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Slim Besbès à Africanmanager : «La Troïka est indemne de désastre économique et Ghannouchi et BCE ont encombré la fonction publique»

L’ancien secrétaire d’Etat aux Finances et conseiller auprès du chef du gouvernement, Slim Besbès a accordé à Africanmanager, une interview exclusive dans laquelle il a indiqué que la Troïka dont il a fait partie était indemne de désastre économique et de faillite, expliquant la dégradation des indicateurs économiques et financières du pays par la mauvaise gouvernance héritée de l’ancien régime ainsi que par les dégâts occasionnés par la révolution.

Au sujet de l’encombrement de la fonction publique, Slim Besbès en a imputé la responsabilité aux gouvernements de Mohamed Ghannouchi, un ministre de Ben Ali ainsi qu’à Béji Caïd Essebsi, et ce à travers les recrutements anarchiques qui ont été effectués après la Révolution pour apaiser les tensions sociales et arrêter les mouvements de protestation alors en prolifération. Interview :

La Troïka est accusée d’être à l’origine du désastre économique voire de la faillite du pays. Qu’en pensez-vous?

Tout d’abord, il vaut mieux poser un diagnostic plus exact de la réalité économique et financière de la situation actuelle de notre pays. Sur la base des indicateurs certifiés par de prestigieuses instances internationales, comme le FMI et la Banque Mondiale (voir le dernier rapport du FMI ainsi que le rapport 2013 « Doing business »), la Tunisie post-Troïka ne vivait ni un désastre économique, ni a fortiori, était au bord de la faillite financière. Elle traversait tout simplement des difficultés économiques et financières sérieuses engendrées par l’essoufflement de la gouvernance transitionnelle. En effet, il ne faudrait jamais perdre de vue que la spécificité de la dernière phase de la transition démocratique que nous vivons actuellement sous le Gouvernement Jomaâ, subit les contrecoups économiques et financiers cumulés, tant de l’héritage de la mauvaise gouvernance de l’ancien régime que des dégâts de la révolution, sans oublier ceux imputables à la prorogation du processus transitionnel.

Quant au gouvernement de la Troïka, en sus de son éminent succès, a mené à bien sa mission politique, au point de se sacrifier pour permettre le bon achèvement du processus transitionnel. Il est parvenu, en optant pour une politique budgétaire expansionniste, à sortir le pays de la récession et à le sauver en évitant que cette récession perdure, et ce en dépit des difficultés inhérentes à la transition démocratique (grèves, sit-in, explosion des revendications sociales, terrorisme, assassinats politiques, tiraillements partisans…) d’une part, et, d’autre part, des conditions inappropriées de la conjoncture mondiale (persistance de la crise économique et financière notamment en Europe), et régionale (instabilité en Libye, accroissement du terrorisme transfrontalier).

Justement, la troïka est accusée d’avoir choisi une politique expansionniste alors qu’elle aurait dû opter pour une politique plus austère.

L’enjeu est de mettre en place un programme à court terme qui mène vers la relance économique et la stabilisation sociale, tout en étant à la fois adapté au contexte transitionnel et aux moyens du pays. Ceux qui prônent dogmatiquement l’austérité méconnaissent le contexte exceptionnel de la transition et ignorent les véritables moyens à la disposition de l’Etat.

A cet égard, le gouvernement issu des élections du 23 octobre 2011 s’est mobilisé, au cours des premiers mois de 2012, pour mettre en place un programme économique à court terme pour la période transitoire 2012-2013, axé autour de 3 objectifs, à savoir la paix sociale et la sécurité, le redressement économique et le démarrage des réformes structurelles pour préparer la voie à un nouveau modèle de développement. Ce programme conjoncturel se fonde sur une politique fiscale expansionniste en vue d’assurer, dans une première étape, la reprise économique, la relance par la demande, le développement de l’investissement et, dans une seconde étape, la maîtrise et la rationalisation des dépenses publiques. Cette politique du « Go and Stop » n’a pas de finalité de régler les problèmes structurels hérités et qui ont déclenché la révolution comme le chômage, la pauvreté et le déséquilibre régional mais d’assurer la reprise de l’économie et de la sortir de la récession.

Par ce programme, le gouvernement de la Troïka a réussi à relever le défi et à réaliser la relance de la croissance économique en portant son taux négatif à un taux moyen positif de 3,2% (3,6% en 2012 et 2,6% en 2013) qui a dépassé les prévisions, et ce malgré les grands soubresauts politiques qui ont caractérisé la dernière année. Cette reprise de l’économie s’est accompagnée d’un recul du chômage passé de 18,9%, au cours du dernier trimestre 2011, à 16,7% à la même période de 2012 avec la création de 85000 emplois sans compter les recrutements dans la fonction publique pour reculer ensuite à 15% en 2013. L’investissement étranger a crû de 79, 2%, en 2012, alors qu’il avait diminué de 28, 9%, en 2011, ce qui dénote une indication de l’amélioration du climat des affaires.

