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Tunis : «Beaucoup d’argent échappe aux banques» en Tunisie, affirme le PDG d’Attijari Bank.

Lorsque le groupe marocain Attijari Wafa Bank avait racheté l’ancienne banque du Sud (BS), rares étaient ceux qui croyaient qu’elle sera la banque qu’elle est devenue. Moins de 10 ans après ce rachat qui mettra au jour un manque de provision de plus de 160 MDT, la BS qui deviendra Attijari Bank, affiche une santé financière insolente et qui défie même la crise. C’est, en effet, désormais le premier réseau bancaire de la place et «un PNB de 251 MDT en augmentation de deux chiffres à 17 %, un résultat net de 82 MDT de 49%, ce qui dénote de l’excellent dynamisme de la banque qui, par ailleurs, améliore ses indicateurs de performance et respecte l’intégralité des ratios réglementaires», comme le dira avec fierté Hicham Seffa, DG d’Attijari dans cette interview où il nous livre aussi ses impressions sur les relations économiques entre la Tunisie et le Maroc, sur la situation du secteur bancaire tunisien dont il fait partie, mais aussi ses impressions sur des questions d’actualité tels que la recapitalisation, le projet de levée du secret bancaire ou le projet de plafonnement des transactions en billets de banque. Interview.

La toute première et même la seconde édition du Forum économique tuniso-marocain, ont été tenues à l’initiative d’Attijari Bank. Pourquoi votre banque s’efface-t-elle cette année au profit de l’Utica qui en a organisé la toute dernière ?

Dans notre conception, c’est d’abord un Forum économique maghrébin qui devra se tenir d’ici la fin de l’année 2014. Le Forum tuniso-marocain a surtout bénéficié de l’effet de la visite royale de sa Majesté Mohamed VI en Tunisie et a été une initiative CGEM-Utica et qui se veut un outil de relance du courant des affaires entre les hommes d’affaires des deux pays. Ce Forum préparera, par ailleurs, en quelque sorte la tenue de la 3ème édition du Forum maghrébin, prévue au mois d’octobre 2014.

Peut-on, dès maintenant faire un bilan, même provisoire, du Forum économique tuniso-marocain ?

Lorsqu’on parle d’investissement, il y a tout d’abord lieu de remarquer que les deux parties, tunisienne et marocain, sont toujours en train de se regarder et n’osent, pour ainsi dire, pas encore franchir le pas. Les hommes d’affaires des deux pays restent encore dans une relation classique importateur/exportateur et ne sont pas encore, à quelques rares exceptions, dans une perspective d’investissement. C’est au moins ce que j’observe depuis 3 ans alors que je suis à la tête d’Attijari Bank Tunisie. L’appétit d’investissement entre les hommes d’affaires des deux pays est cependant, selon nos constations aussi, en train d’augmenter grâce notamment à ce genre de rencontres, comme le Forum de Tunis. De notre côté, à Attijari Bank, en tant que facilitateur de business, on continue de tout faire pour améliorer le climat des affaires entre nos deux pays, le Maroc pays de la banque-mère et la Tunisie pays de l’une des filiales les plus importantes du Groupe, et développer ainsi le courant des affaires.

N’avez-vous pas remarqué, comme nous, qu’à cause de certains effets collatéraux de la révolution tunisienne, on trouve désormais plus d’hommes d’affaires tunisiens au Maroc que d’hommes d’affaires marocains à Tunis ?

Statistiquement, je crois que nous comptons une centaine d’opérateurs tunisiens installés au Maroc et une trentaine d’investisseurs marocains en Tunisie.Beaucoup datent d’avant la révolution, mais d’autres sont venus après la révolution. Ces chiffres sont insuffisants de part et d’autre quand on connaît les potentialités des 2 pays. Quelle lecture en faire ? L’appétit des investisseurs ? Le climat des affaires ? Le contexte socio politique ? Probablement un mélange entre ces éléments et d’autres. Il est clair aussi que les révolutions ne sont pas, en général, les meilleures périodes pour l’investissement, et cela à cause notamment des problèmes socio-économiques qui seront certainement bientôt derrière nous. Notre conviction est, en tout cas, que la Tunisie est un pays plein de potentiels, non seulement pour l’investissement marocain, mais pour tous les IDE. C’est juste une question de temps pour que la Tunisie retrouve toute son attractivité pour les investissements.

Ceci dit et en attendant l’entrée en exécution de tous les accords signés à l’occasion de la visite de Sa Majesté Mohamed VI en Tunisie, la balance commerciale reste déficitaire pour le Maroc.

La balance est en fait déficitaire pour les deux pays, d’autant que les volumes des échanges entre les deux pays restent minimes et concentrés sur quelques produits. Economiquement, les deux pays se positionnent traditionnellement sur les mêmes produits et les deux économies se voient encore, malheureusement, plus en concurrents qu’en complémentaires. De là tout l’intérêt de la visite royale qui est de donner des impulsions pour la complémentarité entre les deux pays, comme par exemple, pour le tourisme ou le phosphate. A Attijari Bank, c’est en tout cas notre crédo, et nos instructions vont dans le sens de l’accompagnement des entreprises des deux pays dans un esprit de complémentarité et de recherche de valeurs ajoutées communes. On l’a démontré lors des récentes missions commerciales tunisiennes en Afrique, et nous avons essayé de mettre à profit les filiales qui sont dans ces pays africains et certaines conventions signées par Attijari Bank, lors de la dernière visite royale, comme de la ligne de crédit avec la QNB ou celle des mécanismes de garanties pour les PME tunisiennes. Le tout verse évidemment dans une recherche tous azimuts des synergies entre les deux économies.

