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Tunis : L’Etat-Larayedh disait bien NON à Tunisair, une entreprise qui a perdu 3 fois son capital. Voici les preuves accablantes !

Ce lundi, Tunisair tiendra une conférence de presse pour « rétablir la vérité » sur sa situation. Rétablissons-la ensemble !

Le 28 novembre 2013, nous écrivions que «c’est officiel, l’Etat lâche Tunisair, bientôt en cessation de paiement». Nos informations étaient, alors, puisées directement auprès des premiers responsables de la compagnie. Les chiffres des 100 MDT de déficit de trésorerie, les 400 MDT de déficit dont les 91 jusqu’à fin novembre 2013, nous ont été donnés par le PDG et la Secrétaire Générale de l’entreprise. Elle rectifiera, le samedi, dans un entretien téléphonique dont nous détenons l’enregistrement, que «le déficit de trésorerie sera de 100 MDT en mars prochain, si rien n’est fait».

Mais une donnée est importante. Le capital de Tunisair est de 106,119 MDT (source : BVMT). En face, ses pertes cumulées sont de 374,5 MDT, à fin novembre, (125,799 MDT en 2011 + 157,890 MDT en 2012 + 91 MDT jusqu’à novembre 2013 non validées par les Commissaires aux comptes) et devaient nettement dépasser ce chiffre à la fin de l’exercice. Dans le jargon financier, on dit généralement que Tunisair a «bouffé» trois fois et demi son capital social. De cela, on ne trouve pourtant nulle trace, dans le rapport 2012 des commissaires aux comptes de Tunisair.

Ceci, sans tenir compte, bien sûr, de l’endettement bancaire, de 500 MDT, selon la SG de l’entreprise, un chiffre qui était déjà atteint, depuis le CIM d’avril dernier, selon la Banque Centrale de Tunisie. A cela, il faudra aussi ajouter les 40 MDT en avance de trésorerie que Tunisair ne compte pas rembourser pour l’instant, selon la SG de Tunisair, les 260 MDT de dette auprès de l’OACA (Déclaration de Salah Gharsallah, le 28 novembre à l’agence de presse Tap) et l’autre dette auprès de la SNDP (19 MDT, en avril dernier, selon le chef de cabinet du ministre de l’Industrie) que la direction de Tunisair refuse de préciser, en nous demandant même de ne pas en parler. Depuis quelques mois, en effet, Tunisair ne paie plus la SNDP et a arrêté, depuis juillet dernier, de payer l’OACA.

A l’addition de tous ces chiffres, la facture devient très lourde. Il est, pourtant, du devoir national, d’en parler pour attirer l’attention d’un gouvernement qui dort toujours sur ses deux oreilles. La peur de cette facture expliquerait, peut-être, le refus de toute aide de l’Etat tunisien. Bousculée par les appels des TO, de ses partenaires et fournisseurs, Tunisair sort un «communiqué-langue de bois» pour dire simplement que «il n’est pas nié que Tunisair connaît des difficultés datant de la période post révolution».

Le Staff de Larayedh était, depuis avril, contre l’aide de l’Etat à Tunisair.

En face, c’est un gouvernement qui ne considère toujours pas Tunisair comme une priorité dans les deux projets de loi des finances (Complémentaire de 2013 et principale de 2014). Contrairement à ce que le ministère du transport disait, dans son communiqué du vendredi soir, à la télévision, le représentant du ministre des Finances à la réunion du 27 novembre dans le bureau du secrétaire général du ministère du Transport, a bien dit que son ministère ne pouvait rien faire pour Tunisair et cela nous avait été aussi confirmé par des personnes présentes, y compris de Tunisair.

Vendredi dernier aussi, le ministre Abdelkrim Harouni avait tenu une réunion de 2 heures avec les responsables et cadres de Tunisair à l’étage de la direction. Il se bornera à leur répéter que l’Etat ne laissera pas tomber Tunisair et qu’il «y va de ce pas» rencontrer le chef du gouvernement Ali Larayedh. On tirera comme conclusion que le ministre considérait déjà que toute intervention auprès de son collègue des finances était inutile. On ne sait toujours pas s’il a effectivement rencontré le chef du gouvernement!

Pour l’anecdote, au cours de cette réunion du vendredi, les cadres de Tunisair s’étaient plaints auprès de Harouni des déclarations à la Tap du PDG de l’OACA qui n’avait parlé que de Tunisair, comme s’il se préparait à en prendre la direction. Harouni a répondu devant témoins, qu’il téléphonera à Gharsallah pour le sermonner.

L’explication de la réaction du ministère des Finances qui n’avait rien prévu pour Tunisair dans la loi des Finances, se trouve en fait dans le PV du CIM du 2 avril 2013, présidé par Noureddine Bhiri et dont nous avons copie.