Mais certains experts économiques affirment que le choix de cette politique expansionniste a accablé les finances publiques

Si l’on se fiait aux chiffres officiels dégagés des budgets exécutés de 2012 et 2013, vous allez constater que cette réussite économique est loin de receler un accablement des finances de l’Etat. Ainsi, concernant l’évolution de l’encours de la dette publique, le taux de l’endettement est demeuré quasi-stable passant de 44,4%, en 2011, à 44%, en 2012 avant de remonter légèrement à 45% du PIB, en 2013. Quant au taux de déficit du budget, malgré une politique volontairement expansionniste, il a été maîtrisé à 5,1%, en 2012, avant de retomber à 4,5%, en 2013. S’agissant des réserves en devises, le gouvernement de la Troïka les a maintenues à peu près à leur niveau initial alors que le gouvernement précédent avait consommé 30 jours de couverture des importations, soit environ 3000 MD.

Il en résulte que les politiques poursuivies ont bien permis de maintenir la solidité financière de l’Etat grâce à la maîtrise de la dette et des déficits publics malgré un niveau record de dépenses. Ainsi, l’Etat a remboursé en 2012 et 2013, quelque 8525 millions de dinars arrivés à échéance, un montant supérieur à ceux remboursés par les gouvernements de Ben Ali en 2010 (3608MD) et Béji Caïd Essebsi en 2011 (3618MD). D’un autre côté, on a certes emprunté, durant la même période, un peu moins de 9 milliards de dinars, mais on, dans le même temps, investi pour plus de 9 milliards de dinars. De ce fait, la gouvernance financière de la Troïka a bien respecté à la lettre le principe de l’équité intergénérationnelle.

La troïka est accusée aussi d’avoir alourdi les charges de l’administration en augmentant de manière démesurée les salaires ?

L’accroissement exceptionnel de la masse salariale de la fonction publique de l’ordre de 50% en comparaison avec 2010 est en réalité imputable à plusieurs facteurs dont les principaux remontent aux gouvernements de 2011 de Mohamed Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi, qui ont cédé aux pressions syndicales conduisant à l’approbation d’une hausse importante des traitements et salaires ainsi que l’activation des accords sociaux spéciaux et la régularisation des modes d’emplois précaires (contrats temporaires, mécanismes et chantiers, sous-traitance..). Quant aux facteurs imputables à la Troïka, je relèverais sa politique volontariste visant à répondre aux défis conjoncturels et au soutien aux catégories sociales les plus fragiles et les plus touchés par la précarité sous l’ancien régime. Il a été ainsi mis en œuvre un programme de recrutements exceptionnel, applicable uniquement à l’année 2012 et destiné essentiellement à réparer les dommages subis au cours du régime précédent (ayant-droits des martyrs, blessés de la révolution, bénéficiaires de l’amnistie, priorité de l’emploi basée sur des considérations sociales), et le volume des nouvelles recrues est surtout orienté vers les secteurs qui souffrent d’un besoin pressant à l’instar de la sécurité, du contrôle et des départements sociaux (éducation, santé..).

Peut-on parler d’erreurs commises par la Troïka ? Regrettez-vous quelque chose ?

La principale faiblesse de la Troïka est dans l’ordre naturel des choses, à savoir son manque d’expérience dans la gestion des affaires de l’Etat. Hormis les anciens gouvernants prérévolutionnaires, la Tunisie ne dispose d’aucune équipe prête à gérer confortablement le pays, a fortiori en pleine période transitionnelle. C’est cette inexpérience qui a allongé indûment la période de transition avec tous ses dommages collatéraux. Le paradoxe, c’est le retour de la pendule à zéro chaque fois que l’équipe en place commence à maîtriser les rouages de l’administration. La période transitionnelle s’est distinguée donc par la succession de gouvernements éphémères et inexpérimentés. Ce que je regrette, c’est de ne pas entériner l’initiative de Hamadi Jebali, avancée déjà, en février 2012. On aurait dû raccourcir la période de transition d’une année et épargner à notre pays des fardeaux supplémentaires ainsi que les risques y afférents.

L’emprunt national lancé par le gouvernement de Mehdi Jomâa va-t-il vraiment aboutir à de solutions à la crise ?

Cet emprunt sera vraiment intéressant s’il constitue véritablement une ressource alternative et pas simplement une redondance avec des produits préexistants, tel le cas des bons de trésor. A cet effet, l’emprunt devrait capter de nouvelles ressources non encore appréhendées par les bons classiques à l’instar de l’épargne des Tunisiens à l’étranger ou des thésaurisations des résidents provenant de sources non déclarées. Apparemment, l’effort officiel de mobilisation est plutôt focalisé sur les institutionnels (notamment banques et assurances), ce qui risque d’assécher les liquidités bancaires et de détourner l’épargne de l’investissement, en raison notamment de l’attractivité des conditions de l’emprunt national.

Khadija Taboubi

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