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Moez Labidi à Africanmanager : « La Tunisie risque de ne pas rembourser ses crédits qatari, japonais et américain

En marge des Journées de l’Entreprise qui ont eu lieu, les 6 et 7 décembre, à Sousse, Moez Labidi, expert économique et financier a accordé à Africanmanager une interview exclusive dans laquelle il a noté que la reprise économique tardera encore à venir tant que la crise politique n’est pas résolue. Il a évoqué, en outre, la difficulté pour la Tunisie d’accéder au marché externe, et d’honorer ses engagements à rembourser ses dettes.

Comment jugez-vous la situation économique et financière actuelle du pays ?

La situation, aujourd’hui, est très délicate. Il y avait pas mal de contraintes qui pèsent sur l’économie nationale menant jusqu’à l’impasse politique qui est derrière le blocage des réformes, et l’impasse financière que vit la Tunisie depuis la Révolution.

L’impasse financière est ressentie sur le cycle de dégradation de la note de la Tunisie, l’hésitation du FMI à débloquer la deuxième tranche de crédit, ou encore la réticence de la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) à nous accorder des crédits. Si on va rater l’année 2014, il y a de fortes chances que la sortie de l’impasse politique sera encore retardée, puisque l’année 2014 serait une année électorale. Le problème qui se pose, c’est que si on n’arrive pas à faire remettre au plus vite le pays sur le chemin de la reprise, on risque de ne pas être prêt pour le remboursement de 2O16 et 2017. A rappeler que la Tunisie doit rembourser, en 2016, et, 2017, les emprunts qatari, japonais et américain.

Que signifie la chute du dinar par rapport à l’Euro et au dollar ?

La chute du dinar se comprend à partir des pressions sur la balance des paiements où déficit courant ne cesse de se creuser. Plus les importations augmentent à un rythme plus fort que celui des exportations, plus on a besoin de devise. Autrement dit, il y a un effet de tarissement des réserves de change. C’est vrai que, ces derniers temps, ces réserves ont été dopées par la Banque centrale de Tunisie (BCT) à travers le dépôt qatari, mais cela risque de durer si les choses ne s’améliorent pas.

La pression sur les réserves de change s’exerce sur le cours du dinar et la banque centrale, dans ce cas, est devant un dilemme : soit elle défend le dinar et achète le dinar sur le marché des devises pour stabiliser le taux de change, mais le problème, c’est qu’elle risque de perdre des réserves, soit elle refuse de défendre le dinar et, dans ce cas, on aura une forte dépréciation.

Quel effet sur l’économie nationale ?

Cette dépréciation a un impact direct sur l’inflation à travers ce qu’on appelle l’inflation importée. La dépréciation du dinar aura aussi un impact sur le service de la dette de la Tunisie par rapport à la devise étrangère. Ainsi, la dépréciation de la monnaie n’attire pas les investisseurs étrangers. Certains disent que la dépréciation du dinar peut booster l’exportation, puisque les produits nationaux seront plus compétitifs, or ce raisonnement n’est pas très valable, aujourd’hui, parce que les exportations ne sont pas très dynamiques et, donc, ce raisonnement de baisser le dinar pour doper les exportations ne peut pas être valable dans ce contexte.

Selon vous, la Tunisie pourra-telle rompre avec les dégradations successives de sa note par les agences de notation internationales ?

Malheureusement, la Tunisie s’enfonce de plus en plus dans la catégorie spéculative, et tant que les choses ne s’améliorent pas surtout sur le plan politique, je pense que la dégradation est irréversible pour le moment. Il faut une réponse politique pour stopper la dégradation, rompre avec le rythme de dégradations et donner une réponse économique pour inverser la chute.

A cause de cette dégradation, non seulement on ne va pas sortir sur le marché international pour emprunter mais aussi notre pouvoir de négociation avec les bailleurs de fonds étrangers ou bilatéraux va être affaibli. Bien encore, les garanties vont devenir plus rares avec cette dégradation. Au niveau de la balance des paiements, la dégradation va beaucoup peser puisqu’on paye nos réserves en devises.

La Tunisie peut-t-elle accéder facilement aux financements externes ?

Je pense que les choses vont devenir très difficiles, et tant que les choses ne s’ améliorent pas au niveau de la politique, la Tunisie va miser sur le bilatéral c.à.d. sur les pays voisins et les partenaires du Golfe pour boucler le budget. Malgré tout cela, cette démarche reste insuffisante compte tenu du montant que la Tunisie souhaite prélever pour les deux prochaines années dont 5,5 milliards de dinars sur le marché externe et 2,5 milliards de dinars sur le marché local.

Pour l’emprunt interne, il n’est sûr de le réussir facilement à cause de l’insuffisance de la liquidité sur le marché.

Peut-t-on parler d’une reprise économique pour les deux prochaines années ?

Tout dépend du consensus politique. Il ya deux scénarios, soit le consensus est solide et on peut faire les réformes et, dans ce cas, on va sortir de la crise, soit le consensus est fragile et donc il n’y aura pas de réformes et on reste dans une situation de fragilité économique.

Le projet de la loi des finances 2014 va-t-il répondre vraiment aux besoins du pays ?

Le problème tient toujours aux hypothèses à mettre en place en matière de financement. Nous avons toujours une équation financière qu’on doit réussir pour mobiliser les capitaux nécessaires. Le citoyen accepte une dose d’austérité lorsqu’il voit que la facture d’austérité passe, en premier lieu, par la classe politique qui doit donner l’exemple.

Etes-vous avec les nouvelles taxes imposées sur les voitures particulières ?

Je vois qu’il faut taxer les voitures au delà de 5 chevaux. Celles ayant une puissance de 4 à 5 chevaux restent toujours dans la classe moyenne. Si le rationnement de dépenses est partagé par tout le monde, il n’y aura pas de problèmes. Mais, dans le cadre du projet de la loi des finances pour l’année 2014, ou on voit plus de sacrifices sur la classe moyenne.

Khadija Taboubi

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