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Tunis : Et si Jbali démissionnait ?

Il ne l’avait pas écarté et en avait même parlé, à plusieurs reprises, avec un certain sourire. Lors d’au moins deux de ses interviews télévisées, Hammadi Jbali a, en effet, évoqué la possibilité de démissionner de son poste de chef du Gouvernement. Il n’a cependant jamais franchi le pas. Cela, malgré tout ce qui a été dit et écrit sur le résultat de la première année de son règne sur la Tunisie. Le mot règne, à notre sens, n’est pas fortuit, tant le chef du Gouvernement tunisien cumule de pouvoirs entre ses seuls mains. Cela aussi, bien qu’il le sache bien, comme toute la population, qu’il est flanqué d’un ou plusieurs Conseillers, comme autant d’ « œil de Moscou », au profit du chef de son parti, Rached Ghannouchi. Cela n’est plus un secret et a été dit, au moins à deux reprises, la première par un membre influent d’Ennahdha sur les colonnes du quotidien Al Maghreb et la seconde fois sur les colonnes du journal Assour. Hammadi Jbali ne peut donc pas l’ignorer.

– Jbali à entre l’enclume du pouvoir et le marteau d’Ennahdha.

La grande épreuve, après la démission de son Conseiller politique et les menaces de quitter la troïka, du CPR et d’Ettakattol et même de Moncef Marzouki, président de la République provisoire, est de nouveau en face de lui. L’épreuve du choix entre être un homme d’Etat ou rester l’homme du parti dans les rouages de l’Etat que le parti tente d’introduire pour s’en assurer le contrôle comme le soulignait Ghannouchi dans cette vidéo publiée en octobre 2011.

 

Pressé de toutes parts de procéder à un remaniement ministériel, Hammadi Jbali n’arrive toujours pas à le faire. Cela jette un voile, assez dense, il faut le dire, sur la réalité de ses prérogatives au sein de l’Etat tunisien, telles que définies par la «petite constitution». Le fait, de plus en plus avéré, que le blocage du remaniement vient essentiellement d’Ennahdha qui refuse de se dessaisir des ministères de souveraineté, confirme que Jbali n’est pas le seul maître à bord de son Gouvernement. Et si certains observateurs pointent du doigt, dans cette lutte de pouvoir au sein d’Ennahdha, le président de ce parti, Rached Ghannouchi, force est de leur donner raison malgré les démentis répétés de ce dernier.

Les mêmes observateurs de la scène politique tunisienne évoquent de plus en plus, dans leurs analyses des véritables et obscures raisons du retard du remaniement, une lutte ouverte de pouvoir entre Rached Ghannouchi et Hammadi Jbali. A plusieurs reprises, ce dernier aurait essayé de traiter les affaires de l’Etat, en disjonction avec les intérêts partisans, notamment d’Ennahdha et indépendamment des objectifs électoraux de cette dernière. A plusieurs reprises et, selon plus d’une source, il aurait été débouté par le chef du parti dont il est aussi secrétaire général. Un poste qui l’accablerait ainsi plus qu’il ne le servirait dans son dessein d’homme d’Etat.

– Le chef du Gouvernement tunisien à l’épreuve de sa démission.

A bout de patience, Hammadi Jbali tente le tout pour le tout et annonçait, ce samedi de la coupe d’Afrique, qu’il allait présenter le gouvernement qu’il veut devant l’ANC (Assemblée Nationale Constituante). L’arme est, cependant, à double tranchant. Le chef du Gouvernement savait certainement qu’il ne pourra pas le faire, à moins de présenter sa démission et enclencher ainsi le processus constitutionnel d’une nouvelle nomination par le chef de l’Etat. Le risque, pour lui, qu’avec les dissensions qui existent au sein d’Ennahdha, sur sa manière de gouverner, au moins franchement dites par Lotfi Zitoun réputé être l’homme de Rached Ghannouchi, dans sa lettre de démission, est qu’il soit franchement désavoué et sacrifié par Ennahdha sur l’autel du pouvoir. Jbali risquerait, en effet, s’il présentait maintenant sa démission, de ne plus avoir la confiance de son parti pour une seconde nomination en tant que candidat au poste de chef du Gouvernement. Il verrait ainsi s’évaporer tous ses rêves d’être l’Homme d’Etat qu’il se voyait à La Kasbah. La tentation serait forte, chez la direction d’Ennahdha, de le sacrifier au profit de son union sacrée et de le jeter en pâture aux dissidences qui minent, depuis au moins deux mois, le parti au pouvoir.

– Le remaniement, une simple question de lutte de pouvoir «Nahdha-nahdhaouie» ?

Il apparait ainsi, de l’avis de plus d’un observateur averti de la place politique tunisienne, que la question du remaniement cache, comme le tamis qui cacherait le soleil, de plus profonds enjeux. Ceux d’une lutte de pouvoir au sein du parti de la majorité à l’intérieur même de la Troïka. Une lutte fratricide avec comme toile de fond, une complète maîtrise des rouages de l’Etat comme le projettent les faucons d’Ennahdha et comme ne le voudraient pas les modérées du même parti. Les uns et les autres craignant de perdre le pouvoir, pour des raisons aussi contradictoires les unes que les autres et selon les optiques de vision politique ou politicienne des uns et des autres.

«Un pouvoir partagé, c’est un pouvoir décru» semblent dire, comme l’écrivaine Marie José Thériault, plusieurs dirigeants d’Ennahdha et qui ajouteraient même, comme Paul Valéry, que «le pouvoir sans abus perd le charme». Ce à quoi pourrait répondre le dramaturge Jean-Baptiste Rousseau que, « Justes, ne craignez point le vain pouvoir des hommes. Quelque élevés qu’ils soient, ils sont ce que nous sommes. Et c’est le même Dieu qui nous jugera tous!».

Khaled Boumiza.

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