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Pourquoi en est-on arrivé là ?

Au tout début, on parlait de clivages politiques qui n’intéressaient que les élites, puis on est passé au vocable « polarisation » qui mobilisait de larges masses. Maintenant, on est en train d’assister à des affrontements qui trouvent des partisans bien décidés à aller loin.

La question que se posent les observateurs est très simple : comment en est-on arrivé là ?

En fait ,l’agenda du parti islamiste tunisien comportait deux aspects :primo ,transformer la société tunisienne et l’amener, au plus vite, à quitter son socle moderniste pour une société moyen-orientale où Ennahdha pourrait voir se réaliser son rêve de battre en brèche le projet de société Bourguibien qualifié par Rached Ghannouchi de pro-occidental . Secundo, empêcher toute alternance politique à brève et moyenne échéance de peur que cela ne retarde la réalisation de l’agenda islamiste en Tunisie .

L’échiquier politique tunisien, somme toute, mouvant et instable, doit être orienté pour servir ce double objectif. Pour que cela tienne, il faut une dose de violence et d’intimidation afin d’empêcher les Tunisiens à se dissocier du projet nahdhaoui même après les déboires du Gouvernement Jbali .

La violence doit être savamment orientée. Celle des Salafistes est destinée au petit peuple des cités populaires et des régions défavorisées où ils peuvent diffuser en catimini ou parfois à ciel ouvert, un islam rigoriste, avec des manières peu » pédagogiques ». Qu’à cela ne tienne, car le produit peut être récupéré et toiletté, par la suite, via des gens plus « modérés « .L’essentiel, c’est d’installer un islam en lieu et place du projet de société laïque.

Le second type de violence est confié aux Ligues de protection de la Révolution, qui est, lui, destiné aux intellectuels aux partis politiques qui ont « renié  » la Révolution ou sont en train de couvrir les RCDistes .

Le schéma était parfait, et le cycle de violence est bouclé (comme on boucle le schéma de financement d’un projet économique).Et à chacun des opposants à Ennahdha ,et accessoirement à la Troïka ,sa part de violence subie et le partenaire qui va avec .

Seulement ,l’attaque de l’Ambassade américaine, le 14 septembre 2012, a brouillé les cartes ,en neutralisant les Salafistes . C’est donc aux Ligues et à elles seules qu’il appartient d’accomplir la mission . Et c’est trop lourd pour eux . Ainsi s’est-il créé un déséquilibre qui a été à l’origine de tous les dérapages dont la mort tragique de Lotfi Naguedh , de l’attaque du siège de l’UGTT ,et de l’intrusion à l’ANC , pour ne citer que les cas les plus significatifs ..

Beaucoup de politiciens pensent que la situation a déjà commencé à se gâter, le 14 Juin 2012, au moment où les pouvoirs en place ont donné l’acte de naissance et le permis d’agir aux Ligues . Des recoupements indiquent qu’Ettakattol était le plus hésitant parmi les membres de la troïka ,mais, il laissait faire .

Les agissements de ces ligues – surtout à partir du 14 septembre dernier – ont vite éveillé les soupçons des observateurs ,mais l’argumentaire des tenants du pouvoir, généralement sans nuances n’est pas destiné à encadrer les comportements de ces ligues t les dissuader de commettre l’irréparable , mais à « expliquer » la logique de leurs actes , et montrer qu’elles n’ont jamais dépassé la ligne rouge eu égard de la loi et des intérêts de la Révolution .

L’agenda de la création et du déploiement de ces ligues répondait, à l’origine, à l’émergence du parti de Béji Caïd Essebsi, Nida Tounes, en vue de l’étouffer dans l’œuf et de déjouer toute velléité de le soutenir ou de collaborer avec lui ; mais lorsque Ennahdha et le CPR ont réalisé que leur entreprise avait échoué , et que le Nida est devenu incontournable ,ils ont commencé à paniquer et à élargir leurs cibles . Ils s’en sont ainsi pris à toutes les forces démocratiques dont l’UGTT . De ce fait , Ennahdha ,épaulée par un CPR en plaine déconfiture, et délaissée par l’autre allié Ettakattol qui apparemment ne se retrouvait plus dans cette logique suicidaire , n’a plus qu’à aller de l’avant dans ses menées contre tous ceux qui ne cadreraient pas avec sa vision des choses ou critiqueraint son action ,et ils sont légion .

Ces éléments retracent le processus du pourrissement du climat politique post-élections, mais ne parviennent pas à expliquer aux néophytes les objectifs escomptés par Ennahdha par ce processus. En d’autres termes, ils donnent une idée sur le comment mais pas sur le pourquoi.

Le pourquoi, on peut le chercher dans un autre registre, à savoir la conviction formée de façon quasi générale et irréversible en Tunisie , que le rendement d’Ennahdha, depuis le 26 décembre 2011, date de son accès au pouvoir ,est catastrophique sur les plans politique, sécuritaire, économique ; ce qui donne à penser que le prochain rendez-vous électoral va signer la chute politique d’Ennahdha et l’émergence d’autres forces politiques plus rompues à l’exercice du pouvoir et plus soucieuses de préserver le modèle de société et les acquis de la modernité auxquels les Tunisiens s’attachent . A Ennahdha, il ne reste plus qu’à bousculer les données de l’échiquier politique en injectant une dose plus élevée de violence dans la vie publique afin d’intimider les partenaires politiques ,et s’approprier le monopole de la révolution pour faire figure d’unique porte-étendard . Les Ligues de la Révolution sont là pour jouer ce double rôle. Et on les a vues agir sans balises ni garde- fous aux quatre coins du pays . L’affaire Lotfi Nagadh à Tataouine donne une idée sur la logique infernale engagée, et l’impunité dont jouissent ces Ligues qui s’arrogent indûment le droit de parler au nom des Tunisiens et de leur Révolution.

Les violences qui ont éclaté, le 4 décembre 2012 , place Mhammed Ali devant le siège de la centrale syndicale ,l’irruption d’un groupe de ces Ligues dans l’enceinte de la constituante en pleine séance plénière, le même jour ,apparemment en coordination avec des députés Nahdhaouis, et les attaques perpétrées par ces intrus contre des députés de l’opposition ,montrent que ceux qui manipulent ces illuminés sont peu regardants sur les symboles. Seulement, les symboles de la Tunisie post- révolution reflètent le rapport de forces dans le pays : si l’ANC , théoriquement, source de toute légitimité , où Ennahdha a la majorité, a été bafouée sans que son Président, éminent membre de la troïka, ne trouve quoi dire, l’UGTT, forte de sa stature internationale et de son crédit auprès des forces de la Révolution du 14 Janvier 2011, ne peut être agressée impunément par ces Ligues si proches d’Ennahdha. La commission exécutive de l’organisation syndicale en a clairement apporté la démonstration, mercredi après-midi

Aboussaoud Hmidi

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