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Tunis-Confiscation : Une commission, non indépendante, qui reçoit des primes et contourne la loi. Pour faire durer la prime?

Jamais commission n’aura autant duré que la commission de la confiscation, dans le silence des autorités qui l’ont créée. Cette structure en est actuellement à son 3ème président, depuis sa création en mars 2011. Elle a presque tout et rien confisqué des biens de Ben Ali et sa femme dont les chaussures ont été exhibées comme un trophée par certains ministres de la défunte Troïka. La commission n’a pourtant jamais encore publié un quelconque rapport sur ses activités, dont peu de gens connaissent les détails. Une Commission, dont les couloirs sont continuellement hantés par des hommes d’affaires, des avocats, des délateurs, des administrateurs judiciaires et des plaignants. Une Commission, pourtant, dont l’ossature est faite de juges, et qui se dit indépendante. Et pourtant !

Commençons, d’abord, par citer le décret-loi numéro 13 en date du 14 mars 2011 qui en est l’acte fondateur, comme on consulterait un test ADN pour nous éclairer sur la paternité de cette Commission de la confiscation.

– La Commission de confiscation n’est pas indépendante

L’article 3 de ce décret-loi indique en effet que «il a été créé, auprès du ministère chargé des Domaines de l’Etat et des affaires foncières, une commission appelée commission de la confiscation. Elle comprendra un juge du 3ème degré en tant que président, un magistrat conseiller du tribunal administratif, un magistrat conseiller de la cour des comptes, le conservateur de la propriété foncière, le chargé du contentieux de l’Etat, un représentant du ministère des Finances, un représentant de la BCT et un représentant du ministère des Domaines de l’Etat et des affaires financières, tous en tant que membres».

Aux termes du texte qui l’a fondée, la commission de la confiscation est un organisme sous la tutelle directe et immédiate du ministère des Domaines de l’Etat et des affaires foncières et donc sous l’autorité directe du ministre. Ladite commission aura beau être formée de juges, la formulation du texte de loi lui donnant naissance lui ôte donc toute prétention d’indépendance autant qu’à ses travaux. Cette commission travaille, confisque ou ne confisque pas, sous sa supervision. L’actuel ministre des Domaines de l’Etat a par ailleurs confirmé cette dépendance tutélaire, dans une déclaration à Africanmanager. «La commission de la confiscation est sous la tutelle directe du ministère. Elle n’a pas de budget autonome, mais émarge du budget du ministère», nous affirme le ministre Hatem El Euchi. C’est aussi le ministère de tutelle de la Commission qui lui fournit toute la logistique et le personnel et qui en assure la rémunération sur son propre budget.

– Une commission, financée par le ministère qui peut à tout moment changer son président

Comme indiqué plus haut, ladite commission de confiscation a vu se succéder à sa tête trois présidents en 4 ans d’existence. A chaque nouveau ministre, c’est un nouveau président à sa mesure. C’est d’ailleurs l’ancien ministre Salim Ben Hamidane qui démettra, en mars 2012, le premier président de la commission, car il ne confisquait pas assez vite, comme il le lui reprochera lors de la cérémonie de passation à laquelle nous étions présents. C’est alors que le nouveau président, nommé par le ministre, se met à confisquer sans crier gare et à vouloir étendre l’application du décret loi, au-delà de ses termes. Sous le ministre Karim Jammoussi, l’ancien président Néjib Hnane ne fera pas non plus long feu faute notamment d’entente sur les procédures de confiscation et pour cause d’interprétation des textes de la confiscation. A croire que le ministre El Euchi ne devrait pas tarder à y nommer le sien. Ce dont on est sûr, c’est que le courant «financier» ne passe pas entre les deux juges.

– Des juges «indépendants» qui recevaient une prime de 500 DT

Tous les juges membres de la commission de confiscation sont rémunérés par leurs salaires d’origine. Cela ne semblait pourtant pas leur suffire. C’est alors que l’ancien ministre Salim Ben Hamidane décide de leur octroyer une prime de 500 DT par mois et par personne. Cela nous a été officiellement confirmé par l’actuel ministre des Domaines de l’Etat qui tient cependant à préciser son désaccord avec cette démarche et nous signifier sa décision d’arrêter cette prime. Pourquoi cette prime donc et quel était l’objectif poursuivi par l’ancien ministre Ben Hamidane à travers l’octroi d’une prime financière à des juges d’une commission dont il assurait, verbalement, l’indépendance ?

Quel sens et quel crédit prêter donc aux décisions d’une commission qui n’est pas indépendante dans le texte, mais dépend d’un ministre issu d’un parti politique au pouvoir ?

– Une commission qui aurait dû terminer son travail en septembre 2011

Une lecture, au sens premier des termes du décret-loi de mars 2013, indique clairement que le travail de ladite commission de confiscation devait se terminer en septembre 2011. L’article 6 du décret-loi de 2011 stipule en effet que «tous les créanciers doivent déposer leurs demandes de restitution de crédit dans un délai de 6 mois à partir de la publication du décret-loi(…)». Et l’article 7 du même texte précise que «à la fin de ce délai [de 6 mois à partir de la publication du décret loi], la commission doit rédiger un rapport (…)». Ce rapport est censé signer la fin des travaux de la commission de confiscation qui n’est en fait qu’une commission ad hoc qui n’a aucune personnalité civile ou autonomie financière. Or, «la commission de la confiscation approche de la fin de ses travaux. Elle n’a jusqu’ici remis aucun rapport, alors qu’elle devait le faire, six mois après réception des demandes de remboursement des créanciers des confisqués pour lesquels un délai de 6 mois, à dater de la création de ladite commission, a été fixé», précise le ministre Hatem El Euchi. A croire que cette commission essaie de repousser son échéance de fin de mandat, en retardant la remise de son rapport, normalement prévue pour septembre 2011. Qu’en dit donc le gouvernement Essid alors qu’il préparerait déjà la nouvelle loi sur la réconciliation ?

Khaled Boumiza

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