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Tunis : D’un ancien prisonnier à l’autre au gouvernement, retour au point de départ dans le «GhannouchiLand».

L’image, rapportée par le journal Le Monde, de la reprise des pouvoirs en Tunisie par Ali Larayedh, est à plus d’un titre, édifiante. «Aux visiteurs qui s’étonnent de trouver encore le portrait de l’ancien dirigeant déchu Zine El-Abidine Ben Ali dans la traditionnelle galerie des ministres de l’Intérieur tunisiens, Ali Larayedh répond dans un sourire imperturbable : « A mon arrivée, il avait été enlevé. Je l’ai fait remettre, parce qu’on ne réécrit pas l’histoire. » La victime suit aujourd’hui, avec vingt-six ans d’écart, les traces de son bourreau». Ce dernier et son parti, y étaient restés… 23 années. Comme lui, Larayedh tient certainement à s’incruster dans l’histoire de la Tunisie.

Après des semaines de stériles discussions autour d’un remaniement qui n’apportera rien aux véritables défis de la supposée révolution, l’ancien chef du Gouvernement se retire sur le bout des pieds, embrassant la tête de celui qui lui a permis de «s’exercer à la coiffure dans les têtes des orphelins» pendant plus d’une année. Il gardera, à vie, son salaire de chef de gouvernement et gardera en contrepartie toutes ses belles idées d’une démocratie-islamiste qui ne réussit toujours pas à s’incruster dans la chair des Tunisiens, aussi bien que la grippe qui frappe de plein fouet.

Un ancien prisonnier s’en est allé. Un ancien prisonnier le remplace. Les deux n’avaient pas connu les mêmes affres de la prison et n’y avaient pas fait les mêmes choses. Les deux s’étaient pourtant illustrés par de retentissants échecs dans leurs actions ministérielles.

Le premier n’avait jamais pu régner à La Kasbah et a fini par la quitter pour se concocter une paisible retraite ou pour organiser le retour de l’enfant prodigue qu’il était à «la maison de la docilité» de Montplaisir. Le second n’avait jamais pu rétablir la sécurité et faire régner l’ordre, ni dans son ministère, ni dans la rue. Il n’avait pas, non plus, réussi à se forger l’image de l’homme d’Etat qui pourrait conduire un gouvernement de frères-ennemis et de francs-tireurs.

Comme Hammadi Jbali, Ali Larayedh n’aura pas «tué le père » et n’aura pas pu se détacher de l’autorité de «l’homme qui a trahi la révolution» comme parlait l’hebdomadaire Jeune Afrique de Rached Ghannouchi. Entre la date de prise du pouvoir de Jbali, en décembre 2011 et le 22 février 2013, date de la reprise du pouvoir officielle d’Ali Larayedh, ce sont 422 jours d’un énorme gâchis, politique, économique, social, civilisationnel, financier, touristique et culturel pour une Tunisie qui n’avait pourtant jamais été aussi près, depuis son indépendance, de sortir du sous-développement, culturel, économique et politique.

Quatre cent vingt deux jours après un chaos indescriptible, qui a remis la Tunisie sur la voie du sous-développement, dans la misère sociale, dans l’insalubrité des rues et des artères, la dégradation des infrastructures, le désordre de l’administration, la désobéissance civile et le déni de toutes les lois, la Tunisie de l’après Ben Ali se retrouve sur les mêmes sentiers de l’après révolution. Une Tunisie où les armes circulent presque librement, une Tunisie où les polices parallèles font la loi dans une complète désorganisation des forces de l’ordre, une Tunisie où la corruption n’a jamais été plus présente que depuis le départ de ceux que tout un pays accusait d’être à l’origine de la corruption, une Tunisie où tout le monde fraude tout le monde et où les trafics de tout genre et de tous produits, deviennent chose courante. Une Tunisie, à mi-chemin de nulle part, loin de la démocratie pour pouvoir s’y réfugier, loin de l’islam pour pouvoir l’invoquer sans accuser l’autre d’apostasie, loin de la tolérance pour accepter l’avis et la différence de l’autre, loin de la modernité pour pouvoir désespérer et pas assez près de la pauvreté pour pouvoir s’y laisser aller. Une Tunisie qui consomme sans arriver à se remettre au travail. Une Tunisie qui engrange sans arriver à investir. Une Tunisie, enfin, qui ne plait qu’à ceux qui n’ont pas encore assouvi leurs appétits de révolte.

Quatre cent vingt deux jours après Hammadi Jbali, la Tunisie des plans d’un régime théocratique de Rached Ghannouchi, reprend les chemins des consultations entre les membres des mêmes familles d’un clan politique qui ne cherche que la redistribution du reste des richesses, matérielles, délaissées par l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali. En perspectives immédiates, des divergences sur tel candidat de tel parti pour tel ministère et de chaudes discussions dans l’hémicycle de l’ANC (Assemblée Nationale Constituante). En perspectives, de moyen terme, de nouveaux ministres qui auront besoin de temps pour apprendre leurs leçons de nouveaux gouvernants. D’autres, reviendront avec les mêmes polémiques et missions d’épuration, de justiciers divins ou de défonceurs des lois qui sont celles d’une révolution pas encore achevée dans leurs têtes. Des initiatives qui n’auront pour seul but que de retarder la fin de la transition et l’avènement des élections. A plus long terme, c’est tout un pays qui court droit à la faillite, politique, idéologique et économique.

«A défaut d’une réaction adéquate des pouvoirs publics (…), les violences, tout autant sociales, juvéniles et urbaines que politiques et religieuses, pourraient franchir un nouveau palier et atteindre un seuil critique». Dixit : International Crisis Group

Kabou

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