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Tunis : Les «Sahéliens» baissent … les bras et font alliance avec Ennahdha.

La scène politique tunisienne est en ébullition, depuis l’assassinat de Chokri Belaïd. Après la recomposition de la Troïka gouvernante, l’explosion du CPR qui n’a plus de secrétaire général, c’est le vote de confiance au gouvernement d’Ali Larayedh. Ce vote, qui en a surpris plus d’un, dévoilera par la suite une autre surprise.

C’est ainsi qu’on apprend que le parti de la «Moubadara» de Kamel Morjane avait accordé ses suffrages à Ennahdha. Ce parti avait, rappelons-le, remporté la majorité de ses sièges à l’ANC dans la région du Sahel. Un parti aussi dont le leader, natif de la région du Sahel où le pouvoir était concentré depuis un demi-siècle, avait été le dernier ministre des Affaires étrangères de l’ancien président tunisien Zine El Abidine Ben Ali et qui fait aussi partie de la longue liste des interdits de voyage.

Ce vote avait été compris par toute la classe politique tunisienne comme un revirement à 180 degrés, le Sahel ayant toujours été la région anti-Nahdha par excellence. Une région qui vit essentiellement du tourisme, dénoncé par les Salafistes et Abou Yaarib Marzouki, avant sa démission d’Ennahdha. Une région, enfin, qui avait été l’une des cibles des toutes premières actions violentes d’Ennahdha, du temps de Bourguiba.

Conscient de l’importance de ce nouveau soutien régional, Rached Ghannouchi ne se prive pas du plaisir de l’annoncer. Une conférence de presse fut ainsi organisée, vendredi dernier, à la Cité Ettadhamen, où le leader de la Nahdha remercie, presque de manière suspecte, Kamel Morjane. «Les bienfaits sont récompensés par les bienfaits», avait dit Ghannouchi de ce qu’il a appelé, «la bonne initiative» du parti Moubadara [Ndlr : Traduisez initiative]. 24 heures plus tard, le parti «Al Watan» [Traduisez la Nation] de Mohamed Jegham, fait fusion avec la Moubadara, selon ce que rapportait, dimanche 17 mars 2013, le quotidien de langue arabe Al Maghreb. Les deux présidents de parti, sont natifs de la même ville, Hammam Sousse, que Ben Ali et représentent les deux principaux partis des Destouriens. Les Destouriens et, derrière eux, les Sahéliens, se mettent ainsi en rang derrière Ennahdha, le parti au pouvoir.

Comme l’a développé, sur deux pages, dans son édition du dimanche 17 mars 2013, le journal Al Maghreb, cette nouvelle alliance politique signe un revirement, lui aussi, à 180 degrés, de la position d’Ennahdha à l’égard de la question du retour des Destouriens à la vie politique. Une position, de fait, pas totalement nouvelle, dans la mesure où Ennahdha n’avait jamais dédaigné l’appui financier des anciens du régime de Ben Ali. Cette alliance, Ennahdha-Moubadara- Al Watan, pourrait avoir deux explications et devrait avoir une suite.

– Ennahdha risque de ne plus passer, même avec la Troïka.

Ennahdha savait, depuis qu’elle avait commencé à parler de gouvernement d’entente nationale, qu’elle ne pourra pas gouverner toute seule. Il lui faudra, pour cela, les mêmes 1,7 million d’électeurs, en décembre prochain, et une loi électorale comme celle qui lui avait permis d’éliminer un million de voix données via l’apport des sièges à l’ANC. Les deux années d’expérience auront appris à l’opposition qu’il lui faudra, désormais, mieux négocier la prochaine loi électorale et se préparer à l’avenant à la prochaine campagne électorale. Ces deux années d’ANC auront aussi forgé sa conviction que le pouvoir a énormément érodé et même ruiné l’image d’Ennahdha qui risque fort de ne plus retrouver ses 1,7 million de voix, en décembre prochain. Tout cela, Ennahdha aussi le sait. Elle sait encore qu’elle ne pourra pas trop compter sur un CPR qui se déchire et sur Ettakattol dont les positions, jamais tranchées, sont toujours en décalage par rapport à la célérité des évènements et qui risque de ne plus trouver, lui aussi, le même nombre de voix, lors du prochain scrutin. La naissance de Nida Tounes qui portait la renaissance des Destouriens, fins politiciens et fins connaisseurs des tactiques électorales, aura terminé de «foutre la pétoche» au parti au pouvoir en Tunisie et a fini par convaincre ses stratèges de mettre en place un «plan B». Les premières actions de ce plan B, commenceront avec l’association de Morjane aux négociations pour la constitution du gouvernement Larayedh. Ses premiers fruits finissent par porter, lors de la séance de vote de confiance.

– Le Sahel «jette les armes».

La seconde explication à cette entente Ennahdha-Al Moubadara-Al Watan, pourrait être une décision, au sein de l’intelligentzia sahélienne (Issue de la région du Sahel ou du Centre-Est de la Tunisie), de ses leviers financiers et d’au moins une partie de ses décideurs politiques, de collaborer avec les nouveaux gouvernants. Cela pourrait d’abord leur éviter de passer par pertes et profits, par le biais de la loi de protection de la révolution. Il est utile de remarquer, comme le rapporte aussi le quotidien Al Maghreb, que Ghannouchi a mis de l’eau dans son vin à propos de cette loi qui n’est plus désormais une priorité au regard de celle de la justice transitionnelle qui devrait apporter la réconciliation, par le biais des punitions financières. Mais la décision de plier comme le roseau, pourrait aussi être expliquée par le simple instinct de survie politique. Le Sahel jetterait ainsi les armes comme un guerrier qui décide de perdre une bataille pour ne pas perdre la guerre. Ce dont nous sommes sûrs, c’est que cette volonté de collaborer des Sahéliens, ne date pas d’aujourd’hui, mais de la seconde année de la révolution. Ce qui est sûr aussi, c’est qu’Ennahdha est consciente de tout cela et que, pour le moment, ses intérêts immédiats convergent avec ceux des Sahéliens. Cela signifie aussi que les colombes ont damé le pion aux faucons au sein d’Ennahdha où plus d’un dirigeant (2 sur 14 du bureau exécutif) de premier rang est natif du Sahel, comme Hammadi Jbali ou Ajmi Lourimi.

– Une entente qui ne peut être sans contrepartie.

Ce que personne ne connait, jusqu’à présent, c’est le contenu et les résultats de ces négociations, qui ont certainement eu lieu entre Rached Ghannouchi, directement ou indirectement, et Kamel Morjane. On pourrait ainsi imaginer qu’elles se seraient faites par l’intermédiaire des Sahéliens d’Ennahdha. On pourrait aussi imaginer qu’elles auraient soulevé des problématiques comme le gel de la loi sur la protection de la révolution, dite aussi loi sur l’exclusion politique ou encore les mesures d’interdiction de voyager. Sur ces deux questions au moins, on remarque, en effet, un assouplissement de la position initiale d’Ennahdha.

Reste à dire, en guise de conclusion, s’il en faut une, que tout cela confirme que le paysage politique dans la Tunisie de la révolution, est loin d’être encore stable. Il aura même tendance, à notre avis, à continuer d’évoluer même après les prochaines élections. Nicolas Machiavel ne disait-il pas que «En politique, le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal» !

Khaled Boumiza.

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