Le premier à opposer une fin de non-recevoir aux demandes de Tunisair, fut Chadly Abed, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Finances. «Tunisair ne compte pas que l’Etat tunisien dans son capital. Je propose donc qu’elle s’adresse au secteur bancaire privé et de ne pas compter sur l’Etat».

Le PV du CIM dit, aussi, que Abed a «exprimé ses craintes des problèmes juridiques que susciterait l’abandon des dettes de Tunisair auprès de l’OACA (…) et que cela ne peut se faire que par une loi».

De son côté, le Conseiller du chef du gouvernement, Boubaker Attayeb, a «proposé, comme alternative au recours de Tunisair à l’Etat, de rééchelonner les dettes de Tunisair auprès de la BNA avec garantie de ses propres biens » et non celle de l’Etat. Il opposera même une fin de non-recevoir à la demande de Tunisair de plus de souplesse dans la gestion (Article 22 ter de la loi n° 9-1989). «Cela ne fait pas partie des urgences».

Présidente de la haute autorité de la gestion du budget de l’Etat, Faouzia Saïyed fera remarquer, au cours de ce CIM, que «Tunisair n’est pas la seule entreprise publique qui soit dans une situation de difficultés financières et a rappelé les pressions que connaît le budget de l’Etat pour 2014, rappelant que toute avance doit être adossée à une dépense inscrite au budget et que le maximum prévu est de 100 MDT et qu’il est impossible d’accorder à Tunisair une subvention pour compenser le transport aérien domestique (…)».

Mohamed Amri, chef de Cabinet du chef du gouvernement que le ministre Harouni voulait appeler à la rescousse, a «exprimé ses réserves, quant à accorder à l’entreprise les 5 MDT qu’elle demande pour compenser les pertes sur les lignes intérieures (ndlr : Gafsa et Gabès que le ministre Harouni voulait rouvrir contre le gré des dirigeants de Tunisair et Tunisair Express, qui risqueraient alors d’être accusés de mauvaise gestion sur ordre du ministre Harouni) et a appelé l’entreprise à plus d’effort pour améliorer sa rentabilité».

Slim Besbès, autre Conseiller économique d’Ali Larayedh a indiqué que «le financement du programme de sauvetage à partir du budget de l’Etat, pose problème au vu du montant demandé et des pressions que subit le budget, proposant de penser à une intervention de la CDC». Même le secrétaire d’Etat Houcine Jaziri a donné son avis et proposé de «revoir le statut d’entreprise publique » de Tunisair. Il sera suivi par Khaled Mekki, lui aussi Conseiller économique de Larayedh qui «a émis une réserve contre toute intervention du budget de l’Etat» pour aider Tunisair.

Il ne s‘agit là que d’une partie de ceux qui ont été depuis avril dernier contre toute aide de l’Etat à Tunisair. Ceux-là sont en plus les Conseillers du Chef du Gouvernement, ses ministres et son vrai gouvernement de l’ombre. Et si ceux-là n’étaient déjà pas d’accord, il était déjà improbable que le ministre des Finances le fasse. L’autre preuve irréfutable du fait que l’Etat semble lâcher Tunisair, c’est aussi et surtout le silence du ministre des Finances qui n’a opposé aucun démenti à cette information.

– Bonnes intentions et guerre de succession à Tunisair.

En délivrant tous les chiffres sur la vraie situation de l’entreprise, comme nous en avons les enregistrements, la direction générale de Tunisair était animée de bonnes intentions. Celles d’essayer d’attirer l’attention sur l’extrême gravité de la situation de Tunisair afin de faire pression sur le gouvernement, pour qu’il se rattrape au niveau de la LF 2014 tant qu’elle est en projet.

Les bonnes intentions de l’actuelle direction ont été clairement démontrées par la révision du plan de flotte. Il contenait 16 avions. Ils ne seront plus que 13, avec le report de la livraison de certains de ces avions en plafonnant à 3 % toute augmentation des prix quelle que soit la date de la livraison. Pour faire face à cette révision et pouvoir retirer de l’exploitation ses appareils atteints par la limite d’âge, Tunisair a aussi conclu un accord commercial avec la compagnie libyenne Ifriqiya qui comprend le Code share. Les deux compagnies utiliseront ainsi conjointement les A330 libyens qui seront enregistrés en Tunisie et Tunisair pourra ainsi démarrer sa liaison canadienne et pour d’autres destinations long courrier. L’accord s’étend aussi aux A320 qui seront livrés à Ifriqiya.

