ils constituaient le plus grand danger pour la Tunisie et qu’il se voyait obligé de mener contre eux une grande bataille.

Et évoquant, dans la même interview, les appels lancés aux djihadistes pour qu’ils rendent les armes qu’ils ont volées des postes de police pendant la Révolution du 14 janvier 2011 , il a affirmé avec assurance : « Nous savons qu’ils ne les rendront pas. Nous allons vers un affrontement, c’est presque inévitable ».

Evidemment , aucun des deux protagonistes (les autorités et les djihadistes ) n’a annoncé sa stratégie ni ses capacités de combat , mais trois éléments montrent que les groupes terroristes sont aux abois .D’abord , leur redéploiement improvisé , après l’encerclement des hauteurs de l’Ouest du pays , dans des régions qui ne présentent aucune garantie de sécurité (Goubellatt , Sidi Bouzid , Sidi Ali Ben Aoun,) , sachant que ces régions constituent un maillon intermédiaire dans la chaîne de leur présence sur le terrain. Ensuite , l’enrôlement de jeunes recrues sans expérience pour des opérations qualitatives (Attentats programmés à Sousse et Monastir le 30 octobre 2013 ), ce qui prouve qu’ils sont en manque de cadres aguerris et expérimentés pour ce genre d’opérations ; puis l’état physique et psychologique des terroristes arrêtés, soit aux alentours des hauteurs de l’Ouest du pays , soit dans leurs zones de repli ou les plateformes qui devaient leur assurer le soutien logistique . Et les investigations montrent que l’appui qu’ils sont en train de recevoir relève de la solidarité familiale et de la complicité entre jeunes de quartiers plus que d’un réseau de professionnels rompus à la lutte clandestine.

Toutes ces données indiquent que ces groupes qui se préparaient à gouverner le pays sont de véritables amateurs qui ne savent pas de quoi est fait le travail politique clandestin et encore moins la lutte armée contre un Etat moderne et efficace, malgré son affaiblissement depuis la Révolution. Mais la question qui se pose avec acuité à ce niveau de l’analyse est la suivante : est-ce que ces groupes terroristes sont-t-ils entrés dans cette bataille de leur propre gré ou ont-ils été poussés dans cette pente de manière délibérée et calculée ? Dans ce cas, il est légitime de se poser une autre question : qui a été derrière ce choix et quel est son véritable intérêt ?

Mais quelles que soient les réponses apportées à ces questions, il n’est pas difficile de déduire que le terrorisme en Tunisie n’a pas d’avenir.

Aboussaoud Hmidi

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