Peut-on, à ce titre, avoir une idée sur l’activité de votre banque d’affaires, Attijari Finances, ou votre Sicar dans ce sens ?

Les filiales banque d’affaires existent au Maroc et en Tunisie et nombre d’hommes d’affaires y ont recours, notamment en matière de recherches d’opportunités d’investissement, cela d’autant plus que nous assurons une véritable muraille de Chine entre la banque d’affaires et la banque commerciale pour que les promoteurs puissent travailler en toute tranquillité. Dans la Sicar, nous sommes sur différents projets multisectoriels. La dynamique est certes moins accentuée qu’avant la Révolution, mais il y a grand nombre de projets de différentes tailles sur lesquels notre Sicar est présente, comme la centrale laitière de Sidi Bouzid, pour ne citer que cela.

Comment va la banque en 2013 ?

Bien sûr, un très bon résultat, avec un PNB de 251 MDT en augmentation de deux chiffres à 17 %, un résultat net de 82 MDT de 49% ce qui dénote de l’excellent dynamisme de la banque qui, par ailleurs, améliore ses indicateurs de performances et respecte l’intégralité des ratios réglementaires.

On dirait donc que la crise n’a jamais existé chez vous !

Il faut dire en toute modestie qu’Attijari est aujourd’hui un modèle de gestion. C’est une banque qui continue son développement commercial et La maison mère a donné ses instructions, dès le lendemain de la Révolution, de ne rien changer, ni l’approche budgétaire, ni l’approche en matière d’extension du réseau. Au contraire, instructions nous ont été données de faire tout ce qui est possible pour accompagner les opérateurs économiques des deux pays. Nous sommes ainsi devenus le 1er réseau bancaire de Tunisie, notre machine de collecte des dépôts, avec des coûts qui ne sont pas prohibitifs, fonctionne convenablement, nous continuons à distribuer des crédits en soutien à l’économie tunisienne où on nos crédits ont augmenté de 5 % malgré quelques effets liés à des remboursements de grosses créances et nous gérons correctement notre recouvrement. Bien évidemment, le tout est porté par une organisation bien adaptée à notre contexte mettant le client au centre de nos préoccupations et un personnel au meilleurs standards, bien impliqué et soucieux de rendre le meilleur service à nos clients. C’est tout cela qui explique les performances de notre banque.

Combien vous a coûté la circulaire de la BCT concernant le provisionnement obligatoire ?

Nous observons cette année, effectivement, les effets de cette nouvelle circulaire. Elle nous a coûté 44 MDT sur les exercices antérieurs et 7 MDT sur l’exercice 2013. C’est certes des montants importants, mais que les bonnes capacités financières de la banque permettent assez facilement d’absorber sans le moindre impact sur les ratios réglementaires où nous sommes parmi les rares banques à en observer le respect intégral.

Quel regard portez-vous sur les appels à la restructuration et à la recapitalisation des banques tunisiennes ?

A parler, de manière générale, du paysage bancaire où nous vivons, force est de constater que nous sommes trop nombreux, privés et publics, par rapport à la taille de l’économie, avec des pratiques qui ne sont pas forcément identiques et des approches différentes en matière de risque, de la relation-client ou de la rentabilité.

Pour ce qui est de la question de la recapitalisation, je dirais que tout le monde doit s’accorder sur la nécessité d’avoir les moyens de ses ambitions, ce qui ne semble pas être toujours le cas, aujourd’hui, pour tous les opérateurs de la place.

Quel est votre sentiment sur des projets, tels que la levée du secret bancaire ou le plafonnement des transactions en billets bancaires ?

Abstraction de tout cela, il faut qu’on reconnaisse, aujourd’hui, que le secteur informel devient trop important dans l’économie tunisienne, qu’il y a beaucoup d’argent qui échappe au secteur bancaire et qu’il faut toujours prendre en considération les lois relatives au blanchiment d’argent et à ses interactions avec le terrorisme pour que le système financier ne soit jamais partenaire de telles choses. La réelle problématique reste qu’il y a énormément d’argent qui échappe au système bancaire. La manière dont on peut interpréter des mesures telles que la levée du secret ou le plafonnement des transactions en billets, peut accélérer le phénomène de la fuite des capitaux du marché et donc avoir un effet contraire. S’il faut bien prendre de telles mesures, peut-être faudrait-il les accompagner d’autres mesures telles que l’amnistie fiscale. Je pense, en tout cas, qu’il y a d’abord une réflexion globale à organiser sur la thématique de sorte à s’assurer des répercussions totalement positives sur le marché.

Propos recueillis par

Khaled Boumiza

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