Une partie de cette direction finira cependant, à notre avis, par céder aux pressions d’un ministère dans un gouvernement pris en flagrant délit de non assistance à entreprise publique en danger. Dès le 29 novembre, la SG de Tunisair intervient, sur la radio Express, pour expliquer que la compagnie souffre seulement de «manque de rentabilité du secteur et de faiblesse de gestion». Elle est pourtant le second du PDG et elle sait que si le secteur n’était pas rentable, il n’y aurait eu ni Syphax ni la nouvelle compagnie Jasmin Airways. Mohamed Frikha et Abderrazak Ben Amara ne seraient ainsi que de simples aventuriers de l’air. Najia Gharbi évoque la question des dettes de l’OACA, comme une décision déjà prise par l’Etat de les prendre en charge. C’est pourtant son PDG qui nous dit que NON. Elle affirme que l’Etat n’a pas lâché Tunisair, mais dit que, «au cours de la réunion du mercredi 27 novembre, nous avons été informés que rien n’a été alloué [ndlr : dans le budget de l’Etat] pour concrétiser le plan de sauvetage de Tunisair. Manifestement, la Secrétaire Générale de Tunisair jouait sur les mots. Nous la comprenons, mais nous comprenons aussi l’urgence brûlante de la révision du gouvernement de sa position déjà exprimée, depuis avril dernier.

Pour les avions présidentiels, une première LOI (lettre d’intention d’achat) avait été signée avec un homme d’affaires australien pour l’A340 modifiée de Ben Ali. L’Australien tarde pourtant toujours à conclure. Pour la BBJ, c’est la fille du président Burkinabais qui a signé une LOI et tarde toujours à conclure. A quel prix ? Motus partout encore.

Derrière l’actuel PDG Rabah Jrad qui partira dans quelques semaines à la retraite, plusieurs personnes fourbissent leurs armes. On sait que la Secrétaire Générale de Tunisair Najia Gharbi, qui nous l’a confirmé, samedi dernier, au téléphone, a été la candidate du ministre Harouni. «Je n’ai rien demandé. C’est lui qui a déposé ma candidature. Mais je suis un commis de l’Etat », nous a-t-elle indiqué comme pour dire qu’elle ne dira pas non. Il y aurait aussi Chiheb Ben Ahmed, actuel DGA technique et qui serait le candidat de la centrale syndicale. Et il y aussi et surtout, la candidature de Salah Gharsallah, actuel PDG de l’OACA, ancien conseiller de l’ancien chef du gouvernement tunisien Hammadi Jbali. Lors de sa réunion, vendredi 29 novembre, avec les cadres de Tunisair, le ministre du Transport a éludé la question sur la candidature de Gharsallah. Ce dernier aurait pourtant déjà fait intervenir des « chasseurs de têtes » pour lui trouver un second.

C’est donc dans cette lourde atmosphère de guerre de succession et de course au siège de PDG de Tunisair, qu’éclatent la crise financière et la crise de relation entre l’Etat-Larayedh et Tunisair. Une atmosphère qui fait envoyer, par la même SG qui nous a donné tous les chiffres, un SMS à un journaliste l’accusant de déstabiliser la société et lui disant que «tout ce qu’on veut communiquer au public sera annoncé dans la conférence de presse de lundi». Circulez, il n’y a plus rien à voir !

– Complots contre Tunisair ?

La crise par laquelle passe cette sexagénaire du transport aérien tunisien, intervient aussi dans une conjoncture d’un éclatement de la concurrence. Le ministère se fait depuis quelques mois, le fervent apôtre de l’open Sky, contre l’avis même de l’entreprise où l’Etat est le principal et le plus important actionnaire. Le même ministère n’a pas ménagé ses efforts, dans ce cadre, pour essayer d’ouvrir le ciel tunisien à Qatar Airways. Ceci fait désormais dire que le ministère et le gouvernement nahdhaoui laisseraient tomber Tunisair pour la solder aux amis qataris.

Le même ministère a fini par donner toutes les autorisations au concurrent direct de Tunisair qui est Syphax. Ce dernier avait, au début, présenté un dossier pour quelques lignes à partir de Sfax, sa ville natale, où il se présentait comme créateur d’emplois. L’actuel ministère du Transport lui donnera toutes les autorisations sur toutes les destinations où se trouve déjà Tunisair. Le 1er dirigeant de Syphax, nous confie même au téléphone, qu’il a la solution pour les problèmes de Tunisair. Dans les rangs des syndicalistes de la compagnie nationale, il n’est pas loin d’être accusé de vouloir la déconfiture de Tunisair pour assurer la réussite de Syphax. «La complotite», semble ainsi la phobie préférée d’un certain nombre de cadres et d’employés de Tunisair. On ne sait pas si ce sentiment est basé sur des faits réels. On ne sait pas, non plus, qui pourra sauver Tunisair, comme le Roi du Maroc avait sauvé la RAM ?

Ka Bou.

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