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Tunis : A quoi joue la justice face aux journalistes. Cheval de Troie ou chevaux de frise ?

Depuis la Révolution tunisienne, journalistes et juges semblent être mis au beau milieu des enjeux politiques et politiciens. Les deux ont été fortement décriés, dès la prise de pouvoir par les islamistes d’Ennahdha.

Les premiers, verbalement et physiquement agressés, tagués sur les murs de la cité et traités de «Azlem» ou suppôts de l’ancien régime et de non nationalistes. Les seconds accusés de non indépendants et de supports de l’ancien régime aussi. Les journalistes comme les juges.

Avec les journalistes, le pouvoir en place a surtout manié la menace en guise de bâton et les nominations en guise de carotte. Avec les juges, les mises à la retraite d’office et les réaffectations ont fait l’affaire.

La bataille des médias étant plus urgente chez les islamistes gouvernants, qui n’arrivaient plus à embrigader, de nouveau, ceux qui s’étaient libérés sous l’effet de la révolution, le pouvoir en place en Tunisie se focalise alors sur une cible, la presse. Il change cependant de tactique et dresse contre eux une certaine justice et en appliquant contre eux les mêmes lois qui avaient été appliquées à leur encontre lorsqu’ils étaient dans l’opposition. Rappelons-nous que le calvaire d’un certain Hammadi Jbali, avait commencé alors qu’il officiait en tant que rédacteur en chef du journal Al Fajr de l’ancien MTI (Mouvement de la tendance islamique. Beaucoup des actuels cadres et dirigeants d’Ennahdha, avaient aussi utilisé la couverture journalistique pour faire les opposants. La justice et son ANCIEN ARSENAL de lois, que le patri au pouvoir avait changés, mais en refusant de les activer, sont ainsi maintenant utilisés pour exercer toutes sortes de pressions sur la presse et essayer encore une fois de la mettre au pas. L’exemple du décret-loi 115 qu’Ennahdha refuse toujours, malgré les appels pressant de la HAICA, est ce titre plus qu’édifiant. Certains juges refusent ainsi de l’utiliser contre les délits de presse et usent et abusent des lois liberticides de Ben Ali.

– Une justice à deux vitesses.

C’est cette même justice qui refuse toujours d’appliquer des lois plus sévères et ayant trait à des délits financiers plus graves et à certains crimes de sang, contre des proches du pouvoir en place. L’exemple des plaintes contre l’ancien ministre des Affaires étrangères et gendre de Rached Ghannouchi, dans les affaires du Sheratongate et du don chinois, est, à ce titre très édifiant sur les pratiques d’une certaine justice sous Ennahdha. Les exemples aussi des multiples terroristes, d’Ansar Charia et autres, qui sont relâchés sitôt incarcérés par les forces de l’ordre. Ceci alors que, dès qu’un journaliste donne une information sur un plateau TV relative à un membre de l’équipe gouvernante, il est vite incarcéré et le parquet se réveille même la nuit pour le faire. On a aussi rarement vu le parquet ouvrir une enquête judiciaire sur les révélations d’un journaliste dans des dossiers de corruption ou de terrorisme, tant les enquêtes sont vite ouvertes à propos de la provenance des documents que présente tel ou tel journaliste. Des journalistes sont détenus malgré l’avis de hautes instances comme la cour de cassation (Cas de Sami Fehri), des journalistes sont mis aux arrêts pour une photo (Cas de Nassreddine Ben Saïda d’ Attounissya) ou encore dans un rocambolesque montage de rapt policier (Cas de Zied El Héni). Le même parquet ne bouge pas le petit doigt dans des affaires et plaintes, comme celles portées contre l’actuel chef du gouvernement tunisien et ancien ministre des l’Intérieur. Entre juges et journalistes, c’est au «je t’aime, moi non plus». Beaucoup d’eux utilisent la presse tunisienne pour fuiter telle ou telle information ou tel dossier, puis s’en lavent les mains lorsque la patate devient chaude !

Entre journalisme et justice, il y a manifestement, soit une question de «cheval de Troie », soit une question de «chevaux de frise », soit tout simplement une incompréhension totale et une absence de dialogue et de canaux de dialogue.

Pendant plus de 50 ans, sous Bourguiba comme sous Ben Ali, la justice était un dogme à prendre ou à laisser, dans son entier mépris de tout ce qui n’est pas elle et dans l’arrogance de celui qui se prend pour le Bon Dieu sur terre. Bourguiba, comme Ben Ali, avaient conçu ainsi la justice, leur justice, car ils s’étaient appropriés plus d’un levier pour faire pression sur elle, la manipuler et l’utiliser, à des fins d’Etat ou à des fins personnelles. En deux ans de révolution, cette façon de voir et de faire la justice, n’a pas évolué, et la justice n’a pas, ne veut pas ou on ne l’a pas laissée faire sa révolution. Plus que l’armée, la justice tunisienne est restée la grande muette de la République.

– Pourquoi pas un pôle communication pour les magistrats pour fluidifier leurs relations avec la presse ?

Intervenant devant le pôle communication judiciaire, la journaliste français Michèle Cotta est revenue sur la nécessaire connaissance mutuelle magistrat-journaliste. L’objectif, comme l’écrivait l’école nationale de magistrature en France, était de «donner aux éditeurs de justice, les outils et techniques de communication. « Aujourd’hui il est nécessaire pour le magistrat de savoir prendre la parole en public, sans arrogance mais en tenant son rang, sans interférence avec d’autres considérations que celles de la justice mais en se faisant comprendre, sans jamais considérer que sa parole est une vérité révélée qui ne saurait être mise en doute», disait Cotta. Et la doyenne française du pôle de formation en communication judiciaire d’ajouter cette remarque qui pourrait aisément s’appliquer à la Tunisie, que «…ce qu’il faut changer, plus que les textes de loi ou le code de procédure, ce sont d’abord les comportements. Nombre de magistrats ne sont pas à la hauteur de leur rôle. Certains, enfermés dans leur bulle, imbus d’un pouvoir que personne n’ose leur contester, n’ayant de comptes à rendre à personne s’ils appartiennent au siège, ne mesurent pas le désarroi des justiciables, ne leur prêtent aucune attention, ne savent pas leur parler, ne les écoutent pas, ne leur font pas confiance. [..] ». Il est peut-être temps, en Tunisie, de constituer un tel pôle et d’introduire une telle formation pour les magistrats.

Ka. Bou.

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